Arrêt du 20 juillet 2012

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144-20120720-JUD-01-00-EN
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

QUESTIONS CONCERNANT L’OBLIGATION

DE POURSUIVRE OU D’EXTRADER

(BELGIQUE c. SÉNÉGAL)

ARRÊT DU 20 JUILLET 2012

2012

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

QUESTIONS RELATING TO THE OBLIGATION

TO PROSECUTE OR EXTRADITE

(BELGIUM v. SENEGAL)

JUDGMENT OF 20 JULY 2012

6 CIJ1033.indb 1 28/11/13 12:50 Mode officiel de citation :
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012, p. 422

Official citation :

Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite
(Belgium v. Senegal), Judgment,
I.C.J. Reports 2012, p. 422

o
N de vente:
ISSN 0074-4441 Sales number 1033
ISBN 978-92-1-071147-0

6 CIJ1033.indb 2 28/11/13 12:50 20 JUILLET 2012

ARRÊT

QUESTIONS CONCERNANT L’OBLIGATION
DE POURSUIVRE OU D’EXTRADER

(BELGIQUE c. SÉNÉGAL)

QUESTIONS RELATING TO THE OBLIGATION

TO PROSECUTE OR EXTRADITE

(BELGIUM v. SENEGAL)

20 JULY 2012

JUDGMENT

6 CIJ1033.indb 3 28/11/13 12:50 422

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Qualités 1-14

I. Contexte historique evt factuel 15-41

II. Compétence de la Cour 42-63
A. L’existence d’un différend 44-55

B. Les autres conditions de compétence 56-63

III. Recevabilité des demandves de la Belgique 64-70

IV. Les violations alléguéves de la convention covntre la
torture 71-117

A. La violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe2
de l’article 6 de la convention 79-88

B. La violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe1
de l’article 7 de la convention 89-117
1. La nature et le sens de l’obligation prévue au paragraphe1

de l’article 7 92-95
2. La portée temporelle de l’obligation prévue au para-
graphe 1 de l’article 7 96-105

3. La mise en œuvre de l’obligation prévue au paragraphe 1
de l’article 7 106-117

V. Les remèdes 118-121

Dispositif 122

4

6 CIJ1033.indb 4 28/11/13 12:50 423

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

2012 ANNÉE 2012
20 juillet
Rôle général
n 144 20 juillet 2012

QUESTIONS CONCERNANT L’OBLIGATION

DE POURSUIVRE OU D’EXTRADER

(BELGIQUE c. SÉNÉGAL)

Contexte historique et factuel.
Plaintes déposées contre M. Habré au Sénégal et en Belgique — Première
demande d’extradition de la Belgique — Transfert par le Sénégal du « dossier
Hissène Habré » à l’Union africaine — Décision du Comité des Nations Unies
contre la torture— Réformes législatives et constitutionnelles sénégalaises — Arrêt
de la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’▯Afrique

de l’Ouest — Deuxième, troisième et quatrième demandes d’extradition de l▯a
Belgique.

*

Bases de compétence de la Cour — Paragraphe 1 de l’article 30 de la convention
contre la torture (la convention) — Déclarations faites par les Parties en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 du Statut.
Existence d’un différend, condition énoncée dans les deux ba▯ses de compé -

tence — Absence de différend concernant le paragraphe 2 de l’article 5 de la
convention — Différend concernant le paragraphe 2 de l’article6 et le para -
graphe 1 de l’article 7 de la convention ayant existé au moment du dépôt de la
requête et continuant d’exister — Absence de différend relatif à des manquements
à des obligations relevant du droit international coutumier.

Autres conditions de compétence au titre du paragraphe 1 de l’article 30 de la
convention — Différend n’ayant pu être réglé par voie de négociatio▯n — Belgique
ayant demandé que le différend soit soumis à l’arbitrage — Au moins six mois
s’étant écoulés après la demande d’arbitrage.
Cour ayant compétence pour connaître du différend concernant le▯ paragraphe 2
de l’article 6 et le paragraphe 1 de l’article 7 de la convention — Nul besoin de

rechercher si la Cour est compétente sur le fondement des déclarat▯ions faites en
vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut.

*

5

6 CIJ1033.indb 6 28/11/13 12:50 424 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

Recevabilité des demandes de la Belgique —Demandes de la Belgique fondées sur
sa qualité de partie à la convention —Demandes de la Belgique fondées sur l’existence
d’un intérêt particulier — Objet et but de la convention — Obligations erga omnes
partes —Droit d’un Etat partie de demander qu’un autre Etat partie, qui aur ▯ ait man
qué à une obligation, mette fin à ce manquement — Belgique ayant qualité, en tant

qu’Etat partie à la convention, pour invoquer la responsabilité▯ du Sénégal à raison de
manquements allégués — Demandes de la Belgique fondées sur le paragraphe 2 de
l’article 6 et le paragraphe 1 de l’article 7 de la convention étant recevables — Nul
besoin de se prononcer sur la question de savoir si la Belgique a un inté▯ rêt particulier.

*

Violations alléguées de la convention contre la torture.
Paragraphe 2 de l’article 5 de la convention étant une condition pour la mise en

œuvre d’autres obligations prévues par cet instrument — Absence de la législation
requise jusqu’en2007 ayant affecté l’exécution par le Sénégal de ses obligations décou -
lant du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention.
Violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article 6 de la
convention — Enquête préliminaire devant être ouverte aussitôt que le suspect est

identifié sur le territoire de l’Etat concerné —Cour constatant que les autorités séné -
galaises n’ont pas immédiatement engagé une enquête prélim ▯ inaire dès le moment où
elles ont eu des raisons de soupçonner M. Habré d’être responsable d’actes de torture.
Violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7 de la
convention — Etat tenu de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes▯ pour

l’exercice de l’action pénale, indépendamment de l’existe▯nce, au préalable, d’une
demande d’extradition — Engagement de poursuites au vu des éléments de preuve
contre le suspect — Poursuite étant une obligation prévue par la conven -
tion — Extradition étant une option offerte par la convention.
Portée temporelle de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7 — Inter -

diction de la torture relevant du droit international coutumier et ayant▯ le caractère
de norme impérative (jus cogens) — Obligation de poursuivre s’appliquant aux
faits survenus après l’entrée en vigueur de la convention à ▯l’égard de l’Etat
concerné — Article 28 de la convention de Vienne sur le droit des traités — Déci -
sion du Comité contre la torture — Obligation de poursuivre incombant au Séné -

gal ne valant pas pour les actes commis avant l’entrée en vigueur ▯de la convention
contre la torture à son égard — Belgique étant en droit de demander à la Cour,
depuis qu’elle est devenue partie à la convention, de se prononcer▯ sur le respect par
le Sénégal du paragraphe 1 de l’article 7.
Mise en œuvre de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7 — Obliga -

tions incombant au Sénégal au titre de la convention n’étant▯ pas affectées par la
décision de la Cour de justice de la Communauté économique des ▯Etats de l’Afrique
de l’Ouest — Difficultés financières soulevées par le Sénégal ne pouvant justifier
qu’il n’ait pas engagé de poursuites contre M. Habré — Saisine de l’Union afri -
caine ne pouvant justifier le retard pris dans le respect par le Sénégal de ses enga -
gements au titre de la convention — Article 27 de la convention de Vienne sur le

droit des traités — Objet et but de la convention contre la torture, et nécessité
d’engager des poursuites sans retard — Sénégal n’ayant pas pris toutes les mesures
nécessaires pour la mise en œuvre du paragraphe 1 de l’article 7 de la conven -
tion — Violation de cette disposition par le Sénégal.

*

6

6 CIJ1033.indb 8 28/11/13 12:50 425 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

Remèdes.
But du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’article 7 — Sénégal
ayant engagé sa responsabilité internationale en manquant à ses▯ obligations au
titre de ces dispositions — Sénégal tenu de mettre fin à ce fait illicite à caractère▯

continu — Obligation pour le Sénégal de saisir ses autorités compétent▯es pour
l’exercice de l’action pénale, s’il n’extrade pas M. Habré.

ARRÊT

Présents : M. Tomka, président ; M.Sepúlveda-Amor, vice-président ;
MM. Owada, Abraham, Keith, Bennouvna, Skotnikov, Cançado
mes
Trmedade, Yusuf, Greenwood, M Xue, Donoghue, M. Gaja,
M Sebutinde, juges ; MM.Sur, Kirsch, juges ad hoc ;
M. Couvreur, greffier.

En l’affaire relative à des questions concernant l’obligationv de poursuivre ou
d’extrader,

entre

le Royaume de Belgique,

représenté par
M. Paul Rietjens, directeur général des affaires juridiques du service pvublic
fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur vet de la coopération

au développement,
comme agent ;

M. Gérard Dive, conseiller, chef du service de droit international humanitaire
du service public fédéral de la justice,

comme coagent ;
M. Eric David, professeur de droit à l’Université libre de Bruxellves,

sir Michael Wood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de
la Commission du droit international,
M. Daniel Müller, consultant en droit international public, chercheur au
Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Université de Pavris
Ouest, Nanterre-La Défense,

comme conseils et avocats ;

S. Exc. M. Willy De Buck, ambassadeur, représentant permanent du Royaume
de Belgique auprès des institutions internationales à La Haye,
M. Philippe Meire, magistrat fédéral, parquet fédéral,
M. Alexis Goldman, conseiller, direction du droit international public, direc
tion générale des affaires juridiques du service public fédévral des affaires

étrangères, du commerce extérieur et de la coopération au dévveloppement,
M. Benjamin Goes, conseiller, chancellerie du premier ministre,

M meValérie Delcroix, attaché, direction du droit international public, direc -

tion générale des affaires juridiques du service public fédévral des affaires
étrangères, du commerce extérieur et de la coopération au dévveloppement,

7

6 CIJ1033.indb 10 28/11/13 12:50 426 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

me
M Pauline Warnotte, attaché, service de droit international humanitaire du
service public fédéral de la justice,
M me Liesbet Masschelein, attaché, chancellerie du premier ministre,
M. Vaios Koutroulis, maître d’enseignement à la faculté de droit de l’Univer-

sité libre de Bruxelles,
M. Geoffrey Eekhout, attaché, représentation permanente du Royaume de
Belgique auprès des institutions internationales à La Haye,
M. Jonas Perilleux, attaché, service de droit international humanitaire du serv
vice public fédéral de la justice,

comme conseillers,

et

la République du Sénégal,
représentée par

S. Exc. M. Cheikh Tidiane Thiam, professeur, ambassadeur, directeur général
des affaires juridiques et consulaires au ministère des affaires vétrangères et
des Sénégalais de l’extérieur,

comme agent ;
S. Exc. M. Amadou Kebe, ambassadeur de la République du Sénégal auprès
du Royaume des Pays-Bas,

M. François Diouf, magistrat, directeur des affaires criminelles et des grâces v
au ministère de la justice,
comme coagents ;

M. Serigne Diop, professeur, médiateur de la République,
M. Abdoulaye Dianko, agent judiciaire de l’Etat,
M. Ibrahima Bakhoum, magistrat,
M. Oumar Gaye, magistrat,

comme conseils ;
M. Moustapha Ly, premier conseiller à l’ambassade du Sénégal à La Hayev,

M. Moustapha Sow, premier conseiller à l’ambassade du Sénégal à
La Haye,

La Cour,

ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant :

1. Le 19 février 2009, le Royaume de Belgique (dénommé ci-après la « Bel-
gique») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductivev d’instance
contre la République du Sénégal (dénommée ci-après lev « Sénégal ») au sujet

d’un différend relatif au « respect par le Sénégal de son obligation de poursuivre
M. H[issène] Habré[, ancien président de la République du Tchad], ou de l’vex -
trader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales ». La Belgique fondait ses
demandes sur la convention des Nations Unies contre la torture et autresv peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (dénom -

mée ci-après la « convention contre la torture » ou la « convention»), ainsi que
sur le droit international coutumier.

8

6 CIJ1033.indb 12 28/11/13 12:50 427 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

Dans sa requête, la Belgique invoquait, comme base de compétence dve la
Cour, le paragraphe 1 de l’article 30 de la convention contre la torture ainsi que
les déclarations faites, en application du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut
de la Cour, par la Belgique, le 17 juin 1958 et par le Sénégal, le 2 décembre 1985.

2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut, la requête a été
communiquée au Gouvernement sénégalais par le greffier ; conformément au
paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis à ester devant la Cour ont évté
informés de la requête.

3. Le 19 février 2009, immédiatement après le dépôt de sa requête, la Bel -
gique, se référant à l’article 41 du Statut et aux articles 73, 74 et 75 du Règle -
ment, a déposé au Greffe de la Cour une demande en indication dev mesures
conservatoires et l’a priée « d’indiquer, en attendant qu’elle rende un arrêt défi -
nitif sur le fond », des mesures conservatoires tendant à ce que le défendeur

prenne « toutes les mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré reste sous le
contrôle et la surveillance des autorités judiciaires du Sénévgal afin que les règles
de droit international dont la Belgique demande le respect puissent êvtre correc-
tement appliquées ».

4. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des vParties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le pvaragraphe 3 de l’ar -
ticle 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en
l’affaire: la Belgique a désigné M. Philippe Kirsch, et le Sénégal M. Serge Sur.
5. Par ordonnance du 28 mai 2009, la Cour, après avoir entendu les Parties,

a dit que les circonstances, telles qu’elles se présentaient alorsv à elle, n’étaient
pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer desv mesures conser -
vatoires en vertu de l’article 41 du Statut (Questions concernant l’obligation de
poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordon -

nance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 156, par. 76).
6. Par ordonnance du 9 juillet 2009, la Cour a fixé au 9 juillet 2010 et
au 11 juillet 2011, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le dévpôt
du mémoire de la Belgique et du contre-mémoire du Sénégal. Lve mémoire de la

Belgique a été dûment déposé dans le délai ainsi prescvrit.
7. A la demande du Sénégal, le président de la Cour a, par ordonnavnce du
11 juillet 2011, reporté au 29 août 2011 la date d’expiration du délai pour le
dépôt du contre-mémoire. Cette pièce a été dûment dvéposée dans le délai ainsi
prorogé.

8. Lors d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec lesv agents des
Parties le 10 octobre 2011, celles-ci ont indiqué qu’elles n’estimaient pas néces -
saire la tenue d’un second tour de procédure écrite et qu’elvles souhaitaient que
la Cour fixe dès que possible la date d’ouverture des audiences.v La Cour a consi -

déré qu’elle était suffisamment informée des moyens de fvait et de droit sur les -
quels les Parties se fondent et que la présentation de nouvelles évcritures n’appa-
raissait pas nécessaire. L’affaire s’est ainsi trouvée en vétat.

9. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la Cour,
après s’être renseignée auprès des Parties, a décidév que des exemplaires des
pièces de procédure et documents annexés seraient rendus accessvibles au public
à l’ouverture de la procédure orale. En outre, l’ensemble dev ces documents, sans
leurs annexes, a été placé sur le site Internet de la Cour.

10. Des audiences publiques ont été tenues entre le 12 mars 2012 et le
21 mars 2012, au cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries etv
réponses :

9

6 CIJ1033.indb 14 28/11/13 12:50 428 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

Pour la Belgique : M. Paul Rietjens,
M. Gérard Dive,
M. Eric David,
sir Michael Wood,
M. Daniel Müller.

Pour le Sénégal : S. Exc. M. Cheikh Tidiane Thiam,
M. Oumar Gaye,
M. François Diouf,
M. Ibrahima Bakhoum,

M. Abdoulaye Dianko.

11. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres de
la Cour, auxquelles il a été répondu oralement et par écrit.v Conformément à
l’article 72 du Règlement, chacune des Parties a présenté des observationvs écrites
sur les réponses que l’autre Partie avait fournies par écrit.

*

12. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées vpar la Belgique:

«La Belgique prie respectueusement la Cour de dire et juger que

— la Cour est compétente pour connaître du différend qui opposev le
Royaume de Belgique à la République du Sénégal en ce qui convcerne le
respect par le Sénégal de son obligation de poursuivre M. H. Habré ou

de l’extrader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales ;
— la demande belge est recevable ;
— la République du Sénégal est obligée de poursuivre pénalement
M. H. Habré pour des faits qualifiés notamment de crimes de torture etv
de crimes contre l’humanité qui lui sont imputés en tant qu’vauteur,

coauteur ou complice ;
— à défaut de poursuivre M. H. Habré, la République du Sénégal est obli -
gée de l’extrader vers le Royaume de Belgique pour qu’il répvonde de ces
crimes devant la justice belge.

La Belgique se réserve le droit de modifier et de compléter [ladvite]
requête. »

13. Au cours de la procédure écrite, les conclusions ci-après ont évté présen -
tées par les Parties :

Au nom du Gouvernement de la Belgique,

dans le mémoire :

«Pour les motifs exposés dans le présent mémoire, le Royaume de vBel -
gique prie la Cour internationale de Justice de dire et de juger que :

1) a)le Sénégal a violé ses obligations internationales en n’ayanvt pas intro-
duit dans son droit interne les dispositions nécessaires permettant aux
autorités judiciaires sénégalaises d’exercer la compétence universelle
prévue par l’article 5, paragraphe 2, de la convention contre la torture

et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le Sénégal a violé et viole ses obligations internationales dévcoulant de
l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 1, de la conven

10

6 CIJ1033.indb 16 28/11/13 12:50 429 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

tion contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu -
mains ou dégradants et du droit international coutumier en s’abste -
nant de poursuivre pénalement M. Hissène Habré pour des faits
qualifiés notamment de crimes de torture, de crime de génocide, vde

crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui lui sont imputvés
en tant qu’auteur, coauteur ou complice, ou de l’extrader vers la vBel -
gique aux fins de telles poursuites pénales ;
c) le Sénégal ne peut pas invoquer des difficultés d’ordre fivnancier ou autres
pour justifier les manquements à ses obligations internationales.

2) Le Sénégal est tenu de mettre fin à ces faits internationalemvent illicites

a) en soumettant sans délai l’affaire Hissène Habré à ses autorités com -

pétentes pour l’exercice de l’action pénale ; ou
b) à défaut, en extradant M. Habré vers la Belgique.

La Belgique se réserve le droit de modifier ou d’amender le cas échéant
les présentes conclusions, conformément aux dispositions du Statutv et du
Règlement de la Cour. »

Au nom du Gouvernement du Sénégal,

dans le contre-mémoire :

«Pour l’ensemble des motifs exposés dans le présent contre-mévmoire,
l’Etat du Sénégal prie la Cour internationale de Justice de dirve et juger que :

1) à titre principal, elle ne peut pas se prononcer sur le fond de la revquête
introduite par le Royaume de Belgique en raison de son incompétence,
en tant qu’elle résulte de l’absence de différend entre lav Belgique et le
Sénégal, et de l’irrecevabilité de ladite requête ;

2) subsidiairement, le Sénégal n’a violé aucune disposition de vla convention
de 1984 contre la torture, notamment celles qui lui prescrivent l’oblviga -
tion d’«extrader ou de juger» (article 6, paragraphe 2, et article 7, para-
graphe 1, de la convention) ni, plus généralement, aucune règle [de] droit

international coutumier ;
3) le Sénégal, en prenant les différentes mesures qui ont étév indiquées,
applique ses engagements d’Etat partie à la convention de 1984 convtre
la torture ;
4) le Sénégal, en prenant les mesures et dispositions appropriées vpour pré -

parer le procès de M. Habré, se conforme à la déclaration par laquelle
il s’est engagé devant la [C]our.

Le Sénégal se réserve le droit de modifier ou d’amender, lve cas échéant,
les présentes conclusions, conformément aux dispositions du Statutv et du
Règlement de la Cour. »

14. Lors de la procédure orale, les conclusions ci-après ont étév présentées par
les Parties :

Au nom du Gouvernement de la Belgique,

à l’audience du 19 mars 2012 :

«Pour les motifs exposés dans son mémoire et lors de la procédurve orale,
le Royaume de Belgique prie la Cour internationale de Justice de dire etv
juger que :

11

6 CIJ1033.indb 18 28/11/13 12:50 430 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

1) a)le Sénégal a violé ses obligations internationales en n’ayanvt pas intr-o
duit dans son droit interne et en temps utile les dispositions néces -
saires permettant aux autorités judiciaires sénégalaises d’evxercer la
compétence universelle prévue par l’article 5, paragraphe 2, de la

convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants ;
b) le Sénégal a violé et viole ses obligations internationales dévcoulant de
l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 1, de la conven-
tion contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu -

mains ou dégradants, et d’autres règles du droit international ven
s’abstenant de poursuivre pénalement Hissène Habré pour des faits
qualifiés notamment de crimes de torture, crimes de guerre, crimes v
contre l’humanité et crime de génocide qui lui sont imputés ven tant

qu’auteur, coauteur ou complice, ou, à défaut, de l’extraderv vers la
Belgique aux fins de telles poursuites pénales ;
c) le Sénégal ne peut pas invoquer des difficultés d’ordre fivnancier ou autres
pour justifier les manquements à ses obligations internationales.

2) le Sénégal est tenu de mettre fin à ces faits internationalemvent illicites

a) en soumettant sans délai l’affaire Hissène Habré à ses autorités com -
pétentes pour l’exercice de l’action pénale ; ou,

b) à défaut, en extradant Hissène Habré sans plus attendre versv la
Belgique. »

Au nom du Gouvernement du Sénégal,
à l’audience du 21 mars 2012 :

«Au vu de l’ensemble des développements et motifs contenus dans sonv
contre-mémoire, dans ses plaidoiries et dans les réponses apportéves aux

questions que les honorables juges ont bien voulu lui poser, par lesquelvs le
Sénégal a déclaré et tenté de démontrer que, dans le cvas d’espèce, il a dûment
assumé ses engagements internationaux et n’a pas commis un quelconvque
fait internationalement illicite, [le Sénégal prie] la Cour de bievn vouloir lui

adjuger le bénéfice des conclusions qui suivent et de dire et juger :

1) à titre principal, qu’elle ne peut pas se prononcer sur le fond de la requête
introduite par le Royaume de Belgique en raison de son incompétence,
en tant qu’elle résulte de l’absence de différend entre lav Belgique et le
Sénégal, et de l’irrecevabilité de ladite requête ;
2) subsidiairement, si elle venait à retenir sa compétence ainsi que vla rece-

vabilité de la requête belge, que le Sénégal n’a violé aucune disposition
de la convention de 1984 contre la torture, notamment celles qui lui
prescrivent l’obligation « de juger ou d’extrader » (article 6, para -
graphe 2, et article 7, paragraphe 1, de la convention) ni, plus générale -

ment, aucune autre règle de droit conventionnel, de droit internationval
général ou de droit international coutumier dans ce domaine ;
3) que le Sénégal, en prenant les différentes mesures qui ont évté indiquées,
applique ses engagements d’Etat partie à la convention de 1984 convtre
la torture ;

4) qu’en prenant les mesures et dispositions appropriées pour prépvarer le
procès de M. H. Habré, le Sénégal se conforme à la déclaration par
laquelle il s’est engagé devant la Cour ;

12

6 CIJ1033.indb 20 28/11/13 12:50 431 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

5) qu’elle rejette, en conséquence, l’ensemble des demandes articuvlées
autour de la requête du Royaume de Belgique. »

*
* *

I. Contexte historique evt factuel

15. La Cour commencera par décrire brièvement le contexte historique
et factuel dans lequel s’inscrit la présente affaire.
16. Après avoir pris le pouvoir le 7 juin 1982 à la tête d’une rébellion,

M. Hissène Habré a présidé la République du Tchad pendant huit annéevs,
au cours desquelles de multiples violations des droits de l’homme aurvaient
été commises, notamment des arrestations d’opposants politiquesv réels ou
présumés, des détentions sans jugement ou dans des conditions ivnhu -
maines, de mauvais traitements, des actes de torture, des exécutions vextr-a
er
judiciaires et des disparitions forcées. Renversé le 1 décembre 1990 par
son ancien conseiller pour la défense et la sécurité — M. Idriss Déby,
actuel président du Tchad —, M. Habré, après un court séjour au Came -
roun, a sollicité et obtenu du Gouvernement sénégalais l’asivle politique. Il

s’est alors installé à Dakar, où il réside depuis lors.
17. Le 25 janvier 2000, sept ressortissants tchadiens résidant au Tchad
et une association de victimes ont saisi le doyen des juges d’instrucvtion au
tribunal régional hors classe de Dakar d’une plainte, avec constitvution de
partie civile, contre M. Habré, au sujet de crimes qui auraient été commis

au cours de sa présidence. Le 3 février 2000, le doyen des juges d’instruc -
tion, après avoir procédé à un interrogatoire de premièrev comparution
aux fins de constater l’identité de M. Habré et lui avoir fait connaître les
faits qui lui étaient attribués, a inculpé celui-ci pour avoir vaidé ou assisté
X … dans la commission de crimes contre l’humanité, d’actes dev torture

et de barbarie » et l’a assigné à résidence.
18. Le 18 février 2000, M. Habré a introduit une requête auprès de la
chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar aux fins de l’vannula -
tion de la procédure ainsi engagée contre lui, arguant de l’incvompétence
des juridictions sénégalaises, du défaut de base légale des vpoursuites et de

la prescription des faits, ainsi que de la violation de la Constitution,v du
code pénal sénégalais et de la convention contre la torture. Pavr son arrêt
du 4 juillet 2000, cette chambre de la cour d’appel a annulé, pour incom -
pétence du juge saisi, les poursuites contre M. Habré. Il y était expliqué
que, en visant des crimes commis hors du territoire du Sénégal parv un

ressortissant étranger contre des ressortissants étrangers, ces poursuites
appelaient l’exercice de la compétence universelle ; or, celle-ci n’était pas
prévue par le code de procédure pénale sénégalais alors evn vigueur. Reje -
tant un pourvoi formé par les parties civiles contre l’arrêt duv 4 juillet 2000,
la Cour de cassation sénégalaise, par arrêt du 20 mars 2001, a confirmé

l’incompétence du magistrat instructeur.

13

6 CIJ1033.indb 22 28/11/13 12:50 432 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

19. Le 30 novembre 2000, un ressortissant belge d’origine tchadienne a
déposé une plainte avec constitution de partie civile contre M. Habré

devant un juge d’instruction belge, notamment pour violations graves vdu
droit international humanitaire, crimes de torture et crime de génocide.
Entre le 30 novembre 2000 et le 11 décembre 2001, vingt autres personnes
ont déposé, devant le même juge, des plaintes similaires contrev M. Habré
pour des faits de même nature. Ces plaintes, qui se rapportaient àv la

période allant de 1982 à 1990 et émanaient de deux binationaux belgo-
tchadiens et de dix-huit ressortissants tchadiens, visaient des crimesprévus
par la loi belge du 16 juin 1993 relative à la répression des violations
graves du droit international humanitaire — modifiée par la loi du
10 février 1999 (ci-après la « loi de 1993/1999 ») — et par la convention
contre la torture. La convention a été ratifiée par le Sénvégal le 21 août 1986,

sans réserve, et lie ce dernier depuis le 26 juin 1987, date de son entrée en
vigueur. Elle a été ratifiée par la Belgique le 25 juin 1999, sans réserve, et
lie cette dernière depuis le 25 juillet 1999.
20. Après avoir constaté que les faits ainsi dénoncés — extermination,
torture, persécution et disparitions forcées — pouvaient être qualifiés de

«crimes contre l’humanité» au regard de la loi de 1993/1999, le juge d’ins -
truction belge a adressé deux commissions rogatoires internationales vau
Sénégal et au Tchad, respectivement les 19 septembre et 3 octobre 2001.
Par la première, il entendait obtenir copie de tous les dossiers des procé -
dures pendantes devant la justice sénégalaise concernant M. Habré ; le

Sénégal a fourni à la Belgique un dossier pertinent le 22 novembre 2001.
La seconde visait à établir une coopération judiciaire entre lav Belgique et
le Tchad, notamment en demandant que les autorités belges soient autov -
risées à interroger les plaignants et les témoins tchadiens, àv consulter les
dossiers pertinents et à visiter les lieux en cause ; le juge d’instruction
belge a exécuté cette commission rogatoire au Tchad du 26 février au

8 mars 2002. Par ailleurs, en réponse à une question posée par celui-cvi,
le 27 mars 2002, aux fins de savoir si M. Habré bénéficiait d’une quel -
conque immunité de juridiction en sa qualité d’ancien chef d’vEtat, le
ministre tchadien de la justice a indiqué, dans une lettre datée dvu 7 oc-
tobre 2002, que la conférence nationale souveraine tenue à N’Djvamena

du 15 janvier au 7 avril 1993 avait officiellement levé toute immunité de
juridiction de l’ancien président. Entre 2002 et 2005, divers actes d’ins -
truction ont été exécutés en Belgique, notamment l’auditivon des parties
plaignantes et des témoins, ainsi que l’analyse des documents tranvsmis
par les autorités tchadiennes en exécution de la commission rogatovire.

21. Le 19 septembre 2005, le juge d’instruction belge a décerné un
mandat d’arrêt international par défaut à l’encontre de Mv. Habré, inculpé
comme auteur ou coauteur, notamment, de violations graves du droit
international humanitaire, d’actes de torture, du crime de génocidve, de
crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Par note verbale vdu
22 septembre 2005, la Belgique a transmis ledit mandat d’arrêt internatio -

nal au Sénégal et a demandé l’extradition de M. Habré. Le 27 sep -
tembre 2005, Interpol — dont la Belgique et le Sénégal sont membres

14

6 CIJ1033.indb 24 28/11/13 12:50 433 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

depuis, respectivement, le 7 septembre 1923 et le 4 septembre 1961 — a
fait circuler une « notice rouge» concernant M. Habré, qui vaut demande

d’arrestation provisoire en vue de l’extradition.
22. Dans son arrêt du 25 novembre 2005, la chambre d’accusation de
la cour d’appel de Dakar s’est prononcée sur la demande d’exvtradition de
la Belgique en décidant que, en tant que « juridiction ordinaire de droit
commun, [elle] ne [pouvait] étendre sa compétence aux actes d’ivnstruction

et de poursuite engagés contre un chef d’Etat pour des faits prévtendument
commis dans l’exercice de ses fonctions »; que M. Habré devait « bénéfi -
cier de … l’immunité de juridiction », qui « a vocation à survivre à la ces -
sation de fonctions du [p]résident de la République»; et qu’elle ne pouvait
dès lors « connaître de la régularité [des] actes de poursuite et de la vavli -
dité d[u] mandat d’arrêt s’appliquant à un chef d’Etatv».

23. Au lendemain du prononcé de l’arrêt du 25 novembre 2005, le
Sénégal a saisi l’Union africaine de la question du jugement dev cet ancien
chef d’Etat. En juillet 2006, la conférence des chefs d’Etat et de gouverne -
ment de cette organisation a notamment, par sa décision 127 (VII),

«décid[é] de considérer le « dossier Hissène Habré» comme le dossier
de l’Union africaine, … mandat[é] la République du Sénégal de
poursuivre et de faire juger, au nom de l’Afrique, Hissène Habrév par

une juridiction sénégalaise compétente avec les garanties d’vun procès
juste »

et
«donn[é] mandat au président de l’Union [africaine], en concertavtion

avec le président de la Commission [de l’Union], d’apporter au vSéné -
gal l’assistance nécessaire pour le bon déroulement et le bon fvonc -
tionnement du procès ».

24. Au vu de l’arrêt du 25 novembre 2005 de la chambre d’accusation
de la cour d’appel de Dakar, la Belgique a, par note verbale datée duv
30 novembre 2005, prié le Sénégal de lui indiquer quelles étaient les imvpli -
cations de cette décision judiciaire sur sa demande d’extradition,v à quelle
phase en était la procédure et si le Sénégal pouvait répovndre officiellement

à la demande d’extradition et apporter des éclaircissements surv sa position
à la suite de ladite décision. En réponse, le Sénégal a, vdans une note verbale
du 7 décembre 2005, notamment indiqué que, après l’arrêt en cause, il avaivt
saisi l’Union africaine de l’affaire Habré, ce qui, entre autres, «préfigur[ait]
une gestion concertée à l’échelle africaine de questions relvevant a priori de

la souveraineté nationale des Etats». Par note verbale du 23 décembre 2005,
le Sénégal a précisé que l’arrêt de la chambre d’acvcusation mettait fin à la
phase judiciaire de la procédure, qu’il avait pris la décision vde transmettre
le « dossier Hissène Habré » à l’Union africaine (voir paragraphes 23 ci-
dessus et 36 ci-après) et que cette décision devait dès lors être convsidérée
comme traduisant sa position suite à l’arrêt de la chambre d’vaccusation.

25. Par note verbale du 11 janvier 2006, la Belgique, se référant à la
procédure de négociation en cours au titre de l’article 30 de la convention

15

6 CIJ1033.indb 26 28/11/13 12:50 434 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

contre la torture et prenant note du transfert du « dossier Hissène Habré»
à l’Union africaine, a indiqué qu’elle interprétait laditve convention et,

plus particulièrement l’obligation aut dedere aut judicare prévue à l’ar -
ticle 7, «comme ne prévoyant d’obligations que dans le chef d’un Etat, env
l’occurrence, dans le cadre de la demande d’extradition de M. Hissène
Habré, dans le chef de la République du Sénégal ». La Belgique a en outre
demandé au Sénégal « de bien vouloir lui communiquer sa décision finale

quant à l’accord ou [au] refus de donner suite à la demande d’vextradi -
tion» de M. Habré. Selon la Belgique, le Sénégal n’a pas répondu àv cette
note. Par note verbale du 9 mars 2006, la Belgique s’est référée de nou -
veau à la procédure de négociation en cours au titre de l’arvticle 30 et a
précisé qu’elle interprétait l’article 4, l’article 5, paragraphes 1 c) et 2,
l’article 7, paragraphe 1, l’article 8, paragraphes 1, 2 et 4, et l’article 9,

paragraphe 1, de la convention « comme prévoyant l’obligation, pour
l’Etat sur le territoire duquel est trouvé l’auteur présumév d’une infraction
visée à l’article 4 de la convention …, de l’extrader à défaut de l’avoir jvugé
sur [la] base des incriminations visées audit article »; en conséquence, la
Belgique a demandé au Sénégal

«de bien vouloir lui faire savoir si sa décision de transmettre l’affaire
Hissène Habré à l’Union africaine d[evait] être interprévtée comme

signifiant que les autorités sénégalaises [n’avaient] plusv l’intention de
l’extrader vers la Belgique ni de le faire juger par les autoritésv judi -
ciaires compétentes ».

26. Par note verbale datée du 4 mai 2006, la Belgique, après avoir
constaté l’absence de réaction officielle des autorités sévnégalaises à ses
correspondances et démarches antérieures, a réitéré qu’velle interprétait
l’article 7 de la convention contre la torture comme prévoyant l’obliga -
tion, pour l’Etat sur le territoire duquel est trouvé l’auteur vprésumé, de

l’extrader à défaut de l’avoir jugé, et a souligné quev la «décision de confier
le cas Hissène Habré à l’Union africaine » ne pouvait dispenser le Sénégal
des obligations qui lui incombaient de juger ou d’extrader la personnve accu -
sée des faits incriminés conformément aux articles pertinents de la conven-
tion; elle a par ailleurs indiqué qu’une controverse non résolue auv sujet de

cette interprétation entraînerait un recours à la procédure vd’arbitrage au
titre de l’article 30 de la convention. Par note verbale du 9 mai 2006, le
Sénégal a expliqué que ses notes verbales des 7 et 23 décembre 2005
constituaient une réponse à la demande d’extradition de la Belgvique; il a
précisé que, en transférant l’affaire à l’Union afrivcaine, pour ne pas créer

une impasse juridique, il s’était conformé à l’esprit du vprincipe aut
dedere aut punire ; et il a enfin pris acte de « l’éventualité d’un recours à
la procédure d’arbitrage prévue à l’article 30 de la convention ». La Bel -
gique a, dans une note verbale du 20 juin 2006, que le Sénégal soutient
n’avoir pas reçue, « constat[é] que la tentative de négociation entamée
avec le Sénégal en novembre 2005 n’a[vait] pas abouti » et a en consé -

quence demandé au Sénégal que le différend soit soumis àv l’arbitrage,
«suivant les modalités à convenir de commun accord », conformément à

16

6 CIJ1033.indb 28 28/11/13 12:50 435 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

l’article 30 de la convention. Par ailleurs, aux termes d’un rapport préparév
par l’ambassade de Belgique à Dakar suite à une réunion tenuve le

21 juin 2006 entre le secrétaire général du ministère sénégalavis des affaires
étrangères et l’ambassadeur de Belgique, ce dernier a expressévment invité
le Sénégal à prendre clairement position sur la demande de recovurs à l’ar -
bitrage. Selon le même rapport, les autorités sénégalaises ovnt pris acte de
la demande belge d’arbitrage et l’ambassadeur de Belgique a appelév leur

attention sur le fait que le délai de six mois fixé à l’arvticle 30 (voir para -
graphe 42 ci-après) commençait à courir à compter de cette date.
27. Le Comité des Nations Unies contre la torture a été saisi d’vune
communication présentée par plusieurs personnes, dont M. Souleymane
Guengueng, l’un des ressortissants tchadiens ayant déposé une pvlainte
contre M. Habré, auprès du doyen des juges d’instruction au tribunal

régional hors classe de Dakar, le 25 janvier 2000 (voir paragraphe 17 ci-
dessus). Le Comité a déclaré, dans une décision du 17 mai 2006, que le
Sénégal n’avait pas adopté les « mesures nécessaires » pour établir sa
compétence sur les crimes visés par la convention, en violation duv para -
graphe 2 de l’article 5 de celle-ci. Le Comité a également indiqué que le

Sénégal ne s’était pas acquitté de l’obligation qui luvi incombait, confor -
mément au paragraphe 1 de l’article 7, de soumettre l’affaire concernant
M. Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’vaction pénale
ou, à défaut, dès lors qu’il existait une demande d’extravdition émanant de
la Belgique, de faire droit à cette demande. Le Comité a par aillevurs for -
mulé le souhait de recevoir dans les 90 jours des renseignements « sur les

mesures prises [par le Sénégal] pour donner effet à ses recomvmandation» s.
28. En 2007, le Sénégal a procédé à plusieurs modificationsv législatives
afin de mettre son droit interne en conformité avec le paragraphe 2 de
l’article 5 de la convention contre la torture. Les nouveaux articles 431-1
à 431-5 de son code pénal définissaient et sanctionnaient formellevment le

crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et
d’autres violations du droit international humanitaire. De surcroîvt, en
vertu du nouvel article 431-6 dudit code, tout individu pouvait

«être jugé et condamné en raison d’actes ou d’omissions … qui, vau
moment et au lieu où ils étaient commis, étaient tenus pour unev
infraction pénale d’après les principes généraux de droit reconnus
par l’ensemble des nations, qu’ils aient ou non constitué une tvrans -
gression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu ».

Par ailleurs, l’article 669 du code de procédure pénale sénégalais était
modifié comme suit :

«Tout étranger qui, hors du territoire de la République, s’est vvu
reprocher d’être l’auteur ou le complice d’un des crimes visvés aux
articles 431-1 à 431-5 du code pénal …, peut être poursuivi et jugé
d’après les dispositions des lois sénégalaises ou applicablevs au Séné -
gal s’il se trouve sous la juridiction du Sénégal ou si une vicvtime

réside sur le territoire de la République du Sénégal, ou si le Gouver -
nement obtient son extradition. »

17

6 CIJ1033.indb 30 28/11/13 12:50 436 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

En outre, un nouvel article 664bis était inséré dans le code de procédure
pénale, aux termes duquel « les juridictions nationales sont compétentes

pour tout crime ou délit, puni par la loi sénégalaise, commis hvors du ter-
ritoire de la République par un national ou un étranger, lorsque la vic -
time est de nationalité sénégalaise au moment des faits ».

Le Sénégal a informé la Belgique de ces modifications législatives par

notes verbales en date des 20 et 21 février 2007. Dans sa note verbale du
20 février, le Sénégal a également rappelé que, lors de sa hvuitième session
ordinaire tenue les 29 et 30 janvier 2007, la conférence de l’Union afri -
caine avait

«lanc[é] un appel aux Etats membres [de l’Union], aux partenaires
internationaux et à l’ensemble de la [c]ommunauté internationalve
pour la mobilisation de toutes les ressources, en particulier les res -
sources financières, nécessaires à la préparation et au bovn déroule -

ment [du] procès [de M. Habré» ] (doc. Assembly/AU/DEC.157 (VIII)).
29. Dans sa note verbale du 21 février, le Sénégal a affirmé que

«le principe de non-rétroactivité, bien que reconnu par la légisvlation
sénégalaise, … ne fai[sait] pas obstacle au jugement ou à la condam -

nation de tout individu en raison d’actes ou d’omissions qui, au
moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels dv’après
les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des Etavts».

Après avoir indiqué qu’il avait constitué « un groupe de travail chargé de
faire les propositions nécessaires pour déterminer les modalitévs et procé -
dures aptes à faire poursuivre et juger, au nom de l’Afrique, l’vancien
président du Tchad, avec les garanties d’un procès juste et évquitable »,
le Sénégal a souligné que ledit procès « exig[eait] des moyens [financiers]

importants qu[’il] ne [pouvait] mobiliser sans le concours de la [c]ovmmu -
nauté internationale ».
30. Par note verbale datée du 8 mai 2007, la Belgique a rappelé qu’elle
avait fait part au Sénégal, dans une note verbale du 20 juin 2006, «de son
souhait de constituer un tribunal arbitral pour résoudre [le] différend à

défaut d’avoir pu trouver une solution par la voie de la négocivation,
comme le prévoit l’article 30 de la convention [contre la torture] »; elle a
constaté qu’«aucune réponse [n’avait] été apportée par la Républiquve du
Sénégal [à sa] proposition d’arbitrage » et réservé ses droits sur la base de
l’article 30 susmentionné ; elle a pris acte des nouvelles dispositions légis -

latives sénégalaises et s’est enquise de savoir si celles-ci pevrmettraient la
poursuite de M. Habré au Sénégal et, le cas échéant, dans quels délaisv ;
enfin, la Belgique a soumis au Sénégal une offre de coopéravtion judiciaire
prévoyant que, sur la base d’une commission rogatoire émanant dves auto -
rités sénégalaises compétentes, une copie du dossier d’invstruction belge à
charge de M. Habré serait transmise au Sénégal par la Belgique. Par note

verbale du 5 octobre 2007, le Sénégal a informé la Belgique de sa déci-
sion d’organiser le procès de M. Habré et l’a invitée à une réunion des

18

6 CIJ1033.indb 32 28/11/13 12:50 437 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

donateurs potentiels aux fins du financement dudit procès. La Belvgique a
réitéré son offre de coopération judicaire par des notes vverbales datées

des 2 décembre 2008, 23 juin 2009, 14 octobre 2009, 23 février 2010,
28 juin 2010, 5 septembre 2011 et 17 janvier 2012. Par ses notes verbales
des 29 juillet 2009, 14 septembre 2009, 30 avril 2010 et 15 juin 2010,
le Sénégal a accueilli favorablement la proposition d’entraide judviciaire,
indiqué qu’il avait désigné des juges d’instruction et s’vest déclaré disposé

à donner suite à cette proposition dès qu’aurait eu lieu la vprochaine table
ronde des donateurs. Aucune demande de commission rogatoire émanant
des autorités judiciaires sénégalaises n’a été reçuve à cette fin par les auto -
rités belges.
31. En 2008, le Sénégal a modifié l’article 9 de sa Constitution afin de
prévoir une exception au principe de la non-rétroactivité de sav loi pénale:

bien que l’alinéa 2 dudit article prévoie que « [n]ul ne peut être condamné
si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant l’actve commis », son
alinéa 3 stipule que

«[t]outefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne s’vopposent pas à la
poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en raisovn
d’actes ou omissions qui, au moment où ils étaient commis, évtaient
tenus pour criminels d’après les règles du droit international vrelatives

aux faits de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerv» re.
32. A la suite des réformes législatives et constitutionnelles susmen -

tionnées (voir paragraphes 28 et 31 ci-dessus), quatorze victimes (une de
nationalité sénégalaise et treize de nationalité tchadienne) ont déposé
plainte, en septembre 2008, auprès du procureur général près la cour
d’appel de Dakar, accusant M. Habré d’actes de torture et de crimes
contre l’humanité commis au cours de sa présidence.
33. Le 19 février 2009, la Belgique a déposé au Greffe la requête intro -

duisant la présente instance devant la Cour (voir paragraphe 1 ci-dessus).
Le 8 avril 2009, le Sénégal, au cours des audiences relatives à la demandev
en indication de mesures conservatoires présentée par la Belgique ven la
présente affaire (voir paragraphes 3 et 5 ci-dessus), a solennellement
déclaré devant la Cour qu’il ne laisserait pas M. Habré quitter son terri -

toire aussi longtemps que l’affaire serait pendante (voir C.I.J. Recueil 2009,
p. 154, par. 68). Au cours de ces mêmes audiences, il a affirmé que « [l]e
seul obstacle … à l’ouverture du procès de M. Hissène Habré au Sénégal
[était] d’ordre financier » et que son pays « a[vait] accepté de juger
M. Habré non sans dire devant l’Union africaine, dès le départ,v qu’il ne

pouvait pas, à lui tout seul, supporter le coût du procès ». Le budget dudit
procès a été adopté lors d’une table ronde des donateurs tenue à Dakar
en novembre 2010, réunissant le Sénégal, la Belgique et plusieurs autres
Etats, ainsi que l’Union africaine, l’Union européenne, le Haut Commis -
sariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le bureau des Natiovns
Unies pour les services d’appui aux projets : il s’élève à 8,6 millions

d’euros, montant auquel la Belgique a accepté de contribuer à hvauteur
de 1 million d’euros.

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6 CIJ1033.indb 34 28/11/13 12:50 438 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

34. Par arrêt du 15 décembre 2009, la Cour africaine des droits de

l’homme et des peuples s’est déclarée incompétente pour cvonnaître d’une
requête déposée le 11 août 2008 contre la République du Sénégal aux fins du
retrait de la procédure alors diligentée par cet Etat en vue d’vinculper, juger
et condamner M. Habré. La Cour a fondé sa décision sur l’absence de déclav -
ration sénégalaise acceptant sa compétence pour recevoir de telvles requêtes,

conformément au paragraphe 6 de l’article 34 du protocole relatif à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création
d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour avfricaine
des droits de l’homme et des peuples, affaire Michelot Yogogombaye c. Répu -
o
blique du Sénégal, requête n 001/2008, arrêt du 15 décembre 2009).
35. Par arrêt du 18 novembre 2010, la Cour de justice de la Commu -
nauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (ci-aprèvs la «Cour de
justice de la CEDEAO ») s’est prononcée sur une requête déposée le
6 octobre 2008, par laquelle M. Habré lui demandait de constater que ses

droits de l’homme seraient violés par le Sénégal si des pourvsuites étaient
engagées contre lui. Après avoir notamment constaté l’existevnce d’indices
concordants d’atteinte potentielle aux droits de l’homme de M. Habré sur
la base des réformes constitutionnelles et législatives sénévgalaises, cette
Cour a dit que le Sénégal devait se conformer au respect des dévcisions

rendues par ses juridictions nationales, notamment au respect de l’auvto -
rité de la chose jugée, et elle lui a ordonné, en conséquencve, le respect
du principe absolu de non-rétroactivité. Elle a par ailleurs conclu qvue
le mandat reçu de l’Union africaine conférait au Sénégal pluvtôt un meission

de conception et de suggestion de toutes modalités propres à poursvuivre
et à faire juger M. Habré dans le cadre strict d’une procédure spéciale ad
hoc à caractère international (Cour de justice de la CEDEAO, affaivre
Hissein Habré c. République du Sénégal, arrêt n oECW/CCJ/JUD/06/10
du 18 novembre 2010).

36. A la suite de l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO susmen -
tionné, la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’vUnion afr-i
caine a, en janvier 2011,

«[d]emandé à la Commission d’entreprendre des consultations avecv
le Gouvernement du Sénégal afin de finaliser les modalités vpour l’or -
ganisation rapide du procès de Hissène Habré par un tribunal spvécial

à caractère international, conformément à la décision de vla Cour de
justice de la CEDEAO sur la question ».

Lors de sa dix-septième session, tenue en juillet 2011, la conférence a
«confirm[é] le mandat confié au Sénégal de juger Hissèvne Habré au nom
de l’Afrique» et lui a

«demand[é] instamment … d’assumer sa responsabilité juridique
conformément à la convention des Nations Unies contre la torture, và
la décision du Comité des Nations Unies contre la torture ainsi
qu’audit mandat visant à juger rapidement M. Hissène Habré ou à

l’extrader vers tout autre pays susceptible de le juger ».

20

6 CIJ1033.indb 36 28/11/13 12:50 439 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

37. Par note verbale du 15 mars 2011, la Belgique a transmis aux auto -

rités sénégalaises une deuxième demande d’extradition de vM. Habré. Le
18 août 2011, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar a
déclaré irrecevable cette deuxième demande d’extradition, auv motif qu’elle
n’était pas accompagnée des documents requis par la loi sénégalaise
no 71-77 du 28 décembre 1971 (ci-après la « loi sénégalaise sur l’extradi -

tion»), notamment de pièces attestant l’existence de procédures pénales
dont M. Habré serait l’objet en Belgique et indiquant le fondement juri -
dique de celles-ci, comme l’exige l’article 9 de la loi sur l’extradition, ainsi
que « d’un procès-verbal d’interrogatoire de la personne dont l’exvtradi -
tion est demandée en application de l’article 13 de [la même loi] ». La

chambre d’accusation faisait en outre observer que la Belgique avait v
introduit une instance contre le Sénégal devant la Cour internationale de
Justice; elle en concluait que

«ce litige [était] encore pendant devant ladite juridiction, qui seulev
[pouvait] trancher la question de l’interprétation controverséev entre les
deux Etats de l’étendue et de la portée de l’obligation aut dedere aut
judicare résultant de l’article 4 de la convention [contre la torture]».

38. Par note verbale du 5 septembre 2011, la Belgique a transmis au Séné -
gal une troisième demande d’extradition de M. Habré. Le 10 janvier 2012, la

chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar a déclaré qvue cette
demande d’extradition était irrecevable, au motif que la copie du vmandat
d’arrêt international versée au dossier n’était pas authevntique, comme l’exige
l’article 9 de la loi sénégalaise sur l’extradition. Elle faisait en outrve valoir que
«le [p]rocès-verbal d’arrestation et de mise sous écrou et d’vinterrogatoire de

la personne dont l’extradition [était] demandée conformémentv à l’article 13
de la loi [sénégalaise sur l’extradition] n’[était] pas jvoint à la procédr.e
39. Les 12 janvier et 24 novembre 2011, le rapporteur du Comité contre
la torture chargé du suivi des communications, se référant àv la décision
rendue par ledit comité le 17 mai 2006 (voir paragraphe 27 ci-dessus), a

rappelé au Sénégal son obligation de soumettre l’affaire cvoncernant
M. Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’vaction pénale,
s’il ne l’extradait pas.
40. Par note verbale du 17 janvier 2012, la Belgique a adressé au Sénégal
une quatrième demande d’extradition de M. Habré, sous le couvert de l’am -

bassade du Sénégal à Bruxelles. Le 23 janvier 2012, l’ambassade a accusé
réception de ladite note ainsi que ses annexes ; elle a en outre précisé que
l’ensemble de ces documents avaient été transmis aux autoritévs compétentes
au Sénégal. Par lettre en date du 14 mai 2012, le ministère sénégalais de la
justice a informé le ministère sénégalais des affaires évtrangères que la demande

d’extradition avait été transmise en son temps au procureur gévnéral près
la cour d’appel de Dakar, « en l’état, avec instruction de saisir la chambre
d’accusation, après accomplissement des formalités légales rvequis»e.s
41. A sa dix-huitième session, tenue en janvier 2012, la conférence des
chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine a fait observer que

la cour d’appel de Dakar ne s’était pas encore prononcée surv la quatrième

21

6 CIJ1033.indb 38 28/11/13 12:50 440 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

demande d’extradition belge ; elle a noté que le Rwanda était prêt à orga -
niser le procès de M. Habré et

«demandé à la Commission [de l’Union africaine] de poursuivre levs
consultations avec les pays et institutions partenaires, et la Répu -

blique du Sénégal, ainsi qu’avec la République du Rwanda, en vue
d’assurer l’organisation rapide du procès de Hissène Habrév, et d’exa -
miner les modalités pratiques ainsi que les implications juridiques et
financières du procès ».

II. Compétence de la Cour

42. Pour fonder la compétence de la Cour, la Belgique invoque le para -
graphe 1 de l’article 30 de la convention contre la torture, ainsi que les
déclarations faites par les Parties en vertu du paragraphe 2 de l’article 36

du Statut. Le paragraphe 1 de l’article 30 de la convention est ainsi libellé:
«Tout différend entre deux ou plus des Etats parties concernant

l’interprétation ou l’application de la présente convention vqui ne
peut être réglé par voie de négociation est soumis à l’varbitrage à la
demande de l’un d’entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la vdate
de la demande d’arbitrage, les parties ne parviennent pas à se metvtre
d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconquev d’entre

elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Juvstice
en déposant une requête conformément au Statut de la Cour. »

La déclaration de la Belgique en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du
Statut de la Cour a été faite le 17 juin 1958 ; dans sa partie pertinente, elle
se lit comme suit :
«[La Belgique] reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans

convention spéciale vis-à-vis de tout autre Etat acceptant la même
obligation la juridiction de la Cour internationale de Justice, confor -
mément à l’article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour, sur tous
les différends d’ordre juridique nés après le 13 juillet 1948 au sujet de
situations ou de faits postérieurs à cette date, sauf le cas oùv les par -

ties auraient convenu ou conviendraient d’avoir recours à un autrev
mode de règlement pacifique. »
La déclaration du Sénégal a été faite le 2 décembre 1985 et, dans sa partie
pertinente, est ainsi libellée :

«[Le Sénégal] accepte sous condition de réciprocité, comme obvli -
gatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égarvd de tout
autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour suvr

tous les différends d’ordre juridique nés postérieurement và la pré -
sente déclaration ayant pour objet :

— l’interprétation d’un traité ;
— tout point de droit international ;

22

6 CIJ1033.indb 40 28/11/13 12:50 441 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

— la réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituevrait la viola-
tion d’un engagement international ;

— la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture
d’un engagement international.

Cette présente déclaration est faite sous condition de réciprocvité de
la part de tous les Etats. Cependant, le Sénégal peut renoncer àv la
compétence de la Cour au sujet :

— des différends pour lesquels les parties seraient convenues
d’avoir recours à un autre mode de règlement ;
— des différends relatifs à des questions qui, d’après le drvoit inter -

national, relèvent de la compétence exclusive du Sénégal.»
43. Le Sénégal conteste que la Cour ait compétence sur l’un ou lv’autre

de ces fondements, affirmant qu’il n’a pas été satisfait auvx conditions
énoncées dans lesdits instruments et, en premier lieu, qu’il n’vexiste pas de
différend entre les Parties.

A. L’existence d’un différend

44. Dans les demandes qu’elle a formulées dans sa requête, la Belgivque
prie la Cour de dire et juger que

«— la République du Sénégal est obligée de poursuivre pénalev -
ment M. H. Habré pour des faits qualifiés notamment de
crimes de torture et de crimes contre l’humanité qui lui sont
imputés en tant qu’auteur, coauteur ou complice ;
— à défaut de poursuivre M. H. Habré, la République du Séné -

gal est obligée de l’extrader vers le Royaume de Belgique pour
qu’il réponde de ces crimes devant la justice belge ».

Dans ses conclusions finales, la Belgique prie la Cour de dire et jugevr que
le Sénégal a manqué aux obligations que lui impose l’articlev 5, para -
graphe 2, de la convention contre la torture, et que, en s’abstenant de
prendre des mesures relativement aux crimes reprochés à M. Habré, il a
manqué et continue de manquer aux obligations que lui imposent l’ar -

ticle 6, paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 1, de ce même instrument,
ainsi que certaines autres règles de droit international.
Le Sénégal soutient qu’il n’existe aucun différend entrve les Parties
concernant l’interprétation ou l’application de la convention contre la
torture ou toute autre règle pertinente de droit international et quev, par -

tant, la Cour n’a pas compétence en la présente espèce.
45. La Cour relève que les Parties ont ainsi exposé des vues radicale -
ment opposées quant à la question de savoir si un différend evxiste entre
elles et, si tel est le cas, quel en est l’objet. Etant donné que vl’existence
d’un différend est une condition énoncée dans les deux basves de compé -

tence que la Belgique a invoquées, la Cour commencera par examiner
cette question.

23

6 CIJ1033.indb 42 28/11/13 12:50 442 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

46. La Cour rappelle que, pour établir l’existence d’un différvend, « [i]l

faut démontrer que la réclamation de l’une des parties se heurtve à l’opposi -
tion manifeste de l’autre» (Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud;
Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962,
p. 328). Ainsi qu’elle a eu l’occasion de le préciser, «[l]’existence d’un diffé-
rend international demande à être établie objectivement » (Interprétation

des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumani▯ e, pre -
mière phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74) et « [l]a Cour, pour
se prononcer, doit s’attacher aux faits. Il s’agit d’une questivon de fond, et
non de forme.» (Application de la convention internationale sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Rus -

sie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30.)
La Cour a également relevé que, «[e]n principe, le différend doit exister au
moment où la requête [lui] est soumise» (ibid., par. 30).
47. Aux termes de la première demande formulée en 2010 dans les
conclusions de son mémoire, puis en 2012 dans ses conclusions finales, la

Belgique prie la Cour de dire que le Sénégal a violé le paragravphe 2 de
l’article 5 de la convention contre la torture, qui impose à tout Etat partie
de « prend[re] les mesures nécessaires pour établir sa compétence » aux
fins de connaître d’actes de torture dans le cas où l’autevur présumé de
ceux-ci « se trouve sur tout territoire sous sa juridiction » et où il ne l’ex -

trade pas vers l’un des Etats visés au paragraphe 1 du même article. La
Belgique fait valoir que le Sénégal n’a pas adopté « en temps opportun »
la législation nationale nécessaire pour permettre à ses autorivtés judi -
ciaires d’exercer leur compétence à l’égard d’actes dev torture qui auraient
été commis à l’étranger par un ressortissant étranger vse trouvant sur le

territoire sénégalais. Le Sénégal ne conteste pas n’avoirv satisfait qu’en
2007 à l’obligation que lui impose le paragraphe 2 de l’article 5. Il sou -
tient toutefois qu’il l’a fait de manière appropriée en adopvtant la
loi no 2007-05 portant modification de l’article 669 de son code de procé -
dure pénale, et ce, en vue d’étendre la compétence des juridvictions séné-

galaises à certaines infractions, notamment la torture, qui auraient été
commises hors du territoire sénégalais par un ressortissant étrvanger,
quelle que soit la nationalité de la victime (voir paragraphe 28 ci-dessus).
Le Sénégal précise également que l’article 9 de sa Constitution a été
modifié en 2008 de sorte que le principe de non-rétroactivité en matière

pénale n’empêche pas que des poursuites soient engagées à l’encovntre d’un
individu à raison de faits de génocide, de crimes contre l’humavnité ou de
crimes de guerre qui, au moment où ils ont été commis, constituvaient des
crimes au regard du droit international (voir paragraphe 31 ci-dessus).
La Belgique convient que le Sénégal s’est finalement conformév à l’obli -

gation que lui impose le paragraphe 2 de l’article 5, mais soutient que le
fait qu’il ne l’ait pas fait en temps opportun a eu des conséquvences néga -
tives sur l’exécution d’autres obligations énoncées dans vla convention.

48. La Cour considère que, au moment du dépôt de la requête, il vavait

été mis fin à tout différend ayant pu exister entre les vParties au sujet de

24

6 CIJ1033.indb 44 28/11/13 12:50 443 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

l’interprétation ou de l’application du paragraphe 2 de l’article 5 de la
convention. Dès lors, la Cour n’a pas compétence pour statuer svur la

demande de la Belgique relative à l’obligation découlant du parvagraphe 2
de l’article 5. Cela ne fait toutefois pas obstacle à ce que la Cour examine
les conséquences que le comportement du Sénégal relativement auvx mesures
prescrites par cette disposition a pu avoir sur le respect de certaines vautres
obligations découlant de la convention, si elle a compétence à vcet égard.

49. La Belgique affirme par ailleurs que le Sénégal a manqué aux obli -
gations qui lui incombent aux termes du paragraphe 2 de l’article 6 et du
paragraphe 1 de l’article 7 de la convention contre la torture. Ces disposi -
tions imposent respectivement à l’Etat partie sur le territoire duvquel se
trouve l’auteur présumé d’actes de torture de procéder àv « une enquête
préliminaire en vue d’établir les faits » et, « s’il n’extrade pas ce dernier »,

de « soumet[tre] l’affaire … à ses autorités compétentes pour l’exercice de
l’action pénale». Le Sénégal soutient qu’il n’existe pas de différevnd concer -
nant l’interprétation ou l’application de ces dispositions, évtant donné qu’il
n’y a pas de divergence entre les Parties sur l’existence et la portée des
obligations qui y sont énoncées, et qu’il a satisfait auxdites vobligations.

50. Avant de déposer sa requête devant la Cour, la Belgique a, à plvu -
sieurs reprises, demandé au Sénégal de se conformer à son obligation au
titre de la convention «d’extrader ou de juger» M. Habré pour les actes de
torture allégués (voir paragraphes 25-26 et 30 ci-dessus). Ainsi, dans une
note verbale en date du 9 mars 2006 adressée au ministère sénégalais des

affaires étrangères par l’ambassade de Belgique à Dakar (vvoir para -
graphe 25 ci-dessus), il est fait référence à un certain nombre de divspositions
de la convention, dont l’article 7, et indiqué que celle-ci doit être lue comme

«prévoyant l’obligation, pour l’Etat sur le territoire duquel esvt trouvé
l’auteur présumé d’une infraction visée à l’articlev 4 de la convention
précitée, de l’extrader à défaut de l’avoir jugé sur base des incrimina -
tions visées audit article ».

De même, dans une note verbale en date du 4 mai 2006 adressée à l’ambas -
sadeur du Sénégal à Bruxelles par le ministère belge des affvaires étrangères
(voir paragraphe 26 ci-dessus), il est précisé que « la Belgique interprète l’ar-

ticle 7 de la convention [contre] la torture comme prévoyant l’obligatiovn
pour l’Etat sur le territoire duquel est trouvé l’auteur prévsumé [d’actes de
torture] de l’extrader à défaut de l’avoir jugé ». Bien que, dans ses notes
verbales comme dans sa requête, la Belgique ait mis l’accent sur l’extradi -
tion, elle a, dans ses écritures et à l’audience, souligné l’obligation d’engager

des poursuites contre M.Habré. Cela ne modifie pas le fond de sa demande.
L’extradition et l’engagement de poursuites constituent en effetv des moyens
alternatifs pour lutter contre l’impunité en conformité avec le paragraphe1
de l’article 7. Dans les échanges diplomatiques susmentionnés, la demande
de la Belgique tendant à ce que le Sénégal se conforme à l’vobligation de
procéder à une enquête préliminaire en vue d’établir lves faits de l’af -

faire Habré peut être considérée comme implicite, puisque cette envquête
devrait normalement avoir lieu avant l’engagement de poursuites.

25

6 CIJ1033.indb 46 28/11/13 12:50 444 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

51. Dans ses échanges diplomatiques avec la Belgique, le Sénégal a v
affirmé qu’il se conformait aux obligations que lui impose la convvention.

Ainsi, dans une note verbale en date du 9 mai 2006 adressée au ministère
belge des affaires étrangères, l’ambassade du Sénégal àv Bruxelles a indi -
qué que,

«[s]’agissant de l’interprétation de l’article 7 de la convention …,
l’ambassade retient qu’en transférant le cas Hissène Habrév à l’Union
africaine, le Sénégal, pour ne pas créer une impasse juridique,v se
conforme à l’esprit du principe aut dedere aut punire dont le but

essentiel est de s’assurer qu’aucun tortionnaire ne puisse échapper à
la justice en se rendant dans un autre pays ».
L’affirmation par le Sénégal qu’il n’a commis aucune violation semble

reposer sur l’argument selon lequel l’article 6, paragraphe 2, et l’article 7,
paragraphe 1, accorderaient à un Etat partie une certaine latitude quant
au délai dans lequel les mesures requises devraient être prises. Avinsi que
l’a admis le Sénégal, « il est question devant [la Cour] d’un litige qui
oppose deux Etats sur la manière d’entendre ou de comprendre l’exécu -

tion d’une obligation découlant d’un instrument international avuquel ils
sont tous deux parties ».
52. Etant donné que les demandes de la Belgique fondées sur l’interv -
prétation et l’application de l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 7,
paragraphe 1, de la convention se sont heurtées à l’opposition manifeste

du Sénégal, la Cour considère qu’un différend existait vau moment du
dépôt de la requête. La Cour constate que ce différend exivste toujours.
53. Dans sa requête, la Belgique prie en outre la Cour de dire que le
Sénégal a manqué à une obligation en vertu du droit internatvional coutu -
mier de « poursuivre pénalement M. Habré » pour des crimes contre l’hu -
manité que celui-ci aurait commis. Cette demande a par la suite été

étendue aux crimes de guerre et au génocide. Sur ce point, le Sénégal
soutient également qu’aucun différend ne s’est fait jour evntre les Parties.
54. Le mandat d’arrêt international décerné par la Belgique, quiv a été
transmis au Sénégal le 22 septembre 2005 et était accompagné d’une
demande d’extradition (voir paragraphe 21 ci-dessus), faisait, il est vrai,

état de violations du droit international humanitaire, d’actes de torture et
de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, vde meurtres
et d’autres crimes. Cependant, aucun de ces deux documents n’indiqvuait
ou ne laissait entendre que le Sénégal était tenu, au regard duv droit inter -
national, d’exercer sa compétence à l’égard desdits crimevs, s’il n’extradait

pas M. Habré. Du point de vue de la compétence de la Cour, ce qui
importe est de savoir si, à la date du dépôt de la requête, vil existait entre
les Parties un différend quant à l’obligation, pour le Sénégal, de prendre,
en vertu du droit international coutumier, des mesures concernant les
crimes précités, attribués à M. Habré. Au vu de la correspondance diplo -
matique échangée entre les Parties, qui a été examinée plvus haut (voir

paragraphes 21-30), la Cour estime qu’un tel différend n’existait pas àv
cette date. Les seules obligations mentionnées dans la correspondance

26

6 CIJ1033.indb 48 28/11/13 12:50 445 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

diplomatique entre les Parties sont celles qui découlent de la convenvtion
contre la torture. A cet égard, il convient de relever que, même dvans une

note verbale remise au Sénégal le 16 décembre 2008, soit à peine deux
mois avant le dépôt de sa requête, la Belgique s’est contentvée d’indiquer
que ses propositions en matière de coopération judiciaire étaievnt sans pré -
judice «du différend subsistant entre [elle] et le Sénégal au sujet de l’appli-
cation et de l’interprétation des obligations résultant des disvpositions

pertinentes de la convention … contre la torture », sans faire nulle men -
tion d’une obligation de poursuivre ou d’extrader relativement àv d’autres
crimes. Dans cette même note verbale, la Belgique a également prisv acte
des modifications apportées à la législation et à la Constvitution du Séné -
gal en se référant au seul crime de torture, alors même que lesdites modi -

fications n’étaient pas limitées à ce crime. Dès lors, vle Sénégal n’avait
aucune raison de prendre position, dans ses relations avec la Belgique, vsur
la question de la poursuite de M. Habré pour des crimes que celui-ci
aurait commis au regard du droit international coutumier. Quoique les
faits constitutifs de ces crimes aient pu être étroitement liésv aux actes de
torture allégués, la question de savoir si un Etat est tenu d’evngager des

poursuites à l’encontre d’un ressortissant étranger à raison de crimes rele -
vant du droit international coutumier que celui-ci aurait commis à l’vétra-n
ger est clairement distincte de toute question concernant le respect desv
obligations qui incombent à cet Etat en application de la conven -
tion contre la torture, et soulève des problèmes juridiques tout à fvait dif -

férents.
55. La Cour conclut que, au moment du dépôt de la requête, le diffvérend
qui opposait les Parties n’était pas relatif à des manquements và des obliga -
tions relevant du droit international coutumier, et qu’elle n’a dovnc pas
compétence pour statuer sur les demandes de la Belgique qui s’y ravpportent.

C’est donc uniquement à l’égard du différend concernantv l’interpréta -
tion et l’application de l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 7, para -
graphe 1, de la convention contre la torture que la Cour devra déterminer
s’il existe une base juridique de compétence.

*

B. Les autres conditions de compétence

56. La Cour se penchera à présent sur les autres conditions qui doivent
être réunies pour qu’elle ait compétence au titre du paragravphe 1 de l’ar-

ticle 30 de la convention contre la torture (voir paragraphe 42 ci-dessus).
Il s’agit de l’impossibilité de régler le différend parv voie de négociation et
de l’impossibilité pour les parties, après que l’une d’envtre elles a formulé
une demande d’arbitrage, de se mettre d’accord sur l’organisativon d’une
telle procédure dans les six mois qui suivent la date de ladite demanvde. La
Cour examinera ces conditions dans cet ordre.

57. S’agissant de la première de ces conditions, la Cour doit commen -
cer par rechercher si, « à tout le moins, … l’une des parties [a] vraiment

27

6 CIJ1033.indb 50 28/11/13 12:50 446 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

[tenté] d’ouvrir le débat avec l’autre partie en vue de régler le différend »
(Application de la convention internationale sur l’élimination de t▯outes les

formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), excep -
tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 132, par. 157). A cet
égard, elle considère qu’« il n’est satisfait à la condition préalable de tenir
des négociations que lorsque celles-ci ont échoué, sont devenuevs inutiles
ou ont abouti à une impasse » (ibid., p. 133, par. 159). L’exigence que le

différend « ne [puisse] pas être réglé par voie de négociation » ne saurait
être entendue comme une impossibilité théorique de parvenir àv un règle -
ment; elle signifie, ainsi que la Cour l’a indiqué au sujet d’une disposition
au libellé similaire, qu’« il n’est pas raisonnablement permis d’espérer que
de nouvelles négociations puissent aboutir à un règlement » (Sud-Ouest
africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), excep -

tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 345).
58. Les Parties ont consacré plusieurs échanges de correspondance et
réunions au cas de M. Habré, à l’occasion desquels la Belgique a insisté
sur la nécessité pour le Sénégal de se conformer à l’ovbligation de juger ou
d’extrader l’intéressé. Dans des notes verbales en date du 11 janvier 2006,

du 9 mars 2006, du 4 mai 2006 et du 20 juin 2006 qu’elle a adressées au
Sénégal (voir paragraphes 25-26 ci-dessus), la Belgique a expressément
indiqué qu’elle agissait dans le cadre du processus de négociatvion visé à
l’article 30 de la convention contre la torture. La même approche ressort
d’un rapport en date du 21 juin 2006 relatif à une réunion avec le secré -

taire général du ministère sénégalais des affaires évtrangères, communiqué
par l’ambassadeur de Belgique à Dakar (voir paragraphe 26 ci-dessus). Le
Sénégal n’a pas objecté au fait que la Belgique ait qualifivé ces échanges
diplomatiques de négociations.
59. Du fait de la position du Sénégal selon laquelle, bien qu’il n’vait pas
consenti à l’extradition et ait rencontré des difficultés àv engager des pour -

suites à l’encontre de M. Habré, il n’en respectait pas moins les obliga -
tions qui lui incombaient en application de la convention (position
exprimée, par exemple, dans la note verbale en date du 9 mai 2006 ; voir
paragraphe 26 ci-dessus), les négociations n’ont pas progressé vers le
règlement du différend. La Belgique en a d’ailleurs fait la rvemarque dans

une note verbale en date du 20 juin 2006 (voir paragraphe 26 ci-dessus).
Au cours de la période couverte par les échanges susmentionnés,v les Par -
ties n’ont pas modifié leurs positions respectives quant à l’vengagement de
poursuites à raison des actes de torture que M. Habré aurait commis. Le
fait que, ainsi que cela ressort des écritures et plaidoiries des Parvties, les

positions de celles-ci n’aient, pour l’essentiel, pas évoluév par la suite
confirme que les négociations n’ont pas abouti au règlement dvu différend,
et qu’elles ne pouvaient y aboutir. La Cour en conclut qu’il a évté satisfait
à la condition énoncée au paragraphe 1 de l’article 30 de la convention
suivant laquelle le différend ne peut pas être réglé par vvoie de négociation.
60. En ce qui concerne la soumission à l’arbitrage du différend rvelatif à

l’interprétation de l’article 7 de la convention contre la torture, le ministère
belge des affaires étrangères a, dans une note verbale en date dvu 4 mai 2006

28

6 CIJ1033.indb 52 28/11/13 12:50 447 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

(voir paragraphe 26 ci-dessus), fait observer qu’« une controverse non
résolue au sujet de cette interprétation entraînerait un recourvs à la procé-

dure d’arbitrage prévue à l’article 30 de la convention contre la torture ».
Dans une note verbale en date du 9 mai 2006 (voir paragraphe 26 ci-
dessus), l’ambassadeur du Sénégal à Bruxelles a répondu vcomme suit :

«Quant à l’éventualité d’un recours de la Belgique à lav procédure
d’arbitrage prévue à l’article 30 de la convention contre la torture,
l’ambassade ne peut qu’en prendre acte en réaffirmant l’attvachement
du Sénégal aux excellentes relations de coopération existant envtre les

deux pays et à la lutte contre l’impunité. »

La Belgique a directement formulé une demande d’arbitrage dans une note
verbale en date du 20 juin 2006 (voir paragraphe 26 ci-dessus). Elle a
constaté, dans cette note, que «la tentative de négociation entamée avec le
Sénégal en novembre 2005 n’a[vait] pas abouti »; la Belgique, « conformé -
ment à l’article 30, paragraphe 1, de la convention [contre la] torture, [a]
demand[é] en conséquence au Sénégal de soumettre le diffévrend à l’arbitrage

suivant les modalités à convenir de commun accord ». Dans son ordonnance
du 28 mai 2009 sur la demande en indication de mesures conservatoires pré -
sentée par la Belgique, la Cour a déjà relevé que cette notev verbale

«cont[enait] une offre explicite de la Belgique au Sénégal de recvourir
à une procédure d’arbitrage, conformément au paragraphe 1 de l’ar -
ticle 30 de la convention contre la torture, pour régler le différend
concernant l’application de la convention au cas de M. Habré »

(C.I.J. Recueil 2009, p. 150, par. 52).

Dans une note verbale en date du 8 mai 2007 (voir paragraphe 30 ci-
dessus), la Belgique a rappelé « son souhait de constituer un tribunal arbi -
tral» et fait observer qu’«aucune réponse ne lui a[vait] été apportée par la
République du Sénégal au sujet de cette proposition d’arbitrvage ». Bien
que le Sénégal soutienne n’avoir pas reçu la note verbale en date
du 20 juin 2006, il ne l’a pas mentionné après avoir reçu la note verbavle

en date du 8 mai 2007. A cette occasion, le Sénégal n’a de nouveau pas
répondu à la demande d’arbitrage.
61. A la suite de sa demande d’arbitrage, la Belgique n’a pas formulév de
proposition détaillée quant aux questions devant être soumises à l’arbi -
trage et à l’organisation de la procédure arbitrale. De l’avvis de la Cour,

cela ne signifie cependant pas qu’il n’ait pas été satisfavit à la condition que
«les Parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organvisation de
l’arbitrage». Un Etat peut en effet attendre, avant de formuler des propo -
sitions sur ces aspects, qu’une réponse de principe favorable ait vété donnée
à sa demande tendant à régler le différend par voie d’avrbitrage. Ainsi que

la Cour l’a précisé au sujet d’une disposition conventionnelvle similaire,
«l’absence d’accord entre les parties sur l’organisation d’unv arbitrage

ne peut … pas se présumer. L’existence d’un tel désaccord ne peut
résulter que d’une proposition d’arbitrage faite par le demandevur et

29

6 CIJ1033.indb 54 28/11/13 12:50 448 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

restée sans réponse de la part du défendeur ou suivie de l’evxpression
par celui-ci de son intention de ne pas l’accepter. » (Activités armées

sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démo-
cratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 2006, p. 41, par. 92.)

La présente espèce est de celles où l’incapacité des Partvies à s’entendre sur
l’organisation de l’arbitrage résulte de l’absence de toute vréponse de la
part de l’Etat auquel la demande d’arbitrage a été adresséve.
62. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 30 de la convention contre

la torture, au moins six mois doivent s’écouler après la date dve la demande
d’arbitrage avant que l’affaire soit soumise à la Cour. En lav présente
espèce, il a été satisfait à cette exigence puisque, lorsquev la requête a été
déposée, plus de deux années s’étaient écoulées depuis que la demande
d’arbitrage avait été formulée.

*

63. Etant donné qu’il a été satisfait aux conditions énoncéves au para -
graphe 1 de l’article 30 de la convention contre la torture, la Cour conclut

qu’elle a compétence pour connaître du différend entre lesv Parties concer -
nant l’interprétation et l’application du paragraphe 2 de l’article 6 et du
paragraphe 1 de l’article 7 de cet instrument.
Etant parvenue à cette conclusion, la Cour n’estime pas nécessavire de
rechercher si elle est également compétente pour connaître de cve même

différend sur le fondement des déclarations faites par les Parties en vertu
du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut.

III. Recevabilité des demandves de la Belgique

64. Le Sénégal conteste la recevabilité des demandes de la Belgiquev. Il
soutient que « la Belgique n’a pas qualité pour invoquer la responsabilité
internationale du Sénégal en raison du manquement allégué de ce dernier
à son obligation de soumettre le cas de H[issène] Habré à sevs autorités

compétentes pour l’exercice de l’action pénale, à moins qvu’il ne l’extrad» e.
Le Sénégal fait notamment valoir qu’aucune des victimes supposéves des
actes qui seraient attribuables à M. Habré n’avait la nationalité belge au
moment où ceux-ci ont été commis.
65. La Belgique ne conteste pas qu’aucune des victimes supposées

n’avait la nationalité belge au moment où les infractions allévguées ont été
commises. Dans sa requête, elle relevait toutefois que, « [l]a compétence
actuelle des juridictions belges étant fondée sur la plainte dévposée par un
ressortissant belge d’origine tchadienne, la justice belge entend exevrcer la
compétence personnelle passive ». Dans ladite requête, la Belgique priait

la Cour de dire et juger que sa demande était recevable. A l’audience, la
Belgique a également affirmé être dans une «situation particulière», en ce

30

6 CIJ1033.indb 56 28/11/13 12:50 449 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

qu’«elle s’est prévalue du droit que lui confère l’article 5 d’exercer sa com-
pétence et de demander l’extradition». La Belgique a en outre déclaré que,

«[e]n vertu de la convention, tout Etat partie, quelle que soit la nationvalité
des victimes, est fondé à réclamer l’exécution de l’obvligation en question,
et peut donc invoquer la responsabilité résultant d’une inexévcution ».
66. La divergence de vues entre les Parties sur le point de savoir si la Belv-
gique est fondée à saisir la Cour de ses demandes contre le Sénvégal au sujet
de l’application de la convention dans le cas de M. Habré soulève la ques-

tion de la qualité pour agir de la Belgique. A cet égard, celle-ci a fondé ses
demandes non seulement sur sa qualité de partie à la convention, mvais aussi
sur l’existence d’un intérêt particulier qui la distingueraivt des autres parties à
cet instrument et lui conférerait un droit spécifique dans le cavs de M. Habré.
67. La Cour commencera par rechercher si le seul fait d’être partie à la

convention est suffisant pour qu’un Etat soit fondé à la saisivr d’une
demande tendant à ce qu’elle ordonne à un autre Etat partie de vmettre fin
à des manquements allégués aux obligations que lui impose cet ivnstrument.
68. Ainsi qu’il est précisé dans son préambule, l’objet et lev but de la
convention est «d’accroître l’efficacité de la lutte contre la torture … dans
le monde entier ». En raison des valeurs qu’ils partagent, les Etats parties

à cet instrument ont un intérêt commun à assurer la prévevntion des actes
de torture et, si de tels actes sont commis, à veiller à ce que levurs auteurs
ne bénéficient pas de l’impunité. Les obligations qui incovmbent à un Etat
partie de procéder à une enquête préliminaire en vue d’établir les faits et
de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’vexercice de l’ac -

tion pénale s’appliquent du fait de la présence de l’auteur vprésumé sur son
territoire, quelle que soit la nationalité de l’intéressé ouv celle des victimes,
et quel que soit le lieu où les infractions alléguées ont étvé commises. Tous
les autres Etats parties à la convention ont un intérêt commun và ce que
l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé rvespecte ces obli -
gations. Cet intérêt commun implique que les obligations en questivon

s’imposent à tout Etat partie à la convention à l’égarvd de tous les autres
Etats parties. L’ensemble des Etats parties ont « un intérêt juridique» à ce
que les droits en cause soient protégés (Barcelona Traction, Light and
Power Company, Limited (Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrê▯t,
C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 33). Les obligations correspondantes

peuvent donc être qualifiées d’« obligations erga omnes partes», en ce sens
que, quelle que soit l’affaire, chaque Etat partie a un intérêvt à ce qu’elles
soient respectées. De ce point de vue, les dispositions pertinentes dve la
convention contre la torture sont comparables à celles de la conventivon
pour la prévention et la répression du crime de génocide, au suvjet des -
quelles la Cour a fait observer ce qui suit :

«Dans une telle convention, les Etats contractants n’ont pas d’in -
térêts propres ; ils ont seulement tous et chacun un intérêt commun,
celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison d’vêtre de la
convention. » (Réserves à la convention pour la prévention et la répres-

sion du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23.)

31

6 CIJ1033.indb 58 28/11/13 12:50 450 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

69. L’intérêt commun des Etats parties à ce que soient respectéves les
obligations pertinentes énoncées dans la convention contre la tortvure

implique que chacun d’entre eux puisse demander qu’un autre Etat pvartie,
qui aurait manqué auxdites obligations, mette fin à ces manquemevnts. Si
un intérêt particulier était requis à cet effet, aucun Etat ne serait, dans
bien des cas, en mesure de présenter une telle demande. Il s’ensuivt que
tout Etat partie à la convention contre la torture peut invoquer la rvespon -

sabilité d’un autre Etat partie dans le but de faire constater le vmanque -
ment allégué de celui-ci à des obligations erga omnes partes, telles que
celles qui lui incombent en application du paragraphe 2 de l’article 6 et du
paragraphe 1 de l’article 7, et de mettre fin à un tel manquement.
70. Dès lors, la Cour conclut qu’en la présente espèce la Belgiqvue a, en
tant qu’Etat partie à la convention contre la torture, qualité vpour invo -

quer la responsabilité du Sénégal à raison des manquements allégués de
celui-ci aux obligations prévues au paragraphe 2 de l’article 6 et au para -
graphe 1 de l’article 7 de la convention. Dès lors, les demandes de la Bel -
gique fondées sur ces dispositions sont recevables.
En conséquence, il n’y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur la

question de savoir si la Belgique a aussi un intérêt particulier àv ce que le
Sénégal se conforme aux dispositions pertinentes de la convention vdans le
cas de M. Habré.

IV. Les violations alléguéves de la convention covntre la torture

71. Dans sa requête introductive d’instance, la Belgique a demandé và
la Cour de dire et de juger que le Sénégal a l’obligation de povursuivre
pénalement M. Habré et, à défaut, de l’extrader vers la Belgique. Dans sesv
conclusions finales, la Belgique a prié la Cour de dire et de juger que le

Sénégal a violé et viole ses obligations au titre de l’articvle 6, paragraphe 2,
et de l’article 7, paragraphe 1, de cette convention, en s’abstenant de
poursuivre pénalement M. Habré, à défaut de l’extrader.

72. La Belgique a souligné au cours de la procédure que les obligationvs

découlant de l’article 5, paragraphe 2, de l’article 6, paragraphe 2, et de
l’article 7, paragraphe 1, sont étroitement liées entre elles dans le cadre de
la réalisation de l’objet et du but de la convention qui consiste,v selon son
préambule, à « accroître l’efficacité de la lutte contre la torture ». Ainsi,
l’introduction en droit interne de la législation appropriée (varticle 5, para -

graphe 2) permettrait à l’Etat sur le territoire duquel se trouve le susvpect
de procéder immédiatement à une enquête préliminaire en vvue d’établir
les faits (article 6, paragraphe 2), étape nécessaire pour que cet Etat
puisse, en connaissance de cause, soumettre l’affaire à ses autovrités com -
pétentes pour l’exercice de l’action pénale (article 7, paragraphe 1).
73. Le Sénégal conteste les allégations de la Belgique et considère qu’il

n’a violé aucune disposition de la convention contre la torture. Svelon lui,
la convention décompose l’obligation aut dedere aut judicare en une série

32

6 CIJ1033.indb 60 28/11/13 12:50 451 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

d’actions qu’un Etat devrait accomplir, et les mesures qu’il a vprises
jusque-là attestent le respect de ses engagements internationaux. Le Séné -

gal fait d’abord observer qu’il aurait pris le parti non d’extrvader M. Habré
mais bien d’organiser son procès et de le juger. Il soutient qu’il a procédé
à des réformes constitutionnelles et législatives en 2007-2008, conformé -
ment à l’article 5 de la convention, pour se donner les moyens de tenir un
procès juste et équitable, dans un délai raisonnable, contre l’vauteur pré -

sumé des crimes en cause. Il déclare en outre avoir pris des mesurves res -
trictives de liberté à l’encontre de M. Habré, en application de l’article 6
de la convention, mais aussi des mesures dans le cadre de la préparatvion
du procès de M. Habré, envisagé sous l’égide de l’Union africaine, qui
doivent être considérées comme constituant un commencement d’vexécu -
tion de l’obligation de poursuivre prévue à l’article 7 de la convention. Le

Sénégal ajoute que la Belgique ne saurait lui dicter une orientativon précise
dans la manière de s’acquitter de ses engagements découlant de vla conven -
tion, étant donné que la manière de remplir une obligation internationale,
notamment dans un cas où l’Etat doit prendre des mesures d’applvication
interne, est, dans une très large mesure, laissée à la discrévtion de cet Etat.

74. Bien que la Cour n’ait pas compétence, pour les raisons indiquéves
plus haut, aux fins de connaître en l’espèce de la violation valléguée du
paragraphe 2 de l’article 5 de la convention, elle relève que la mise en
œuvre par l’Etat de son obligation d’établir la compétencve universelle de
ses juridictions pour connaître du crime de torture est une condition

nécessaire pour pouvoir procéder à une enquête préliminaire (article 6,
paragraphe 2) et soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pouvr
l’exercice de l’action pénale (article 7, paragraphe 1). L’ensemble de ces
obligations vise à permettre l’engagement de poursuites contre le vsuspect,
à défaut d’extradition, et la réalisation de l’objet et dvu but de la conven -
tion, qui est d’accroître l’efficacité de la lutte contre lva torture, en évitant

l’impunité des auteurs de tels actes.
75. L’obligation de l’Etat d’incriminer la torture et d’établir sa compé -
tence pour en connaître trouve son équivalent dans les dispositions de
nombreuses conventions internationales de lutte contre les crimes internva -
tionaux. Cette obligation, qui doit être mise en œuvre par l’Etvat concerné

dès qu’il est lié par la convention, a notamment un caractèrve préventif et
dissuasif puisque, en se dotant de l’arsenal juridique nécessaire vpour
poursuivre ce type d’infraction, les Etats parties garantissent l’vinterven -
tion de leur système judiciaire à cet effet et s’engagent à coordonner leurs
efforts pour éliminer tout risque d’impunité. Ce caractèrev préventif est

d’autant plus marqué que le nombre des Etats parties est élevév. Ainsi, la
convention contre la torture réunit 150 Etats qui se sont engagés à pour -
suivre les suspects notamment sur la base de la compétence universellve.

76. La Cour estime que, en adoptant seulement en 2007 la législation
requise, le Sénégal a retardé la soumission de l’affaire àv ses autorités com -

pétentes pour l’exercice de l’action pénale. En effet, la vcour d’appel de
Dakar a été amenée à considérer que les juridictions sénégalaises étaient

33

6 CIJ1033.indb 62 28/11/13 12:50 452 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

incompétentes pour connaître des poursuites contre M. Habré, inculpé de

complicité de crimes contre l’humanité, d’actes de torture evt de barbarie,
faute d’une législation appropriée qui permette de telles poursvuites dans
l’ordre juridique interne (voir paragraphe 18 ci-dessus). La cour d’appel
de Dakar a d’ailleurs estimé que

«le législateur sénégalais devrait parallèlement à la révforme entre -
prise dans le code pénal apporter des modifications à l’articvle 669 du
code de procédure pénale en y incluant l’incrimination de tortuvre,

qu’en le faisant il se mettrait en harmonie avec les objectifs de la v
convention» (cour d’appel (Dakar), chambre d’accusation, Ministère
public et François Diouf c. Hissène Habré, arrêt n o135 en date du
4 juillet 2000).

Cet arrêt a ensuite été confirmé par la Cour de cassation sénégalaise
(Cour de cassation, première chambre statuant en matière pénale,
Souleymane Guengueng et autres c. Hissène Habré, arrêt n o 14 en date

du 20 mars 2001).
77. Ainsi, le fait que la législation requise ait été adoptée sevulement
en 2007 a nécessairement affecté l’exécution par le Sénévgal de ses obliga-
tions découlant du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’ar -
ticle 7 de la convention.

78. La Cour, ayant à l’esprit le lien qui existe entre les différventes
dispositions de la convention, s’attachera maintenant à analyser lves
violations alléguées du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1
de l’article 7 de la convention.

A. La violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe 2
de l’article 6 de la convention

79. Aux termes du paragraphe 2 de l’article 6 de la convention, l’Etat
sur le territoire duquel se trouve la personne soupçonnée d’avoir commis

des actes de torture « procède immédiatement à une enquête préliminaire
en vue d’établir les faits ».
80. La Belgique considère que cette obligation procédurale s’imposev à
l’évidence au Sénégal, puisque celui-ci doit disposer d’ivnformations aussi
complètes que possible pour décider, s’il y a lieu, soit de saivsir le ministère

public, soit, si cela est possible, d’extrader le suspect. L’Etat vsur le terri -
toire duquel se trouve le suspect devrait prendre des mesures effectivves
pour rassembler les preuves, au besoin par le moyen de l’entraide judvi -
ciaire, en délivrant des commissions rogatoires auprès des pays suvscep -
tibles de l’assister. La Belgique estime que le Sénégal, en ne vprenant pas

ces mesures, a violé l’obligation que lui impose le paragraphe 2 de l’ar -
ticle 6 de la convention. Elle souligne qu’elle a pourtant proposé au Sévné-
gal d’émettre une commission rogatoire pour accéder aux preuvesv qui
sont aux mains des juges belges (voir paragraphe 30 ci-dessus).
81. En réponse à la question posée par un membre de la Cour à prvopos

de l’interprétation de l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article 6 de

34

6 CIJ1033.indb 64 28/11/13 12:50 453 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

la convention, la Belgique a souligné que la nature de l’enquêtve prescrite
au paragraphe 2 de l’article 6 dépend, dans une certaine mesure, du sys -

tème juridique concerné, mais également des circonstances proprves à l’af-
faire en cause. Il s’agirait de l’enquête effectuée avant vque l’affaire ne soit
transmise aux autorités chargées des poursuites, si l’Etat décide d’exercer
sa compétence. Enfin, la Belgique rappelle que le paragraphe 4 de cet
article prévoit que les Etats intéressés doivent être informés devs conclu -

sions de l’enquête afin qu’ils puissent demander éventuellement l’extradi -
tion de la personne mise en cause. Selon la Belgique, la Cour ne disposev
d’aucun élément concernant la conduite par le Sénégal d’une enquête pré -
liminaire, et elle en déduit que le Sénégal a violé le paragvraphe 2 de l’ar -
ticle 6 de la convention.
82. Le Sénégal, en réponse à la même question, a soutenu que vl’en -

quête vise à l’établissement des faits mais qu’elle ne dévbouche pas forcé -
ment sur des poursuites, dans la mesure où le procureur pourrait, au vvu
des résultats de cette enquête, considérer qu’il n’y a pavs lieu de pour -
suivre. Il considère qu’il s’agit simplement d’une obligation de moyens, à
laquelle il aurait satisfait.

83. De l’avis de la Cour, l’enquête préliminaire, prévue au pvaragraphe 2
de l’article 6, est destinée, comme toute enquête menée par les autoritésv
compétentes, à corroborer ou non les soupçons qui pèsent surv la personne
concernée. Cette enquête est conduite par les autorités qui sonvt chargées
d’établir un dossier en rassemblant les faits et les élémentvs de preuve, qu’il

s’agisse de documents ou de témoignages se rapportant aux évévnements
en cause et à l’implication éventuelle du suspect dans le contevxte en ques -
tion. Ainsi, la coopération des autorités tchadiennes aurait dû être sollici -
tée, dans le cas d’espèce, de même que celle de tout autre Evtat auprès
duquel des plaintes en relation avec cette affaire ont été déposées, pour
permettre à l’Etat de s’acquitter de son obligation de procévder à une

enquête préliminaire.
84. D’ailleurs, la convention souligne que, lorsqu’elles opèrent davns le
cadre de la compétence universelle, les autorités concernées dovivent être
aussi exigeantes en matière de preuve que lorsqu’elles sont compévtentes
en vertu d’un lien avec l’affaire en cause. C’est ainsi que lve paragraphe 2

de l’article 7 de la convention stipule :
«Dans les cas visés au paragraphe 2 de l’article 5, les règles de

preuve qui s’appliquent aux poursuites et à la condamnation ne sonvt
en aucune façon moins rigoureuses que celles qui s’appliquent dansv
les cas visés au paragraphe 1 de l’article 5. »

85. La Cour relève que le Sénégal n’a versé au dossier aucun vélément
démontrant que celui-ci a conduit une telle enquête au sujet de M. Habré,
en application du paragraphe 2 de l’article 6 de la convention. Il ne suffit
pas, comme le soutient le Sénégal, que l’Etat partie à la covnvention ait
adopté toutes les mesures législatives pour sa mise en œuvre, ivl faut encore

qu’il exerce sa compétence sur tout acte de torture en cause, en cvommen -
çant par établir les faits. L’interrogatoire de première comvparution auquel

35

6 CIJ1033.indb 66 28/11/13 12:50 454 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

le juge d’instruction au tribunal régional hors classe de Dakar a vprocédé
aux fins de constater l’identité de M. Habré et de lui faire connaître les

faits qui lui étaient imputés ne peut être considéré commve la mise en
œuvre de l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article 6, puisqu’il
n’impliquait pas d’enquête relative aux charges pesant sur M. Habré.

86. Alors que le choix des moyens, pour mener l’enquête, reste entre

les mains des Etats parties, en tenant compte notamment de l’affairve
concernée, le paragraphe 2 de l’article 6 de la convention requiert que des
mesures soient prises aussitôt que le suspect est identifié sur vle territoire
de l’Etat, afin de conduire une enquête au sujet de ladite affvaire. En effet,
cette disposition doit être interprétée à la lumière de lv’objet et du but de

la convention, qui est d’accroître l’efficacité de la luttev contre la torture.
L’établissement des faits en question, qui constitue une étape vindispen -
sable dans ce processus, s’imposait en l’espèce, au moins à vpartir de l’an
2000, lorsqu’une plainte a été déposée au Sénégal cvontre M. Habré (voir
paragraphe 17 ci-dessus).
87. La Cour relève qu’une nouvelle plainte a été déposée cvontre

M. Habré à Dakar en 2008 (voir paragraphe 32 ci-dessus), après les modi-
fications législatives et constitutionnelles intervenues respectivevment en
2007 et 2008 afin de satisfaire aux exigences du paragraphe 2 de l’article 5
de la convention (voir paragraphes 28 et 31 ci-dessus). Mais rien dans les
éléments soumis à la Cour n’indique qu’une enquête prévliminaire ait été

ouverte à la suite de cette seconde plainte. D’ailleurs, le Sénvégal a déclaré
en 2010, devant la Cour de justice de la CEDEAO, qu’aucune procéduvre
ou aucun acte de poursuite n’étaient pendants contre M. Habré devant
ses juridictions.
88. La Cour constate que les autorités sénégalaises n’ont pas imvmédia-

tement engagé une enquête préliminaire dès le moment où evlles ont eu des
raisons de soupçonner M. Habré, qui se trouvait sur leur territoire, d’être
responsable d’actes de torture. Ce moment se situe, au plus tard, àv la date
du dépôt de la première plainte contre l’intéressé en 2000.
La Cour conclut en conséquence que le Sénégal a manqué à vson obliga -

tion au titre du paragraphe 2 de l’article 6 de la convention.

B. La violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe 1
de l’article 7 de la convention

89. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention :

«L’Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l’auteuvr
présumé d’une infraction visée à l’article 4 est découvert, s’il n’ex -

trade pas ce dernier, soumet l’affaire, dans les cas visés à vl’article 5, à
ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénvale.»

90. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires de la convention, lev
paragraphe 1 de l’article 7 s’inspire d’une disposition similaire contenue

36

6 CIJ1033.indb 68 28/11/13 12:50 455 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

dans la convention pour la répression de la capture illicite d’aévronefs,
signée à La Haye le 16 décembre 1970. L’obligation de soumettre l’affaire

aux autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénvale (ci-après
l’«obligation de poursuivre ») a été conçue de manière à laisser à celles-ci
le soin de décider s’il y a lieu ou non d’engager des poursuitevs, dans le
respect de l’indépendance du système judiciaire respectif des Evtats parties.
Les deux conventions précitées soulignent d’ailleurs que ces auvtorités

prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute invfrac -
tion de droit commun de caractère grave en vertu du droit de cet Etatv
(paragraphe 2 de l’article 7 de la convention contre la torture et article 7
de la convention de La Haye de 1970). Il en découle que les autorités
compétentes saisies gardent la maîtrise du déclenchement des povursuites,

en fonction des preuves à leur disposition et des règles pertinentves de la
procédure pénale.
91. L’obligation de poursuivre prévue au paragraphe 1 de l’article 7 est
normalement mise en œuvre, dans le contexte de la convention contre lva
torture, après que l’Etat s’est acquitté des autres obligations prévues dans
les articles précédents, qui lui imposent d’adopter une légivslation adé -

quate pour incriminer la torture, de conférer à ses tribunaux une vcompé-
tence universelle en la matière et d’effectuer une enquête povur établir les
faits. Ces obligations, dans leur ensemble, peuvent être considéréves comme
des éléments d’un même dispositif conventionnel visant à véviter que les
suspects ne puissent échapper à la mise en jeu, s’il y a lieu, vde leur respon-

sabilité pénale. La demande de la Belgique relative à l’applvication du
paragraphe 1 de l’article 7 soulève un certain nombre de questions, quant
à la nature et au sens de l’obligation qu’il contient, à sa vportée temporelle,
ainsi qu’à sa mise en œuvre en l’espèce.

1. La nature et le sens de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7

92. Selon la Belgique, l’Etat est tenu de poursuivre le suspect à partvir
du moment où il se trouve sur son territoire, qu’il ait ou non faivt l’objet
d’une demande d’extradition vers l’un des pays visés à l’article 5, para-
graphe 1 — c’est-à-dire si l’infraction a été commise sur le territovire de cet

Etat ou si l’un de ses ressortissants en est soit l’auteur présvumé, soit la
victime —, ou à l’article 5, paragraphe 3, c’est-à-dire d’autres Etats dont
la compétence pénale est exercée conformément aux lois natiovnales. Dans
les cas prévus à l’article 5, l’Etat peut consentir à l’extradition. Il s’agit là
d’une possibilité ouverte par la convention, et tel serait le sensv de la

maxime aut dedere aut judicare conformément à la convention. Ainsi, si
l’Etat n’opte pas pour l’extradition, son obligation de poursuivvre demeure
entière. Pour la Belgique, ce n’est que si, pour une raison ou unev autre,
l’Etat concerné n’engage pas de poursuites, et qu’une demandve d’extradi-
tion lui a été adressée, qu’il doit procéder à celle-cvi pour ne pas manquer
à l’obligation centrale dictée par la convention.

93. Pour sa part, le Sénégal estime que la convention lui impose certevs
l’obligation de poursuivre M. Habré, ce qu’il aurait entrepris de faire en

37

6 CIJ1033.indb 70 28/11/13 12:50 456 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

suivant le processus juridique prévu par ce texte, mais il estime n’vavoir
aucune obligation à l’égard de la Belgique, au titre de la convvention, d’ex -

trader l’intéressé.
94. La Cour considère que le paragraphe 1 de l’article 7 impose à l’Etat
concerné l’obligation de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes
pour l’exercice de l’action pénale, indépendamment de l’evxistence, au pré -
alable, d’une demande d’extradition à l’encontre du suspect.v C’est pour

cela que le paragraphe 2 de l’article 6 oblige l’Etat à procéder immédiate -
ment à une enquête préliminaire, aussitôt que le suspect se vtrouve sur son
territoire. L’obligation de saisine des autorités compétentes, ven vertu du
paragraphe 1 de l’article 7, peut déboucher ou non sur l’engagement de
poursuites en fonction de l’appréciation par celles-ci des élévments de

preuve à leur disposition, relatifs aux charges qui pèsent sur le vsuspect.
95. En revanche, si l’Etat sur le territoire duquel se trouve le suspect est
saisi d’une demande d’extradition dans l’un des cas prévus pvar les disposi -
tions de la convention, il peut se libérer de son obligation de poursvuivre en
faisant droit à la demande d’extradition. Il en résulte que le vchoix entre
l’extradition et l’engagement des poursuites, en vertu de la convevntion, ne

revient pas à mettre les deux éléments de l’alternative sur vle même plan. En
effet, l’extradition est une option offerte par la convention àv l’Etat, alors
que la poursuite est une obligation internationale, prévue par la conven -
tion, dont la violation engage la responsabilité de l’Etat pour favit illicite.

2. La portée temporelle de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7

96. Un membre de la Cour a demandé aux Parties, en premier lieu, si
les obligations incombant au Sénégal en vertu du paragraphe 1 de l’ar -
ticle 7 de la convention s’appliquaient aux infractions prétendument comv -
mises avant le 26 juin 1987, date à laquelle la convention est entrée en

vigueur pour le Sénégal et, en deuxième lieu, si, dans les circvonstances de
la présente affaire, lesdites obligations s’étendaient aux invfractions préten -
dument commises avant le 25 juin 1999, date à laquelle la convention est
entrée en vigueur pour la Belgique (voir paragraphe 19 ci-dessus). Ces
questions se rapportent à l’application dans le temps du paragraphve 1 de

l’article 7 de la convention, en fonction du moment où les infractions sont
présumées avoir été commises et des dates d’entrée en vvigueur de la
convention pour chacune des Parties.
97. Dans leurs réponses, les Parties conviennent que les actes de tor -
ture sont considérés par le droit international coutumier comme devs

crimes internationaux, indépendamment de la convention.
98. En ce qui concerne le premier aspect de la question posée par le
membre de la Cour, sur le point de savoir si la convention s’applique aux
infractions commises avant le 26 juin 1987, la Belgique soutient que la
violation alléguée de l’obligation aut dedere aut judicare s’est produite
après l’entrée en vigueur de la convention pour le Sénégavl, quand bien

même les actes de torture allégués se seraient produits avant cvette date.
En outre, la Belgique fait valoir que le paragraphe 1 de l’article 7 vise à

38

6 CIJ1033.indb 72 28/11/13 12:50 457 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

renforcer le droit existant en énonçant des obligations procéduvrales spé -

cifiques dont l’objet est d’assurer qu’il n’y aura pas d’vimpunité et que,
dans ces conditions, ces obligations de procédure pourraient s’appliquer
à des crimes commis avant l’entrée en vigueur de la convention vpour le
Sénégal. Ce dernier, de son côté, ne nie pas que l’obligation prévue au
paragraphe 1 de l’article7 puisse s’appliquer aux infractionsprétendument

commises avant le 26 juin 1987.
99. Selon la Cour, l’interdiction de la torture relève du droit inter-
national coutumier et elle a acquis le caractère de norme impérativve
(jus cogens).
Cette interdiction repose sur une pratique internationale élargie et vsur

l’opinio juris des Etats. Elle figure dans de nombreux instruments inter-
nationaux à vocation universelle (notamment la Déclaration univervselle
des droits de l’homme de 1948; les conventions de Genève pour la protec -
tion des victimes de guerre de 1949 ; le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques de 1966 ; la résolution 3452/30 de l’Assemblée

générale sur la protection de toutes les personnes contre la tortuvre et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en datev
du 9 décembre 1975), et elle a été introduite dans le droit internev de la
quasi-totalité des Etats ; enfin, les actes de torture sont dénoncés
régulièrement au sein des instances nationales et internationales.v

100. Toutefois, l’obligation de poursuivre les auteurs présumés d’actes
de torture, en vertu de la convention, ne s’applique qu’aux faits vsurvenus
après son entrée en vigueur pour l’Etat concerné. L’articvle 28 de la
convention de Vienne sur le droit des traités, qui reflète le drvoit coutumier
en la matière, dispose que :

«A moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou vne
soit par ailleurs établie, les dispositions d’un traité ne lienvt pas une

partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d’ventrée
en vigueur de ce traité au regard de cette partie ou une situation qui
avait cessé d’exister à cette date. »

La Cour relève que rien dans la convention contre la torture ne révèle une
intention d’obliger un Etat partie à incriminer, en vertu de l’article 4, les
actes de torture intervenus préalablement à son entrée en viguevur pour cet
Etat, ni à établir sa compétence pour de tels actes, conformévment à

l’article 5. Il en découle, selon la Cour, que l’obligation de poursuivre,
prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la convention ne s’applique pas à de
tels actes.
101. Le Comité contre la torture a souligné, en particulier, dans sa
décision rendue le 23 novembre 1989 dans l’affaire O. R., M. M. et M. S.
os
c. Argentine (communications n 1/1988, 2/1988 et 3/1988, décision du
23 novembre 1989, par. 7.5, Documents officiels de l’Assemblée générale,
quarante-cinquième session, supplément n o44, Nations Unies, doc. A/45/44,
annexe V, p. 118) que « les cas de « torture» aux fins de la convention ne
peuvent s’entendre que des cas de torture survenus après l’entrée en

vigueur de la convention». Cependant, lorsque le Comité a examiné le cas

39

6 CIJ1033.indb 74 28/11/13 12:50 458 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

de M. Habré, la question de la portée temporelle des obligations conte -

nues dans la convention n’avait pas été soulevée et le Comitvé ne s’est
pas penché d’office sur cette question (Guengueng et autres c. Sénégal
(communication n 181/2001, décision du 17 mai 2006, Nations Unies,
doc. CAT/C/36/D/181/2001)).
102. La Cour conclut que l’obligation de poursuivre incombant au

Sénégal, en vertu du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention, ne vaut
pas pour les actes prétendument commis avant l’entrée en vigueuvr de cet
instrument à son égard, le 26 juin 1987. Elle rappellera toutefois que,
parmi les griefs formulés à l’encontre de M. Habré, figurent nombre d’in -
fractions graves prétendument commises après cette date (voir parva -

graphes 17, 19-21 et 32 ci-dessus). En conséquence, le Sénégal est dans
l’obligation de soumettre les allégations relatives à ces actesv à ses autori-
tés compétentes pour l’exercice de l’action pénale. Bien vque la convention
n’impose pas au Sénégal d’engager des poursuites en ce qui cvoncerne des
actes qui ont été commis avant le 26 juin 1987, rien dans cet instrument

ne l’empêche de procéder ainsi.
103. La Cour en vient maintenant au second aspect de la question
posée par un membre de la Cour, sur le point de savoir quel était vl’effet
de la date d’entrée en vigueur de la convention, pour la Belgique,v sur la
portée de l’obligation de poursuivre. La Belgique soutient que le Sénégal

était toujours tenu par l’obligation de poursuivre M. Habré, après qu’elle
est devenue elle-même partie à cette convention, et qu’elle servait dès lors
en droit d’en invoquer devant la Cour les manquements survenus aprèvs le
25 juillet 1999. Le Sénégal conteste à la Belgique le droit de mettre en

cause sa responsabilité pour des faits qui seraient antérieurs àv cette date.
Il considère que l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7 appar -
tient à «la catégorie des obligations erga omnes divisibles», dans la mesure
où seul l’Etat lésé pouvait en demander la sanction. Le Sévnégal en déduit
que la Belgique ne pouvait se prévaloir du statut d’Etat lésév pour des faits

antérieurs au 25 juillet 1999 et n’était pas à même de réclamer une appli -
cation rétroactive de la convention à son égard.
104. Selon la Cour, la Belgique est en droit de lui demander, à compter
du 25 juillet 1999, date à laquelle elle est devenue partie à la convention,
de se prononcer sur le respect par le Sénégal de son obligation auv titre du

paragraphe 1 de l’article 7. Dans le cas d’espèce, la Cour relève que la
Belgique invoque la responsabilité du Sénégal pour le comportement de
celui-ci à partir de l’an 2000, lorsqu’une plainte a été déposée contre
M. Habré au Sénégal (voir paragraphe 17 ci-dessus).
105. La Cour note que les constatations qui précèdent valent égale -

ment pour l’application dans le temps de l’article 6, paragraphe 2, de la
convention.

3. La mise en œuvre de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7

106. La Belgique, tout en reconnaissant que le délai d’exécution de v

l’obligation de poursuivre dépend des circonstances de chaque affvaire et

40

6 CIJ1033.indb 76 28/11/13 12:50 459 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

en particulier des preuves assemblées, estime que l’Etat sur le tevrritoire
duquel se trouve le suspect ne peut retarder indéfiniment l’exévcution de

l’obligation qui lui incombe de saisir les autorités compétentevs pour
l’exercice de l’action pénale. Les atermoiements de celui-ci povurraient,
selon la Belgique, porter atteinte aussi bien aux droits des victimes quv’à
ceux de l’accusé. Quant aux difficultés financières invoqvuées par le Séné -
gal (voir paragraphes 28-29 et 33 ci-dessus), elles ne sauraient justifier que

celui-ci n’ait rien entrepris pour mener l’enquête et engager lves poursuites.
107. Il en irait de même, selon la Belgique, de la saisine par le Sénévgal
de l’Union africaine en janvier 2006, laquelle ne dispenserait pas ce pays
de s’acquitter de ses obligations au titre de la convention. D’ailvleurs, la
conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africvaine, lors
de sa septième session en juillet 2006 (voir paragraphe 23 ci-dessus), avait

mandaté le Sénégal pour « poursuivre et faire juger, au nom de l’Afrique,
Hissène Habré par une juridiction sénégalaise avec les garanvties d’un pro -
cès juste» (Union africaine, doc. Assembly/AU/DEC.127 (VII), par. 5).
108. Quant aux difficultés d’ordre juridique que le Sénégal auravit ren -
contrées dans l’exécution de ses obligations aux termes de la cvonvention,

la Belgique soutient que le Sénégal ne saurait invoquer son droit vinterne
pour se soustraire à sa responsabilité internationale. En outre, lva Belgique
rappelle que l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO en date duv
18 novembre 2010 (voir paragraphe 35 ci-dessus), qui considère que la
règle de non-rétroactivité des lois pénales pourrait êtrev violée par la modi -

fication du code pénal sénégalais intervenue en 2007 et qui evstime que
la procédure contre Hissène Habré devrait être menée devant une juri-
diction ad hoc à caractère international, ne saurait être invoqué à sonv
encontre. La Belgique souligne que, si le Sénégal se trouve désvormais
confronté à une situation de conflit entre deux obligations intevrnationales
du fait de cette décision, cela résulte de ses propres carences davns la mise

en œuvre de la convention contre la torture.
109. Le Sénégal a pour sa part réitéré, tout au long de la procédure,
son intention de se conformer à l’obligation que lui impose le parva -
graphe 1 de l’article 7 de la convention, en prenant les mesures nécessaires
pour engager des poursuites contre M. Habré. Le Sénégal soutient qu’il

n’a cherché des appuis financiers que pour préparer le procèvs dans de
bonnes conditions, étant donné les singularités de celui-ci, covmpte tenu
du nombre des victimes, de l’éloignement des témoins et de la dvifficulté de
rassembler les preuves. Il prétend n’avoir jamais voulu, par ce biais, justi -
fier l’inexécution de ses obligations conventionnelles. De même, le Séné -

gal n’aurait pas entendu, en saisissant l’Union africaine, se dévcharger de
ses obligations.
110. En outre, le Sénégal relève que l’arrêt de la Cour de jusvtice de la
CEDEAO n’est pas une contrainte d’ordre interne. Tout en gardant à
l’esprit son devoir de respecter son obligation conventionnelle, il nv’en est
pas moins soumis à l’autorité de la décision de cette Cour commu -

nautaire. Ainsi, cette décision aurait enjoint au Sénégal de chvanger le
processus commencé en 2006 et qui devait déboucher sur un procès à

41

6 CIJ1033.indb 78 28/11/13 12:50 460 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

l’échelle nationale, pour mobiliser les efforts afin de créver un tribunal ad
hoc à caractère international, mécanisme dont la mise en place servait plus

lourde.
111. La Cour considère que les obligations qui incombent au Sénégal v
au titre de la convention ne sauraient être affectées par la dévcision de la
Cour de justice de la CEDEAO.
112. La Cour est d’avis que les difficultés financières soulevéves par le

Sénégal ne peuvent justifier qu’il n’ait pas engagé de vpoursuites contre
M. Habré. D’ailleurs, le Sénégal lui-même affirme qu’il vn’a jamais invoqué
la question de l’appui financier pour justifier un manquement àv une obli -
gation lui incombant. D’autre part, la saisine de l’Union africaine, comme
le Sénégal l’admet lui-même, ne peut justifier le retard pris dans le respect
par celui-ci de ses engagements au titre de la convention. La diligence vque

doivent assurer les autorités de l’Etat du for, dans la conduite dve la procé -
dure, est destinée également à garantir au suspect un traitemenvt équitable
à tous les stades de celle-ci (article 7, paragraphe 3, de la convention).
113. La Cour fait observer que, en vertu de l’article 27 de la conven -
tion de Vienne sur le droit des traités, qui reflète le droit invternational

coutumier, le Sénégal ne peut justifier son manquement à l’vobligation pré -
vue au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention contre la torture en
invoquant son droit interne, notamment les décisions d’incompétence
rendues par les juridictions sénégalaises en 2000 et 2001, et le fait qu’il
n’ait adopté qu’en 2007 la législation nécessaire, conforvmément au para -

graphe 2 de l’article 5 de ladite convention.
114. Le paragraphe 1 de l’article 7 de la convention ne contient aucune
indication quant aux délais d’exécution de l’obligation qu’vil prévoit,
mais le texte implique nécessairement que celle-ci doit s’appliquevr dans
un délai raisonnable, de façon compatible avec l’objet et le but dve la
convention.

115. La Cour considère que l’obligation de l’Etat de poursuivre, prév -
vue au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention, est destinée à per -
mettre la réalisation de l’objet et du but de celle-ci, qui est «v d’accroître
l’efficacité de la lutte contre la torture » (préambule de la convention).
C’est pour cela que les poursuites doivent être engagées sans rvetard.

116. En réponse à une question posée par un membre de la Cour
concernant la date à laquelle aurait eu lieu la violation du paragrapvhe 1
de l’article 7 qu’elle allègue, la Belgique a répondu que cette date pouvaitv
se situer en l’an 2000, lors du dépôt d’une plainte contre Mv. Habré (voir

paragraphe 17 ci-dessus), ou plus tard, en mars 2001, quand la Cour de
cassation a confirmé la décision de la cour d’appel de Dakar,v qui a annulé
la procédure concernant M. Habré pour incompétence des juridictvions
sénégalaises (voir paragraphe 18 ci-dessus).
117. La Cour conclut que l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’ar -
ticle 7 imposait au Sénégal de prendre toutes les mesures nécessaires pour

sa mise en œuvre dans les meilleurs délais, en particulier une fois que la
première plainte avait été déposée contre M. Habré en 2000. Le Sénégal

42

6 CIJ1033.indb 80 28/11/13 12:50 461 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

ne l’ayant pas fait, il a manqué, et continue de manquer, aux oblivgations
qui lui incombent au titre du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention.

V. Les remèdes

118. La Cour relève que la Belgique, dans ses conclusions finales, prie vla
Cour de dire et de juger, premièrement, que le Sénégal a violév ses obliga -

tions internationales en n’ayant pas introduit dans son droit internev et en
temps utile les dispositions nécessaires permettant aux autorités vjudiciaires
sénégalaises d’exercer la compétence universelle prévue avu paragraphe 2 de
l’article 5 de la convention contre la torture, et qu’il a violé et viole sevs
obligations internationales découlant du paragraphe 2 de l’article 6 et du
paragraphe 1 de l’article 7 de la convention en s’abstenant de poursuivre

pénalement M. Habré pour les crimes qu’il aurait commis, ou, à défaut, de
l’extrader vers la Belgique aux fins de telles poursuites pénalevs. Deuxième -
ment, la Belgique prie la Cour de dire et de juger que le Sénégal est tenu de
mettre fin à ces faits internationalement illicites en soumettant svans délai le
«dossier Hissène Habré » à ses autorités compétentes pour l’exercice de

l’action pénale, ou, à défaut, en extradant M. Habré sans plus attendre
vers la Belgique (voir paragraphe 14 ci-dessus).
119. La Cour rappelle que le fait que le Sénégal n’ait adopté qu’ven
2007 les mesures législatives nécessaires à l’engagement desv poursuites sur
la base de la compétence universelle a retardé la mise en œuvrev de ses

autres obligations prévues par la convention. La Cour rappelle égavlement
que le Sénégal a manqué à son obligation, au titre du paragrvaphe 2 de
l’article 6, de procéder à une enquête préliminaire au sujet des crimevs de
torture qui auraient été commis par M. Habré, ainsi qu’à l’obligation, au
titre du paragraphe 1 de l’article 7, de soumettre l’affaire à ses autorités
compétentes pour l’exercice de l’action pénale.

120. Ces dispositions conventionnelles visent à éviter l’impunitév des
auteurs présumés d’actes de torture, en faisant en sorte qu’vils ne puissent
pas trouver refuge auprès de l’un quelconque des Etats parties. L’vEtat sur
le territoire duquel se trouve le suspect a certes la possibilité d’extrader ce
dernier vers un pays qui en a fait la demande, mais à condition que cve soit

vers l’un des Etats prévus à l’article 5 de la convention, qui est compétent,
à un titre ou à un autre, pour le poursuivre et le juger.
121. La Cour souligne que, en manquant à ses obligations au titre du
paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’article 7 de la conven -
tion, le Sénégal a engagé sa responsabilité internationale. Dès lors, s’agis -

sant d’un fait illicite à caractère continu, il est tenu d’y mettre fin, en vertu
du droit international général en matière de responsabilité vde l’Etat pour
fait internationalement illicite. Le Sénégal doit ainsi prendre savns autre
délai les mesures nécessaires en vue de saisir ses autorités covmpétentes
pour l’exercice de l’action pénale, s’il n’extrade pas M.v Habré.

*
* *

43

6 CIJ1033.indb 82 28/11/13 12:50 462 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

122. Par ces motifs,

La Cour,

1) A l’unanimité,

Dit qu’elle a compétence pour connaître du différend entre levs Parties
concernant l’interprétation et l’application de l’article 6, paragraphe 2, et
de l’article 7, paragraphe 1, de la convention des Nations Unies contre la

torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradanvts
du 10 décembre 1984, dont le Royaume de Belgique a saisi la Cour par
requête déposée au Greffe le 19 février 2009 ;

2) Par quatorze voix contre deux,

Dit qu’elle n’a pas compétence pour connaître des demandes du Rvoyaume
de Belgique relatives à des manquements allégués, par la Répvublique du
Sénégal, à des obligations relevant du droit international coutvumie;r

pour : M.Tomka,président ; M.Sepúlveda-Amor,vice-président ; MM.Owada,
Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood,
M mesXue, Donoghue, M. Gaja, M me Sebutinde, juges ; M.Kirsch, juge

ad hoc ;
contre : M.Abraham, juge ; M.Sur, juge ad hoc ;

3) Par quatorze voix contre deux,

Dit que les demandes du Royaume de Belgique fondées sur l’article 6,
paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 1, de la convention des Nations

Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainvs
ou dégradants du 10 décembre 1984 sont recevables ;

pour : M.Tomka,président ; M.Sepúlveda-Amor,vice-président ; MM.Owada,
Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf,
Greenwood, M meDonoghue, M. Gaja, M meSebutinde, juges ; M.Kirsch,
juge ad hoc;

contre : Mme Xue, juge ; M.Sur, juge ad hoc ;

4) Par quatorze voix contre deux,

Dit que la République du Sénégal, en ne procédant pas immédivatement
à une enquête préliminaire en vue d’établir les faits relvatifs aux crimes qui

auraient été commis par M. Hissène Habré, a manqué à l’obligation que
lui impose l’article 6, paragraphe 2, de la convention des Nations Unies
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou

dégradants du 10 décembre 1984 ;
pour: M.Tomka, président ; M.Sepúlveda-Amor,vice-président ; MM.Owada,

Abmeham, Keith, Bennouna, Smetnikov, Cançado Trindade, Greenwood,
M Donoghue, M. Gaja, M Sebutinde, juges; MM. Sur, Kirsch, juges
ad hoc ;
contre: M. Yusuf, M me Xue, juges ;

44

6 CIJ1033.indb 84 28/11/13 12:50 463 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

5) Par quatorze voix contre deux,

Dit que la République du Sénégal, en ne soumettant pas l’affavire à ses
autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale vcontre M. Hissène
Habré, a manqué à l’obligation que lui impose l’article 7, paragraphe 1,

de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 ;

pour : M.Tomka,président ; M.Sepúlveda-Amor,vice-président ; MM.Owada,
Abraham, Keith,meennouna, Skotnikov, Cançmeo Trindade, Yusuf,
Greenwood, M Donoghue, M. Gaja, M Sebutinde, juges ; M.Kirsch,
juge ad hoc;
contre : M me Xue, juge ; M.Sur, juge ad hoc ;

6) A l’unanimité,

Dit que la République du Sénégal doit, sans autre délai, soumetvtre le
cas de M. Hissène Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de

l’action pénale, si elle ne l’extrade pas.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de

la Paix, à La Haye, le vingt juillet deux mille douze, en trois exempvlaires,
dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres vseront trans
mis, respectivement, au Gouvernement du Royaume de Belgique et au
Gouvernement de la République du Sénégal.

Le président,

(Signé) Peter Tomka.

Le greffier,
(Signé) Philippe Couvreur.

M. le juge Owada joint une déclaration à l’arrêt ; MM. les juges Abra-

ham, Skotnikov, Cançado Trindade et Yusuf joignent à l’arrêt les
exposés de leur opinion individuelle ; M me la juge Xue joint à l’arrêt l’ex -
posé de son opinion dissidente ; M me la juge Donoghue joint une déclara-
me
tion à l’arrêt; M la juge Sebutinde joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
individuelle; M. le juge ad hoc Sur joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
dissidente.

(Paraphé) P.T.
(Paraphé) Ph.C.

45

6 CIJ1033.indb 86 28/11/13 12:50

Bilingual Content

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

QUESTIONS CONCERNANT L’OBLIGATION

DE POURSUIVRE OU D’EXTRADER

(BELGIQUE c. SÉNÉGAL)

ARRÊT DU 20 JUILLET 2012

2012

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

QUESTIONS RELATING TO THE OBLIGATION

TO PROSECUTE OR EXTRADITE

(BELGIUM v. SENEGAL)

JUDGMENT OF 20 JULY 2012

6 CIJ1033.indb 1 28/11/13 12:50 Mode officiel de citation :
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012, p. 422

Official citation :

Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite
(Belgium v. Senegal), Judgment,
I.C.J. Reports 2012, p. 422

o
N de vente:
ISSN 0074-4441 Sales number 1033
ISBN 978-92-1-071147-0

6 CIJ1033.indb 2 28/11/13 12:50 20 JUILLET 2012

ARRÊT

QUESTIONS CONCERNANT L’OBLIGATION
DE POURSUIVRE OU D’EXTRADER

(BELGIQUE c. SÉNÉGAL)

QUESTIONS RELATING TO THE OBLIGATION

TO PROSECUTE OR EXTRADITE

(BELGIUM v. SENEGAL)

20 JULY 2012

JUDGMENT

6 CIJ1033.indb 3 28/11/13 12:50 422

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Qualités 1-14

I. Contexte historique evt factuel 15-41

II. Compétence de la Cour 42-63
A. L’existence d’un différend 44-55

B. Les autres conditions de compétence 56-63

III. Recevabilité des demandves de la Belgique 64-70

IV. Les violations alléguéves de la convention covntre la
torture 71-117

A. La violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe2
de l’article 6 de la convention 79-88

B. La violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe1
de l’article 7 de la convention 89-117
1. La nature et le sens de l’obligation prévue au paragraphe1

de l’article 7 92-95
2. La portée temporelle de l’obligation prévue au para-
graphe 1 de l’article 7 96-105

3. La mise en œuvre de l’obligation prévue au paragraphe 1
de l’article 7 106-117

V. Les remèdes 118-121

Dispositif 122

4

6 CIJ1033.indb 4 28/11/13 12:50 422

TABLE OF CONTENTS

Paragraphs

Chronology of the Procevdure 1-14

I. Historical and Factualv Background 15-41

II. Jurisdiction of the Couvrt 42-63
A. The existence of a dispute 44-55

B. Other conditions for jurisdiction 56-63

III. Admissibility of Belgiuvm’s Claims 64-70

IV. The Alleged Violations ovf the Convention againvst
Torture 71-117

A. The alleged breach of the obligation laid down in Article 6,
paragraph 2, of the Convention 79-88

B. The alleged breach of the obligation laid down in Article 7,
paragraph 1, of the Convention 89-117
1. The nature and meaning of the obligation laid down in

Article 7, paragraph 1 92-95
2. The temporal scope of the obligation laid down in
Article 7, paragraph 1 96-105

3. Implementation of the obligation laid down in Article 7,
paragraph 1 106-117

V. Remedies 118-121

Operative Clause 122

4

6 CIJ1033.indb 5 28/11/13 12:50 423

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

2012 ANNÉE 2012
20 juillet
Rôle général
n 144 20 juillet 2012

QUESTIONS CONCERNANT L’OBLIGATION

DE POURSUIVRE OU D’EXTRADER

(BELGIQUE c. SÉNÉGAL)

Contexte historique et factuel.
Plaintes déposées contre M. Habré au Sénégal et en Belgique — Première
demande d’extradition de la Belgique — Transfert par le Sénégal du « dossier
Hissène Habré » à l’Union africaine — Décision du Comité des Nations Unies
contre la torture— Réformes législatives et constitutionnelles sénégalaises — Arrêt
de la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’▯Afrique

de l’Ouest — Deuxième, troisième et quatrième demandes d’extradition de l▯a
Belgique.

*

Bases de compétence de la Cour — Paragraphe 1 de l’article 30 de la convention
contre la torture (la convention) — Déclarations faites par les Parties en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 du Statut.
Existence d’un différend, condition énoncée dans les deux ba▯ses de compé -

tence — Absence de différend concernant le paragraphe 2 de l’article 5 de la
convention — Différend concernant le paragraphe 2 de l’article6 et le para -
graphe 1 de l’article 7 de la convention ayant existé au moment du dépôt de la
requête et continuant d’exister — Absence de différend relatif à des manquements
à des obligations relevant du droit international coutumier.

Autres conditions de compétence au titre du paragraphe 1 de l’article 30 de la
convention — Différend n’ayant pu être réglé par voie de négociatio▯n — Belgique
ayant demandé que le différend soit soumis à l’arbitrage — Au moins six mois
s’étant écoulés après la demande d’arbitrage.
Cour ayant compétence pour connaître du différend concernant le▯ paragraphe 2
de l’article 6 et le paragraphe 1 de l’article 7 de la convention — Nul besoin de

rechercher si la Cour est compétente sur le fondement des déclarat▯ions faites en
vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut.

*

5

6 CIJ1033.indb 6 28/11/13 12:50 423

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

YEAR 2012
2012
20 July
General List
20 July 2012 No. 144

QUESTIONS RELATING TO THE OBLIGATION

TO PROSECUTE OR EXTRADITE

(BELGIUM v. SENEGAL)

Historical and factual background.
Complaints filed against Mr. Habré in Senegal and in Belgium — Belgium’s
first extradition request — Senegal’s referral of the “Hissène Habré case” to the

African Union — Decision of the United Nations Committee against Torture —
Senegalese legislative and constitutional reforms — Judgment of the Court of Jus
tice of the Economic Community of West African States — Belgium’s second,
third and fourth extradition requests.

*

Bases of jurisdiction of the Court — Article 30, paragraph 1, of the Convention
against Torture (CAT) — The Parties’ declarations under Article 36, para -

graph 2, of the Statute.
The existence of a dispute, condition required for both bases of jurisdi▯ction —
No dispute with regard to Article 5, paragraph 2, of CAT — Dispute with regard
to Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of CAT existed at the time
of the Application and continues to exist — No dispute relating to breaches of
obligations under customary international law.

Other conditions for jurisdiction under Article 30, paragraph 1, of CAT — Dis -
pute could not be settled through negotiation — Belgium requested that dispute be
submitted to arbitration — At least six months have passed after the request for
arbitration.
The Court has jurisdiction to entertain the dispute concerning Article 6, para

graph 2, and Article 7, paragraph 1, of CAT — No need to consider whether the
Court has jurisdiction on the basis of the declarations under Article 36, para
graph 2, of the Statute.

*

5

6 CIJ1033.indb 7 28/11/13 12:50 424 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

Recevabilité des demandes de la Belgique —Demandes de la Belgique fondées sur
sa qualité de partie à la convention —Demandes de la Belgique fondées sur l’existence
d’un intérêt particulier — Objet et but de la convention — Obligations erga omnes
partes —Droit d’un Etat partie de demander qu’un autre Etat partie, qui aur ▯ ait man
qué à une obligation, mette fin à ce manquement — Belgique ayant qualité, en tant

qu’Etat partie à la convention, pour invoquer la responsabilité▯ du Sénégal à raison de
manquements allégués — Demandes de la Belgique fondées sur le paragraphe 2 de
l’article 6 et le paragraphe 1 de l’article 7 de la convention étant recevables — Nul
besoin de se prononcer sur la question de savoir si la Belgique a un inté▯ rêt particulier.

*

Violations alléguées de la convention contre la torture.
Paragraphe 2 de l’article 5 de la convention étant une condition pour la mise en

œuvre d’autres obligations prévues par cet instrument — Absence de la législation
requise jusqu’en2007 ayant affecté l’exécution par le Sénégal de ses obligations décou -
lant du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention.
Violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article 6 de la
convention — Enquête préliminaire devant être ouverte aussitôt que le suspect est

identifié sur le territoire de l’Etat concerné —Cour constatant que les autorités séné -
galaises n’ont pas immédiatement engagé une enquête prélim ▯ inaire dès le moment où
elles ont eu des raisons de soupçonner M. Habré d’être responsable d’actes de torture.
Violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7 de la
convention — Etat tenu de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes▯ pour

l’exercice de l’action pénale, indépendamment de l’existe▯nce, au préalable, d’une
demande d’extradition — Engagement de poursuites au vu des éléments de preuve
contre le suspect — Poursuite étant une obligation prévue par la conven -
tion — Extradition étant une option offerte par la convention.
Portée temporelle de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7 — Inter -

diction de la torture relevant du droit international coutumier et ayant▯ le caractère
de norme impérative (jus cogens) — Obligation de poursuivre s’appliquant aux
faits survenus après l’entrée en vigueur de la convention à ▯l’égard de l’Etat
concerné — Article 28 de la convention de Vienne sur le droit des traités — Déci -
sion du Comité contre la torture — Obligation de poursuivre incombant au Séné -

gal ne valant pas pour les actes commis avant l’entrée en vigueur ▯de la convention
contre la torture à son égard — Belgique étant en droit de demander à la Cour,
depuis qu’elle est devenue partie à la convention, de se prononcer▯ sur le respect par
le Sénégal du paragraphe 1 de l’article 7.
Mise en œuvre de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7 — Obliga -

tions incombant au Sénégal au titre de la convention n’étant▯ pas affectées par la
décision de la Cour de justice de la Communauté économique des ▯Etats de l’Afrique
de l’Ouest — Difficultés financières soulevées par le Sénégal ne pouvant justifier
qu’il n’ait pas engagé de poursuites contre M. Habré — Saisine de l’Union afri -
caine ne pouvant justifier le retard pris dans le respect par le Sénégal de ses enga -
gements au titre de la convention — Article 27 de la convention de Vienne sur le

droit des traités — Objet et but de la convention contre la torture, et nécessité
d’engager des poursuites sans retard — Sénégal n’ayant pas pris toutes les mesures
nécessaires pour la mise en œuvre du paragraphe 1 de l’article 7 de la conven -
tion — Violation de cette disposition par le Sénégal.

*

6

6 CIJ1033.indb 8 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 424

Admissibility of Belgium’s claims — Claims based on Belgium’s status as a
party to CAT — Claims based on the existence of a special interest of Belgium —
Object and purpose of CAT — Obligations erga omnes partes — State party’s
right to make a claim concerning the cessation of an alleged breach by a▯nother
State party — Belgium has standing as a State party to CAT to invoke the respon -

sibility of Senegal for alleged breaches — Claims of Belgium based on Article 6,
paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of CAT are admissible — No need to
pronounce on whether Belgium has a special interest.

*

The alleged violations of the Convention against Torture.
Article 5, paragraph 2, of CAT as a condition for performance of other

CAT obligations — Absence of the necessary legislation until 2007 affected
Senegal’s implementation of obligations in Article 6, paragraph 2, and Article 7,
paragraph 1.
The alleged breach of the obligation under Article 6, paragraph 2, of CAT —
Preliminary inquiry required as soon as suspect is identified in territo▯ry of State —

The Court finds that Senegalese authorities did not immediately initiate▯ prelimi -
nary inquiry once they had reason to suspect Mr. Habré of being responsible for
acts of torture.
The alleged breach of the obligation under Article 7, paragraph 1, of CAT —
State must submit case for prosecution irrespective of existence of a prior extradi -

tion request — Institution of proceedings in light of evidence against suspect —
Prosecution as an obligation under CAT — Extradition as an option under CAT.

The temporal scope of the obligation under Article 7, paragraph 1 — Prohibi -

tion of torture is part of customary international law and a peremptory ▯norm (jus
cogens) — Obligation to prosecute applies to facts having occurred after entr▯y into
force of CAT for a State — Article 28 of the Vienna Convention on the Law of
Treaties — Decision of the Committee against Torture — Senegal’s obligation to
prosecute does not apply to acts before entry into force of CAT for Sene▯gal —

Belgium entitled since becoming a Party to CAT to request the Court to rule on
Senegal’s compliance with Article 7, paragraph 1.

Implementation of the obligation under Article 7, paragraph 1 — Senegal’s duty

to comply with its obligations under CAT not affected by decision of Cou▯rt of
Justice of the Economic Community of West African States — Financial difficul -
ties raised by Senegal cannot justify failure to initiate proceedings ag▯ainst
Mr. Habré — Referral of the matter to the African Union cannot justify Senegal’▯s
delays in complying with its obligations under CAT — Article 27 of the Vienna
Convention on the Law of Treaties — Object and purpose of CAT and the need

to undertake proceedings without delay — Failure to take all measures necessary
for the implementation of Article 7, paragraph 1 — Breach by Senegal of that
provision.

*

6

6 CIJ1033.indb 9 28/11/13 12:50 425 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

Remèdes.
But du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’article 7 — Sénégal
ayant engagé sa responsabilité internationale en manquant à ses▯ obligations au
titre de ces dispositions — Sénégal tenu de mettre fin à ce fait illicite à caractère▯

continu — Obligation pour le Sénégal de saisir ses autorités compétent▯es pour
l’exercice de l’action pénale, s’il n’extrade pas M. Habré.

ARRÊT

Présents : M. Tomka, président ; M.Sepúlveda-Amor, vice-président ;
MM. Owada, Abraham, Keith, Bennouvna, Skotnikov, Cançado
mes
Trmedade, Yusuf, Greenwood, M Xue, Donoghue, M. Gaja,
M Sebutinde, juges ; MM.Sur, Kirsch, juges ad hoc ;
M. Couvreur, greffier.

En l’affaire relative à des questions concernant l’obligationv de poursuivre ou
d’extrader,

entre

le Royaume de Belgique,

représenté par
M. Paul Rietjens, directeur général des affaires juridiques du service pvublic
fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur vet de la coopération

au développement,
comme agent ;

M. Gérard Dive, conseiller, chef du service de droit international humanitaire
du service public fédéral de la justice,

comme coagent ;
M. Eric David, professeur de droit à l’Université libre de Bruxellves,

sir Michael Wood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de
la Commission du droit international,
M. Daniel Müller, consultant en droit international public, chercheur au
Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Université de Pavris
Ouest, Nanterre-La Défense,

comme conseils et avocats ;

S. Exc. M. Willy De Buck, ambassadeur, représentant permanent du Royaume
de Belgique auprès des institutions internationales à La Haye,
M. Philippe Meire, magistrat fédéral, parquet fédéral,
M. Alexis Goldman, conseiller, direction du droit international public, direc
tion générale des affaires juridiques du service public fédévral des affaires

étrangères, du commerce extérieur et de la coopération au dévveloppement,
M. Benjamin Goes, conseiller, chancellerie du premier ministre,

M meValérie Delcroix, attaché, direction du droit international public, direc -

tion générale des affaires juridiques du service public fédévral des affaires
étrangères, du commerce extérieur et de la coopération au dévveloppement,

7

6 CIJ1033.indb 10 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 425

Remedies.
Purpose of Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1 — Senegal’s
international responsibility engaged for failure to comply with its obli▯gations under
these provisions — Senegal required to cease this continuing wrongful act — Sen-
egal’s obligation to submit the case to its competent authorities for▯ the purpose of

prosecution, if it does not extradite Mr. Habré.

JUDGMENT

Present: President Tomka ;Vice-President Sepúlveda-Amor ; Judges Owada,

Abraham, Keith, Bennounav, Skotnikov, Cançado Trindavde,
Yusuf, Greenwood, Xue, Donvoghue, Gaja, Sebutinde ; Judges ad
hoc Sur, Kirsch ; Registrar Couvreur.

In the case concerning questions relating to the obligation to prosecutev or
extradite,

between

the Kingdom of Belgium,

represented by
Mr. Paul Rietjens, Director-General of Legal Affairs, Federal Public Service
for Foreign Affairs, Foreign Trade and Development Co-operation,

as Agent ;

Mr. Gérard Dive, Adviser, Head of the International Humanitarian Law
Division, Federal Public Service for Justice,

as Co-Agent ;
Mr. Eric David, Professor of Law at the Université libre de Bruxelles,
Sir Michael Wood, K.C.M.G., member of the English Bar, member of the

International Law Commission,
Mr. Daniel Müller, consultant in Public International Law, Researcher at vthe
Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University of Parisv
Ouest, Nanterre-La Défense,

as Counsel and Advocates ;
H.E. Mr. Willy De Buck, Ambassador, Permanent Representative of the
Kingdom of Belgium to the International Organizations in The Hague,

Mr. Philippe Meire, Federal Prosecutor, Federal Prosecutor’s Office,
Mr. Alexis Goldman, Adviser, Public International Law Directorate, Direc -
torate-General of Legal Affairs, Federal Public Service for Foreign Affairsv,
Foreign Trade and Development Co-operation,
Mr. Benjamin Goes, Adviser, Federal Public Service Chancellery of the Prime v

Minister,
Ms Valérie Delcroix, Attaché, Public International Law Directorate, Dvirecto -
rate-General of Legal Affairs, Federal Public Service for Foreign Affairsv,
Foreign Trade and Development Co-operation,

7

6 CIJ1033.indb 11 28/11/13 12:50 426 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

me
M Pauline Warnotte, attaché, service de droit international humanitaire du
service public fédéral de la justice,
M me Liesbet Masschelein, attaché, chancellerie du premier ministre,
M. Vaios Koutroulis, maître d’enseignement à la faculté de droit de l’Univer-

sité libre de Bruxelles,
M. Geoffrey Eekhout, attaché, représentation permanente du Royaume de
Belgique auprès des institutions internationales à La Haye,
M. Jonas Perilleux, attaché, service de droit international humanitaire du serv
vice public fédéral de la justice,

comme conseillers,

et

la République du Sénégal,
représentée par

S. Exc. M. Cheikh Tidiane Thiam, professeur, ambassadeur, directeur général
des affaires juridiques et consulaires au ministère des affaires vétrangères et
des Sénégalais de l’extérieur,

comme agent ;
S. Exc. M. Amadou Kebe, ambassadeur de la République du Sénégal auprès
du Royaume des Pays-Bas,

M. François Diouf, magistrat, directeur des affaires criminelles et des grâces v
au ministère de la justice,
comme coagents ;

M. Serigne Diop, professeur, médiateur de la République,
M. Abdoulaye Dianko, agent judiciaire de l’Etat,
M. Ibrahima Bakhoum, magistrat,
M. Oumar Gaye, magistrat,

comme conseils ;
M. Moustapha Ly, premier conseiller à l’ambassade du Sénégal à La Hayev,

M. Moustapha Sow, premier conseiller à l’ambassade du Sénégal à
La Haye,

La Cour,

ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant :

1. Le 19 février 2009, le Royaume de Belgique (dénommé ci-après la « Bel-
gique») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductivev d’instance
contre la République du Sénégal (dénommée ci-après lev « Sénégal ») au sujet

d’un différend relatif au « respect par le Sénégal de son obligation de poursuivre
M. H[issène] Habré[, ancien président de la République du Tchad], ou de l’vex -
trader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales ». La Belgique fondait ses
demandes sur la convention des Nations Unies contre la torture et autresv peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (dénom -

mée ci-après la « convention contre la torture » ou la « convention»), ainsi que
sur le droit international coutumier.

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6 CIJ1033.indb 12 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 426

Ms Pauline Warnotte, Attaché, International Humanitarian Law Division,
Federal Public Service for Justice,
Ms Liesbet Masschelein, Attaché, Office of the Prime Minister,
Mr. Vaios Koutroulis, Senior Lecturer, Faculty of Law, Université libre dve

Bruxelles,
Mr. Geoffrey Eekhout, Attaché, Permanent Representation of the Kingdom v
of Belgium to the International Organizations in The Hague,
Mr. Jonas Perilleux, Attaché, International Humanitarian Law Division,
Federal Public Service for Justice,

as Advisers,

and

the Republic of Senegal,
represented by

H.E. Mr. Cheikh Tidiane Thiam, Professor, Ambassador, Director-General
of Legal and Consular Affairs, Ministry of Foreign Affairs and Senegvalese
Abroad,

as Agent ;
H.E. Mr. Amadou Kebe, Ambassador of the Republic of Senegal to the
Kingdom of the Netherlands,

Mr. François Diouf, Magistrate, Director of Criminal Affairs and Pardonvs,
Ministry of Justice,
as Co-Agents ;

Professor Serigne Diop, Mediator of the Republic,
Mr. Abdoulaye Dianko, Agent judiciaire de l’Etat,
Mr. Ibrahima Bakhoum, Magistrate,
Mr. Oumar Gaye, Magistrate,

as Counsel ;
Mr. Moustapha Ly, First Counsellor, Embassy of Senegal in The Hague,

Mr. Moustapha Sow, First Counsellor, Embassy of Senegal in The Hague,

The Court,

composed as above,
after deliberation,

delivers the following Judgment :

1. On 19 February 2009, the Kingdom of Belgium (hereinafter “Belgium”)
filed in the Registry of the Court an Application instituting proceedivngs against
the Republic of Senegal (hereinafter “Senegal”) in respect of a vdispute con-

cerning “Senegal’s compliance with its obligation to prosecute Mr.v H[issène]
Habré[, former President of the Republic of Chad,] or to extradite hivm to
Belgium for the purposes of criminal proceedings”. Belgium based its vclaims
on the United Nations Convention against Torture and Other Cruel, Inhumavn
or Degrading Treatment or Punishment of 10 December 1984 (hereinafter “the

Convention against Torture” or the “Convention”), as well as ovn customary
international law.

8

6 CIJ1033.indb 13 28/11/13 12:50 427 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

Dans sa requête, la Belgique invoquait, comme base de compétence dve la
Cour, le paragraphe 1 de l’article 30 de la convention contre la torture ainsi que
les déclarations faites, en application du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut
de la Cour, par la Belgique, le 17 juin 1958 et par le Sénégal, le 2 décembre 1985.

2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut, la requête a été
communiquée au Gouvernement sénégalais par le greffier ; conformément au
paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis à ester devant la Cour ont évté
informés de la requête.

3. Le 19 février 2009, immédiatement après le dépôt de sa requête, la Bel -
gique, se référant à l’article 41 du Statut et aux articles 73, 74 et 75 du Règle -
ment, a déposé au Greffe de la Cour une demande en indication dev mesures
conservatoires et l’a priée « d’indiquer, en attendant qu’elle rende un arrêt défi -
nitif sur le fond », des mesures conservatoires tendant à ce que le défendeur

prenne « toutes les mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré reste sous le
contrôle et la surveillance des autorités judiciaires du Sénévgal afin que les règles
de droit international dont la Belgique demande le respect puissent êvtre correc-
tement appliquées ».

4. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des vParties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le pvaragraphe 3 de l’ar -
ticle 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en
l’affaire: la Belgique a désigné M. Philippe Kirsch, et le Sénégal M. Serge Sur.
5. Par ordonnance du 28 mai 2009, la Cour, après avoir entendu les Parties,

a dit que les circonstances, telles qu’elles se présentaient alorsv à elle, n’étaient
pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer desv mesures conser -
vatoires en vertu de l’article 41 du Statut (Questions concernant l’obligation de
poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordon -

nance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 156, par. 76).
6. Par ordonnance du 9 juillet 2009, la Cour a fixé au 9 juillet 2010 et
au 11 juillet 2011, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le dévpôt
du mémoire de la Belgique et du contre-mémoire du Sénégal. Lve mémoire de la

Belgique a été dûment déposé dans le délai ainsi prescvrit.
7. A la demande du Sénégal, le président de la Cour a, par ordonnavnce du
11 juillet 2011, reporté au 29 août 2011 la date d’expiration du délai pour le
dépôt du contre-mémoire. Cette pièce a été dûment dvéposée dans le délai ainsi
prorogé.

8. Lors d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec lesv agents des
Parties le 10 octobre 2011, celles-ci ont indiqué qu’elles n’estimaient pas néces -
saire la tenue d’un second tour de procédure écrite et qu’elvles souhaitaient que
la Cour fixe dès que possible la date d’ouverture des audiences.v La Cour a consi -

déré qu’elle était suffisamment informée des moyens de fvait et de droit sur les -
quels les Parties se fondent et que la présentation de nouvelles évcritures n’appa-
raissait pas nécessaire. L’affaire s’est ainsi trouvée en vétat.

9. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la Cour,
après s’être renseignée auprès des Parties, a décidév que des exemplaires des
pièces de procédure et documents annexés seraient rendus accessvibles au public
à l’ouverture de la procédure orale. En outre, l’ensemble dev ces documents, sans
leurs annexes, a été placé sur le site Internet de la Cour.

10. Des audiences publiques ont été tenues entre le 12 mars 2012 et le
21 mars 2012, au cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries etv
réponses :

9

6 CIJ1033.indb 14 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 427

In its Application, Belgium invoked, as the basis for the jurisdiction of the
Court, Article 30, paragraph 1, of the Convention against Torture and the dec -
larations made under Article 36, paragraph 2, of the Statute of the Court, by
Belgium on 17 June 1958 and by Senegal on 2 December 1985.

2. In accordance with Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Application
was communicated to the Government of Senegal by the Registrar ; and, in
accordance with paragraph 3 of that Article, all States entitled to appear before
the Court were notified of the Application.

3. On 19 February 2009, immediately after the filing of its Application, Bel -
gium, referring to Article 41 of the Statute and to Articles 73, 74 and 75 of the
Rules of Court, filed in the Registry of the Court a request for the ivndication of
provisional measures and asked the Court “to indicate, pending a fivnal judg -
ment on the merits”, provisional measures requiring the Respondent tov take

“all the steps within its power to keep Mr. H. Habré under the control and sur -
veillance of the judicial authorities of Senegal so that the rules of invternational
law with which Belgium requests compliance may be correctly applied”.v

4. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
either of the Parties, each availed itself of its right under Article 31, paragraph 3,
of the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the case : Belgium chose
Mr. Philippe Kirsch and Senegal Mr. Serge Sur.
5. By an Order of 28 May 2009, the Court, having heard the Parties, found

that the circumstances, as they then presented themselves to the Court, vwere not
such as to require the exercise of its power under Article 41 of the Statute to
indicate provisional measures (Questions relating to the Obligation to Prosecute
or Extradite (Belgium v. Senegal), Provisional Measures, Order of 28 May 2009,

I.C.J. Reports 2009, p. 156, para. 76).
6. By an Order of 9 July 2009, the Court fixed 9 July 2010 and 11 July
2011 as the time-limits for the filing of the Memorial of Belgium and the
Counter-Memorial of Senegal, respectively. The Memorial of Belgium was duly

filed within the time-limit so prescribed.
7. At the request of Senegal, the President of the Court, by an Order of
11 July 2011, extended to 29 August 2011 the time-limit for the filing of the
Counter-Memorial. That pleading was duly filed within the time-limit thus
extended.

8. At a meeting held by the President of the Court with the Agents of the
Parties on 10 October 2011, the Parties indicated that they did not consider a
second round of written pleadings to be necessary and that they wished tvhe
Court to fix the date of the opening of the hearings as soon as possibvle. The

Court considered that it was sufficiently informed of the arguments on the issues
of fact and law on which the Parties relied and that the submission of fvurther
written pleadings did not appear necessary. The case thus became ready fvor
hearing.

9. In conformity with Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the
Court, after ascertaining the views of the Parties, decided that copies vof the
pleadings and annexed documents would be made accessible to the public avt the
opening of the oral proceedings. The pleadings without their annexes werve also
put on the Court’s website.

10. Public hearings were held between 12 March and 21 March 2012, during
which the Court heard the oral arguments and replies of :

9

6 CIJ1033.indb 15 28/11/13 12:50 428 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

Pour la Belgique : M. Paul Rietjens,
M. Gérard Dive,
M. Eric David,
sir Michael Wood,
M. Daniel Müller.

Pour le Sénégal : S. Exc. M. Cheikh Tidiane Thiam,
M. Oumar Gaye,
M. François Diouf,
M. Ibrahima Bakhoum,

M. Abdoulaye Dianko.

11. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres de
la Cour, auxquelles il a été répondu oralement et par écrit.v Conformément à
l’article 72 du Règlement, chacune des Parties a présenté des observationvs écrites
sur les réponses que l’autre Partie avait fournies par écrit.

*

12. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées vpar la Belgique:

«La Belgique prie respectueusement la Cour de dire et juger que

— la Cour est compétente pour connaître du différend qui opposev le
Royaume de Belgique à la République du Sénégal en ce qui convcerne le
respect par le Sénégal de son obligation de poursuivre M. H. Habré ou

de l’extrader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales ;
— la demande belge est recevable ;
— la République du Sénégal est obligée de poursuivre pénalement
M. H. Habré pour des faits qualifiés notamment de crimes de torture etv
de crimes contre l’humanité qui lui sont imputés en tant qu’vauteur,

coauteur ou complice ;
— à défaut de poursuivre M. H. Habré, la République du Sénégal est obli -
gée de l’extrader vers le Royaume de Belgique pour qu’il répvonde de ces
crimes devant la justice belge.

La Belgique se réserve le droit de modifier et de compléter [ladvite]
requête. »

13. Au cours de la procédure écrite, les conclusions ci-après ont évté présen -
tées par les Parties :

Au nom du Gouvernement de la Belgique,

dans le mémoire :

«Pour les motifs exposés dans le présent mémoire, le Royaume de vBel -
gique prie la Cour internationale de Justice de dire et de juger que :

1) a)le Sénégal a violé ses obligations internationales en n’ayanvt pas intro-
duit dans son droit interne les dispositions nécessaires permettant aux
autorités judiciaires sénégalaises d’exercer la compétence universelle
prévue par l’article 5, paragraphe 2, de la convention contre la torture

et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le Sénégal a violé et viole ses obligations internationales dévcoulant de
l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 1, de la conven

10

6 CIJ1033.indb 16 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 428

For Belgium : Mr. Paul Rietjens,
Mr. Gérard Dive,
Mr. Eric David,
Sir Michael Wood,
Mr. Daniel Müller.

For Senegal : H.E. Mr. Cheikh Tidiane Thiam,
Mr. Oumar Gaye,
Mr. François Diouf,
Mr. Ibrahima Bakhoum,

Mr. Abdoulaye Dianko.

11. At the hearing, questions were put by Members of the Court to the
Parties, to which replies were given orally and in writing. In accordance with
Article 72 of the Rules of Court, each Party submitted its written comments
on the written replies provided by the other Party.

*

12. In its Application, Belgium presented the following submissions :

“Belgium respectfully requests the Court to adjudge and declare that :

— the Court has jurisdiction to entertain the dispute between the Kingdom
of Belgium and the Republic of Senegal regarding Senegal’s compliancev
with its obligation to prosecute Mr. H. Habré or to extradite him to

Belgium for the purposes of criminal proceedings ;
— Belgium’s claim is admissible ;
— the Republic of Senegal is obliged to bring criminal proceedings againstv
Mr. H. Habré for acts including crimes of torture and crimes against
humanity which are alleged against him as perpetrator, co-perpetrator

or accomplice ;
— failing the prosecution of Mr. H. Habré, the Republic of Senegal is
obliged to extradite him to the Kingdom of Belgium so that he can
answer for these crimes before the Belgian courts.

Belgium reserves the right to revise or supplement the terms of this
Application.”

13. In the written proceedings, the following submissions were presented by v
the Parties :

On behalf of the Government of Belgium,

in the Memorial :

“For the reasons set out in this Memorial, the Kingdom of Belgium
requests the International Court of Justice to adjudge and declare that :

1. (a) Senegal breached its international obligations by failing to incorpo
rate in its domestic law the provisions necessary to enable the Sene-ga
lese judicial authorities to exercise the universal jurisdiction providevd
for in Article 5, paragraph 2, of the Convention against Torture and

Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishmen;t
(b) Senegal has breached and continues to breach its international obli-
gations under Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of

10

6 CIJ1033.indb 17 28/11/13 12:50 429 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

tion contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu -
mains ou dégradants et du droit international coutumier en s’abste -
nant de poursuivre pénalement M. Hissène Habré pour des faits
qualifiés notamment de crimes de torture, de crime de génocide, vde

crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui lui sont imputvés
en tant qu’auteur, coauteur ou complice, ou de l’extrader vers la vBel -
gique aux fins de telles poursuites pénales ;
c) le Sénégal ne peut pas invoquer des difficultés d’ordre fivnancier ou autres
pour justifier les manquements à ses obligations internationales.

2) Le Sénégal est tenu de mettre fin à ces faits internationalemvent illicites

a) en soumettant sans délai l’affaire Hissène Habré à ses autorités com -

pétentes pour l’exercice de l’action pénale ; ou
b) à défaut, en extradant M. Habré vers la Belgique.

La Belgique se réserve le droit de modifier ou d’amender le cas échéant
les présentes conclusions, conformément aux dispositions du Statutv et du
Règlement de la Cour. »

Au nom du Gouvernement du Sénégal,

dans le contre-mémoire :

«Pour l’ensemble des motifs exposés dans le présent contre-mévmoire,
l’Etat du Sénégal prie la Cour internationale de Justice de dirve et juger que :

1) à titre principal, elle ne peut pas se prononcer sur le fond de la revquête
introduite par le Royaume de Belgique en raison de son incompétence,
en tant qu’elle résulte de l’absence de différend entre lav Belgique et le
Sénégal, et de l’irrecevabilité de ladite requête ;

2) subsidiairement, le Sénégal n’a violé aucune disposition de vla convention
de 1984 contre la torture, notamment celles qui lui prescrivent l’oblviga -
tion d’«extrader ou de juger» (article 6, paragraphe 2, et article 7, para-
graphe 1, de la convention) ni, plus généralement, aucune règle [de] droit

international coutumier ;
3) le Sénégal, en prenant les différentes mesures qui ont étév indiquées,
applique ses engagements d’Etat partie à la convention de 1984 convtre
la torture ;
4) le Sénégal, en prenant les mesures et dispositions appropriées vpour pré -

parer le procès de M. Habré, se conforme à la déclaration par laquelle
il s’est engagé devant la [C]our.

Le Sénégal se réserve le droit de modifier ou d’amender, lve cas échéant,
les présentes conclusions, conformément aux dispositions du Statutv et du
Règlement de la Cour. »

14. Lors de la procédure orale, les conclusions ci-après ont étév présentées par
les Parties :

Au nom du Gouvernement de la Belgique,

à l’audience du 19 mars 2012 :

«Pour les motifs exposés dans son mémoire et lors de la procédurve orale,
le Royaume de Belgique prie la Cour internationale de Justice de dire etv
juger que :

11

6 CIJ1033.indb 18 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 429

the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or
Degrading Treatment or Punishment and under customary interna -
tional law by failing to bring criminal proceedings against
Mr. Hissène Habré for acts characterized in particular as crimes of

torture, genocide, war crimes and crimes against humanity alleged
against him as perpetrator, co-perpetrator or accomplice, or to extra -
dite him to Belgium for the purposes of such criminal proceedings;
(c) Senegal may not invoke financial or other difficulties to justify thev
breaches of its international obligations.

2. Senegal is required to cease these internationally wrongful acts

(a) by submitting without delay the Hissène Habré case to its compe -

tent authorities for prosecution ; or
(b) failing that, by extraditing Mr. Habré to Belgium.

Belgium reserves the right to revise or amend these submissions as approv -
priate, in accordance with the provisions of the Statute and the Rules of
Court.”

On behalf of the Government of Senegal,

in the Counter-Memorial :

“For the reasons set out in this Counter-Memorial, the State of Senegal
requests the International Court of Justice to adjudge and declare that :

1. Principally, it cannot adjudicate on the merits of the Application filved
by the Kingdom of Belgium because it lacks jurisdiction as a result
of the absence of a dispute between Belgium and Senegal, and the
inadmissibility of that Application ;

2. In the alternative, Senegal has not breached any of the provisions of
the 1984 Convention against Torture, in particular those prescribing
the obligation to ‘extradite or try’ (Article 6, paragraph 2, and Article 7,
paragraph 1, of the Convention), or, more generally, any rule of cus -

tomary international law ;
3. In taking the various measures that have been described, Senegal is
fulfilling its commitments as a State party to the 1984 Convention
against Torture ;
4. In taking the appropriate measures and steps to prepare for the trial ofv

Mr. Habré, Senegal is complying with the declaration by which it made
a commitment before the Court.

Senegal reserves the right to revise or amend these submissions, as apprvo -
priate, in accordance with the provisions of the Statute and the Rules of
Court.”

14. At the oral proceedings, the following submissions were presented by thev
Parties :

On behalf of the Government of Belgium,

at the hearing of 19 March 2012 :

“For the reasons set out in its Memorial and during the oral proceedivngs,
the Kingdom of Belgium requests the International Court of Justice to
adjudge and declare that :

11

6 CIJ1033.indb 19 28/11/13 12:50 430 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

1) a)le Sénégal a violé ses obligations internationales en n’ayanvt pas intr-o
duit dans son droit interne et en temps utile les dispositions néces -
saires permettant aux autorités judiciaires sénégalaises d’evxercer la
compétence universelle prévue par l’article 5, paragraphe 2, de la

convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants ;
b) le Sénégal a violé et viole ses obligations internationales dévcoulant de
l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 1, de la conven-
tion contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu -

mains ou dégradants, et d’autres règles du droit international ven
s’abstenant de poursuivre pénalement Hissène Habré pour des faits
qualifiés notamment de crimes de torture, crimes de guerre, crimes v
contre l’humanité et crime de génocide qui lui sont imputés ven tant

qu’auteur, coauteur ou complice, ou, à défaut, de l’extraderv vers la
Belgique aux fins de telles poursuites pénales ;
c) le Sénégal ne peut pas invoquer des difficultés d’ordre fivnancier ou autres
pour justifier les manquements à ses obligations internationales.

2) le Sénégal est tenu de mettre fin à ces faits internationalemvent illicites

a) en soumettant sans délai l’affaire Hissène Habré à ses autorités com -
pétentes pour l’exercice de l’action pénale ; ou,

b) à défaut, en extradant Hissène Habré sans plus attendre versv la
Belgique. »

Au nom du Gouvernement du Sénégal,
à l’audience du 21 mars 2012 :

«Au vu de l’ensemble des développements et motifs contenus dans sonv
contre-mémoire, dans ses plaidoiries et dans les réponses apportéves aux

questions que les honorables juges ont bien voulu lui poser, par lesquelvs le
Sénégal a déclaré et tenté de démontrer que, dans le cvas d’espèce, il a dûment
assumé ses engagements internationaux et n’a pas commis un quelconvque
fait internationalement illicite, [le Sénégal prie] la Cour de bievn vouloir lui

adjuger le bénéfice des conclusions qui suivent et de dire et juger :

1) à titre principal, qu’elle ne peut pas se prononcer sur le fond de la requête
introduite par le Royaume de Belgique en raison de son incompétence,
en tant qu’elle résulte de l’absence de différend entre lav Belgique et le
Sénégal, et de l’irrecevabilité de ladite requête ;
2) subsidiairement, si elle venait à retenir sa compétence ainsi que vla rece-

vabilité de la requête belge, que le Sénégal n’a violé aucune disposition
de la convention de 1984 contre la torture, notamment celles qui lui
prescrivent l’obligation « de juger ou d’extrader » (article 6, para -
graphe 2, et article 7, paragraphe 1, de la convention) ni, plus générale -

ment, aucune autre règle de droit conventionnel, de droit internationval
général ou de droit international coutumier dans ce domaine ;
3) que le Sénégal, en prenant les différentes mesures qui ont évté indiquées,
applique ses engagements d’Etat partie à la convention de 1984 convtre
la torture ;

4) qu’en prenant les mesures et dispositions appropriées pour prépvarer le
procès de M. H. Habré, le Sénégal se conforme à la déclaration par
laquelle il s’est engagé devant la Cour ;

12

6 CIJ1033.indb 20 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 430

1. (a) Senegal breached its international obligations by failing to incor -
porate in due time in its domestic law the provisions necessary to
enable the Senegalese judicial authorities to exercise the universal
jurisdiction provided for in Article 5, paragraph 2, of the Conven -

tion against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading
Treatment or Punishment;
(b) Senegal has breached and continues to breach its international obli-
gations under Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of
the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrad -

ing Treatment or Punishment and under other rules of international
law by failing to bring criminal proceedings against Hissène Habré for
acts characterized in particular as crimes of torture, war crimes, crimes
against humanity and the crime of genocide alleged against him as

perpetrator, co-perpetrator or accomplice, or, otherwise, to extradite
him to Belgium for the purposes of such criminal proceeding;s
(c) Senegal may not invoke financial or other difficulties to justify thev
breaches of its international obligations.

2. Senegal is required to cease these internationally wrongful acts

(a) by submitting without delay the Hissène Habré case to its compe -
tent authorities for prosecution ; or

(b) failing that, by extraditing Hissène Habré to Belgium without
further ado.”

On behalf of the Government of Senegal,
at the hearing of 21 March 2012 :

“In the light of all the arguments and reasons contained in its
Counter-Memorial, in its oral pleadings and in the replies to the questions

put to it by judges, whereby Senegal has declared and sought to demonstrvate
that, in the present case, it has duly fulfilled its international comvmitments
and has not committed any internationally wrongful act, [Senegal asks] tvhe
Court . . . to find in its favour on the following submissions and to adjudge

and declare that :

1. Principally, it cannot adjudicate on the merits of the Application filved
by the Kingdom of Belgium because it lacks jurisdiction as a result
of the absence of a dispute between Belgium and Senegal, and the
inadmissibility of that Application ;
2. In the alternative, should it find that it has jurisdiction and that Bvel -

gium’s Application is admissible, that Senegal has not breached any ovf
the provisions of the 1984 Convention against Torture, in particular
those prescribing the obligation to ‘try or extradite’ (Article 6, para -
graph 2, and Article 7, paragraph 1, of the Convention), or, more

generally, any other rule of conventional law, general international
law or customary international law in this area ;
3. In taking the various measures that have been described, Senegal is
fulfilling its commitments as a State party to the 1984 Convention
against Torture ;

4. In taking the appropriate measures and steps to prepare for the trial ofv
Mr. H. Habré, Senegal is complying with the declaration by which it
made a commitment before the Court ;

12

6 CIJ1033.indb 21 28/11/13 12:50 431 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

5) qu’elle rejette, en conséquence, l’ensemble des demandes articuvlées
autour de la requête du Royaume de Belgique. »

*
* *

I. Contexte historique evt factuel

15. La Cour commencera par décrire brièvement le contexte historique
et factuel dans lequel s’inscrit la présente affaire.
16. Après avoir pris le pouvoir le 7 juin 1982 à la tête d’une rébellion,

M. Hissène Habré a présidé la République du Tchad pendant huit annéevs,
au cours desquelles de multiples violations des droits de l’homme aurvaient
été commises, notamment des arrestations d’opposants politiquesv réels ou
présumés, des détentions sans jugement ou dans des conditions ivnhu -
maines, de mauvais traitements, des actes de torture, des exécutions vextr-a
er
judiciaires et des disparitions forcées. Renversé le 1 décembre 1990 par
son ancien conseiller pour la défense et la sécurité — M. Idriss Déby,
actuel président du Tchad —, M. Habré, après un court séjour au Came -
roun, a sollicité et obtenu du Gouvernement sénégalais l’asivle politique. Il

s’est alors installé à Dakar, où il réside depuis lors.
17. Le 25 janvier 2000, sept ressortissants tchadiens résidant au Tchad
et une association de victimes ont saisi le doyen des juges d’instrucvtion au
tribunal régional hors classe de Dakar d’une plainte, avec constitvution de
partie civile, contre M. Habré, au sujet de crimes qui auraient été commis

au cours de sa présidence. Le 3 février 2000, le doyen des juges d’instruc -
tion, après avoir procédé à un interrogatoire de premièrev comparution
aux fins de constater l’identité de M. Habré et lui avoir fait connaître les
faits qui lui étaient attribués, a inculpé celui-ci pour avoir vaidé ou assisté
X … dans la commission de crimes contre l’humanité, d’actes dev torture

et de barbarie » et l’a assigné à résidence.
18. Le 18 février 2000, M. Habré a introduit une requête auprès de la
chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar aux fins de l’vannula -
tion de la procédure ainsi engagée contre lui, arguant de l’incvompétence
des juridictions sénégalaises, du défaut de base légale des vpoursuites et de

la prescription des faits, ainsi que de la violation de la Constitution,v du
code pénal sénégalais et de la convention contre la torture. Pavr son arrêt
du 4 juillet 2000, cette chambre de la cour d’appel a annulé, pour incom -
pétence du juge saisi, les poursuites contre M. Habré. Il y était expliqué
que, en visant des crimes commis hors du territoire du Sénégal parv un

ressortissant étranger contre des ressortissants étrangers, ces poursuites
appelaient l’exercice de la compétence universelle ; or, celle-ci n’était pas
prévue par le code de procédure pénale sénégalais alors evn vigueur. Reje -
tant un pourvoi formé par les parties civiles contre l’arrêt duv 4 juillet 2000,
la Cour de cassation sénégalaise, par arrêt du 20 mars 2001, a confirmé

l’incompétence du magistrat instructeur.

13

6 CIJ1033.indb 22 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 431

5. It consequently rejects all the requests set forth in the Application ofv
the Kingdom of Belgium.”

*
* *

I. Historical and Factuavl Background

15. The Court will begin with a brief description of the historical and
factual background to the present case.
16. After taking power on 7 June 1982 at the head of a rebellion,

Mr. Hissène Habré was President of the Republic of Chad for eight years,
during which time large-scale violations of human rights were allegedly
committed, including arrests of actual or presumed political opponents, v
detentions without trial or under inhumane conditions, mistreatment, torv -
ture, extrajudicial executions and enforced disappearances. Mr. Habré

was overthrown on 1 December 1990 by his former defence and security
adviser, Mr. Idriss Déby, current President of Chad. After a brief stay in
Cameroon, he requested political asylum from the Senegalese Govern -
ment, a request which was granted. He then settled in Dakar, where he

has been living ever since.
17. On 25 January 2000, seven Chadian nationals residing in Chad,
together with an association of victims, filed with the senior investivgating
judge at the Dakar Tribunal régional hors classe a complaint with
civil-party application against Mr. Habré on account of crimes alleged to

have been committed during his presidency. On 3 February 2000, the
senior investigating judge, after having conducted a questioning at fivrst
appearance to establish Mr. Habré’s identity and having informed him of
the acts said to be attributable to him, indicted Mr. Habré for having
“aided or abetted X . . . in the commission of crimes against humanity

and acts of torture and barbarity” and placed him under house arrest.v
18. On 18 February 2000, Mr. Habré filed an application with the
Chambre d’accusation of the Dakar Court of Appeal for annulment of the
proceedings against him, arguing that the courts of Senegal had no jurisv-
diction; that there was no legal basis for the proceedings ; that they were

time-barred; and that they violated the Senegalese Constitution, the Sene -
galese Penal Code and the Convention against Torture. In a judgment of
4 July 2000, that Chamber of the Court of Appeal found that the investi -
gating judge lacked jurisdiction and annulled the proceedings against
Mr. Habré, on the grounds that they concerned crimes committed outside

the territory of Senegal by a foreign national against foreign nationalsv and
that they would involve the exercise of universal jurisdiction, while thve Sen
egalese Code of Criminal Procedure then in force did not provide for sucvh
jurisdiction. In a judgment of 20March 2001, the Senegalese Court of Cas -
sation dismissed an appeal by the civil complainants against the judgment of

4 July 2000, confirming that the investigating judge had no jurisdiction.

13

6 CIJ1033.indb 23 28/11/13 12:50 432 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

19. Le 30 novembre 2000, un ressortissant belge d’origine tchadienne a
déposé une plainte avec constitution de partie civile contre M. Habré

devant un juge d’instruction belge, notamment pour violations graves vdu
droit international humanitaire, crimes de torture et crime de génocide.
Entre le 30 novembre 2000 et le 11 décembre 2001, vingt autres personnes
ont déposé, devant le même juge, des plaintes similaires contrev M. Habré
pour des faits de même nature. Ces plaintes, qui se rapportaient àv la

période allant de 1982 à 1990 et émanaient de deux binationaux belgo-
tchadiens et de dix-huit ressortissants tchadiens, visaient des crimesprévus
par la loi belge du 16 juin 1993 relative à la répression des violations
graves du droit international humanitaire — modifiée par la loi du
10 février 1999 (ci-après la « loi de 1993/1999 ») — et par la convention
contre la torture. La convention a été ratifiée par le Sénvégal le 21 août 1986,

sans réserve, et lie ce dernier depuis le 26 juin 1987, date de son entrée en
vigueur. Elle a été ratifiée par la Belgique le 25 juin 1999, sans réserve, et
lie cette dernière depuis le 25 juillet 1999.
20. Après avoir constaté que les faits ainsi dénoncés — extermination,
torture, persécution et disparitions forcées — pouvaient être qualifiés de

«crimes contre l’humanité» au regard de la loi de 1993/1999, le juge d’ins -
truction belge a adressé deux commissions rogatoires internationales vau
Sénégal et au Tchad, respectivement les 19 septembre et 3 octobre 2001.
Par la première, il entendait obtenir copie de tous les dossiers des procé -
dures pendantes devant la justice sénégalaise concernant M. Habré ; le

Sénégal a fourni à la Belgique un dossier pertinent le 22 novembre 2001.
La seconde visait à établir une coopération judiciaire entre lav Belgique et
le Tchad, notamment en demandant que les autorités belges soient autov -
risées à interroger les plaignants et les témoins tchadiens, àv consulter les
dossiers pertinents et à visiter les lieux en cause ; le juge d’instruction
belge a exécuté cette commission rogatoire au Tchad du 26 février au

8 mars 2002. Par ailleurs, en réponse à une question posée par celui-cvi,
le 27 mars 2002, aux fins de savoir si M. Habré bénéficiait d’une quel -
conque immunité de juridiction en sa qualité d’ancien chef d’vEtat, le
ministre tchadien de la justice a indiqué, dans une lettre datée dvu 7 oc-
tobre 2002, que la conférence nationale souveraine tenue à N’Djvamena

du 15 janvier au 7 avril 1993 avait officiellement levé toute immunité de
juridiction de l’ancien président. Entre 2002 et 2005, divers actes d’ins -
truction ont été exécutés en Belgique, notamment l’auditivon des parties
plaignantes et des témoins, ainsi que l’analyse des documents tranvsmis
par les autorités tchadiennes en exécution de la commission rogatovire.

21. Le 19 septembre 2005, le juge d’instruction belge a décerné un
mandat d’arrêt international par défaut à l’encontre de Mv. Habré, inculpé
comme auteur ou coauteur, notamment, de violations graves du droit
international humanitaire, d’actes de torture, du crime de génocidve, de
crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Par note verbale vdu
22 septembre 2005, la Belgique a transmis ledit mandat d’arrêt internatio -

nal au Sénégal et a demandé l’extradition de M. Habré. Le 27 sep -
tembre 2005, Interpol — dont la Belgique et le Sénégal sont membres

14

6 CIJ1033.indb 24 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 432

19. On 30 November 2000, a Belgian national of Chadian origin filed
a complaint with civil-party application against Mr. Habré with a Belgian

investigating judge for, inter alia, serious violations of international
humanitarian law, crimes of torture and the crime of genocide. Between
30 November 2000 and 11 December 2001, another 20 persons filed simi -
lar complaints against Mr. Habré for acts of the same nature, before the
same judge. These complaints, relating to the period 1982 to 1990, and

filed by two persons with dual Belgian-Chadian nationality and eighteen
Chadians, were based on crimes covered by the Belgian Law of
16 June 1993 concerning the punishment of serious violations of interna -
tional humanitarian law, as amended by the Law of 10 February 1999
(hereinafter the “1993/1999 Law”), and by the Convention againstv Tor -
ture. The Convention was ratified by Senegal on 21 August 1986, without

reservation, and became binding on 26 June 1987, the date of its entry
into force. Belgium ratified the Convention on 25 June 1999, without
reservation, and became bound by it on 25 July 1999.
20. After finding that the acts complained of — extermination, torture,
persecution and enforced disappearances — could be characterized as

“crimes against humanity” under the 1993/1999 Law, the Belgian invvesti -
gating judge issued two international letters rogatory, to Senegal and
Chad, on 19 September and 3 October 2001, respectively. In the first of
these, he sought to obtain a copy of the record of all proceedings concevrn -
ing Mr. Habré pending before the Senegalese judicial authorities ; on

22 November 2001, Senegal provided Belgium with a file on the matter.
The second letter rogatory sought to establish judicial co-operation
between Belgium and Chad, in particular requesting that Belgian authori-
ties be permitted to interview the Chadian complainants and witnesses,
to have access to relevant records and to visit relevant sites. This letter
rogatory was executed in Chad by the Belgian investigating judge betweenv

26 February and 8 March 2002. Furthermore, in response to a question
put by the Belgian investigating judge on 27 March 2002, asking whether
Mr. Habré enjoyed any immunity from jurisdiction as a former Head of
State, the Minister of Justice of Chad stated, in a letter dated 7 Octo -
ber 2002, that the Sovereign National Conference, held in N’Djamena

from 15 January to 7 April 1993, had officially lifted from the former
President all immunity from legal process. Between 2002 and 2005,
various investigative steps were taken in Belgium, including examining
complainants and witnesses, as well as analysing the documents provided
by the Chadian authorities in execution of the letter rogatory.

21. On 19 September 2005, the Belgian investigating judge issued an
international warrant in absentia for the arrest of Mr. Habré, indicted as
the perpetrator or co-perpetrator, inter alia, of serious violations of inter-
national humanitarian law, torture, genocide, crimes against humanity
and war crimes. By Note Verbale of 22 September 2005, Belgium trans -
mitted the international arrest warrant to Senegal and requested the

extradition of Mr. Habré. On 27 September 2005, Interpol — of which
Belgium and Senegal have been members since 7 September 1923 and

14

6 CIJ1033.indb 25 28/11/13 12:50 433 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

depuis, respectivement, le 7 septembre 1923 et le 4 septembre 1961 — a
fait circuler une « notice rouge» concernant M. Habré, qui vaut demande

d’arrestation provisoire en vue de l’extradition.
22. Dans son arrêt du 25 novembre 2005, la chambre d’accusation de
la cour d’appel de Dakar s’est prononcée sur la demande d’exvtradition de
la Belgique en décidant que, en tant que « juridiction ordinaire de droit
commun, [elle] ne [pouvait] étendre sa compétence aux actes d’ivnstruction

et de poursuite engagés contre un chef d’Etat pour des faits prévtendument
commis dans l’exercice de ses fonctions »; que M. Habré devait « bénéfi -
cier de … l’immunité de juridiction », qui « a vocation à survivre à la ces -
sation de fonctions du [p]résident de la République»; et qu’elle ne pouvait
dès lors « connaître de la régularité [des] actes de poursuite et de la vavli -
dité d[u] mandat d’arrêt s’appliquant à un chef d’Etatv».

23. Au lendemain du prononcé de l’arrêt du 25 novembre 2005, le
Sénégal a saisi l’Union africaine de la question du jugement dev cet ancien
chef d’Etat. En juillet 2006, la conférence des chefs d’Etat et de gouverne -
ment de cette organisation a notamment, par sa décision 127 (VII),

«décid[é] de considérer le « dossier Hissène Habré» comme le dossier
de l’Union africaine, … mandat[é] la République du Sénégal de
poursuivre et de faire juger, au nom de l’Afrique, Hissène Habrév par

une juridiction sénégalaise compétente avec les garanties d’vun procès
juste »

et
«donn[é] mandat au président de l’Union [africaine], en concertavtion

avec le président de la Commission [de l’Union], d’apporter au vSéné -
gal l’assistance nécessaire pour le bon déroulement et le bon fvonc -
tionnement du procès ».

24. Au vu de l’arrêt du 25 novembre 2005 de la chambre d’accusation
de la cour d’appel de Dakar, la Belgique a, par note verbale datée duv
30 novembre 2005, prié le Sénégal de lui indiquer quelles étaient les imvpli -
cations de cette décision judiciaire sur sa demande d’extradition,v à quelle
phase en était la procédure et si le Sénégal pouvait répovndre officiellement

à la demande d’extradition et apporter des éclaircissements surv sa position
à la suite de ladite décision. En réponse, le Sénégal a, vdans une note verbale
du 7 décembre 2005, notamment indiqué que, après l’arrêt en cause, il avaivt
saisi l’Union africaine de l’affaire Habré, ce qui, entre autres, «préfigur[ait]
une gestion concertée à l’échelle africaine de questions relvevant a priori de

la souveraineté nationale des Etats». Par note verbale du 23 décembre 2005,
le Sénégal a précisé que l’arrêt de la chambre d’acvcusation mettait fin à la
phase judiciaire de la procédure, qu’il avait pris la décision vde transmettre
le « dossier Hissène Habré » à l’Union africaine (voir paragraphes 23 ci-
dessus et 36 ci-après) et que cette décision devait dès lors être convsidérée
comme traduisant sa position suite à l’arrêt de la chambre d’vaccusation.

25. Par note verbale du 11 janvier 2006, la Belgique, se référant à la
procédure de négociation en cours au titre de l’article 30 de la convention

15

6 CIJ1033.indb 26 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 433

4 September 1961, respectively — circulated a “red notice” concerning
Mr. Habré, which serves as a request for provisional arrest with a view tvo

extradition.
22. In a judgment of 25 November 2005, the Chambre d’accusation of
the Dakar Court of Appeal ruled on Belgium’s extradition request, holvd-
ing that, as “a court of ordinary law, [it could] not extend its jurivsdiction
to matters relating to the investigation or prosecution of a Head of Stavte

for acts allegedly committed in the exercise of his functions” ; that
Mr. Habré should “be given jurisdictional immunity”, which “is ivntended
to survive the cessation of his duties as President of the Republic” ; and
that it could not therefore “adjudicate the lawfulness of [the] procevedings
and the validity of the arrest warrant against a Head of State”.

23. The day after the delivery of the judgment of 25 November 2005, Se -n
egal referred to the African Union the issue of the institution of proceved-
ings against this former Head of State. InJuly 2006, the Union’s Assembly
of Heads of State and Government, by Decision 127 (VII), inter alia

“decid[ed] to consider the ‘Hissène Habré case’ as falling within the
competence of the African Union, . . . mandate[d] the Republic of
Senegal to prosecute and ensure that Hissène Habré is tried, on

behalf of Africa, by a competent Senegalese court with guarantees for
fair trial”

and
“mandate[d] the Chairperson of the [African] Union, in consultation

with the Chairperson of the Commission [of the Union], to provide
Senegal with the necessary assistance for the effective conduct of thev
trial”.

24. In view of the judgment of 25 November 2005 of the Chambre
d’accusation of the Dakar Court of Appeal, Belgium asked Senegal, in a
Note Verbale of 30 November 2005, to inform it about the implications of
this judicial decision for Belgium’s request for extradition, the curvrent stage
of the proceedings, and whether Senegal could reply officially to the request

for extradition and provide explanations about its position pursuant to the
said decision. In response, in a Note Verbale of 7 December 2005 Senegal
stated inter alia that, following the judgment in question, it had referred the
Habré case to the African Union, and that this “prefigure[d] a concerted
approach on an African scale to issues that fall in principle under the

States’ national sovereignty”. By Note Verbale of 23 December 2005, Sen -
egal explained that the judgment of the Chambre d’accusation put an end to
the judicial stage of the proceedings, that it had taken the decision tov refer
the “Hissène Habré case” to the African Union (see paragraphs 23 above
and 36 below), and that this decision should consequently be consideredv as
reflecting its position following the judgment of the Chambre d’accusation.

25. By Note Verbale of 11 January 2006, Belgium, referring to the
ongoing negotiation procedure provided for in Article 30 of the Conven -

15

6 CIJ1033.indb 27 28/11/13 12:50 434 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

contre la torture et prenant note du transfert du « dossier Hissène Habré»
à l’Union africaine, a indiqué qu’elle interprétait laditve convention et,

plus particulièrement l’obligation aut dedere aut judicare prévue à l’ar -
ticle 7, «comme ne prévoyant d’obligations que dans le chef d’un Etat, env
l’occurrence, dans le cadre de la demande d’extradition de M. Hissène
Habré, dans le chef de la République du Sénégal ». La Belgique a en outre
demandé au Sénégal « de bien vouloir lui communiquer sa décision finale

quant à l’accord ou [au] refus de donner suite à la demande d’vextradi -
tion» de M. Habré. Selon la Belgique, le Sénégal n’a pas répondu àv cette
note. Par note verbale du 9 mars 2006, la Belgique s’est référée de nou -
veau à la procédure de négociation en cours au titre de l’arvticle 30 et a
précisé qu’elle interprétait l’article 4, l’article 5, paragraphes 1 c) et 2,
l’article 7, paragraphe 1, l’article 8, paragraphes 1, 2 et 4, et l’article 9,

paragraphe 1, de la convention « comme prévoyant l’obligation, pour
l’Etat sur le territoire duquel est trouvé l’auteur présumév d’une infraction
visée à l’article 4 de la convention …, de l’extrader à défaut de l’avoir jvugé
sur [la] base des incriminations visées audit article »; en conséquence, la
Belgique a demandé au Sénégal

«de bien vouloir lui faire savoir si sa décision de transmettre l’affaire
Hissène Habré à l’Union africaine d[evait] être interprévtée comme

signifiant que les autorités sénégalaises [n’avaient] plusv l’intention de
l’extrader vers la Belgique ni de le faire juger par les autoritésv judi -
ciaires compétentes ».

26. Par note verbale datée du 4 mai 2006, la Belgique, après avoir
constaté l’absence de réaction officielle des autorités sévnégalaises à ses
correspondances et démarches antérieures, a réitéré qu’velle interprétait
l’article 7 de la convention contre la torture comme prévoyant l’obliga -
tion, pour l’Etat sur le territoire duquel est trouvé l’auteur vprésumé, de

l’extrader à défaut de l’avoir jugé, et a souligné quev la «décision de confier
le cas Hissène Habré à l’Union africaine » ne pouvait dispenser le Sénégal
des obligations qui lui incombaient de juger ou d’extrader la personnve accu -
sée des faits incriminés conformément aux articles pertinents de la conven-
tion; elle a par ailleurs indiqué qu’une controverse non résolue auv sujet de

cette interprétation entraînerait un recours à la procédure vd’arbitrage au
titre de l’article 30 de la convention. Par note verbale du 9 mai 2006, le
Sénégal a expliqué que ses notes verbales des 7 et 23 décembre 2005
constituaient une réponse à la demande d’extradition de la Belgvique; il a
précisé que, en transférant l’affaire à l’Union afrivcaine, pour ne pas créer

une impasse juridique, il s’était conformé à l’esprit du vprincipe aut
dedere aut punire ; et il a enfin pris acte de « l’éventualité d’un recours à
la procédure d’arbitrage prévue à l’article 30 de la convention ». La Bel -
gique a, dans une note verbale du 20 juin 2006, que le Sénégal soutient
n’avoir pas reçue, « constat[é] que la tentative de négociation entamée
avec le Sénégal en novembre 2005 n’a[vait] pas abouti » et a en consé -

quence demandé au Sénégal que le différend soit soumis àv l’arbitrage,
«suivant les modalités à convenir de commun accord », conformément à

16

6 CIJ1033.indb 28 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 434

tion against Torture and taking note of the referral of the “Hissèvne Habré
case” to the African Union, stated that it interpreted the said Convevntion,

and more specifically the obligation aut dedere aut judicare provided for
in Article 7 thereof, “as imposing obligations only on a State, in this case,
in the context of the extradition request of Mr. Hissène Habré, the
Republic of Senegal”. Belgium further asked Senegal to “kindly notvify it
of its final decision to grant or refuse the . . . extradition application” in

respect of Mr. Habré. According to Belgium, Senegal did not reply to this
Note. By Note Verbale of 9 March 2006, Belgium again referred to the
ongoing negotiation procedure provided for in Article 30 and explained
that it interpreted Article 4, Article 5, paragraphs (1) (c) and (2),
Article 7, paragraph (1), Article 8, paragraphs (1), (2) and (4), and
Article 9, paragraph (1), of the Convention as “establishing the obliga -

tion, for a State in whose territory a person alleged to have committed v
any offence referred to in Article 4 of the Convention is found, to extra -
dite him if it does not prosecute him for the offences mentioned in thvat
Article”. Consequently, Belgium asked Senegal to

“be so kind as to inform it as to whether its decision to refer the
Hissène Habré case to the African Union [was] to be interpreted as

meaning that the Senegalese authorities no longer intend[ed] to extra -
dite him to Belgium or to have him judged by their own Courts”.

26. By Note Verbale dated 4 May 2006, having noted the absence of
an official response from the Senegalese authorities to its earlier Notves
and communications, Belgium again made it clear that it interpreted
Article 7 of the Convention against Torture as requiring the State on
whose territory the alleged offender is located to extradite him if it does

not prosecute him, and stated that the “decision to refer the Hissèvne Habré
case to the African Union” could not relieve Senegal of its obligatiovn to
either judge or extradite the person accused of these offences in accovr -
dance with the relevant articles of the Convention. It added that an
unresolved dispute regarding this interpretation would lead to recourse vto

the arbitration procedure provided for in Article 30 of the Convention.
By Note Verbale of 9 May 2006, Senegal explained that its Notes Ver -
bales of 7 and 23 December 2005 constituted a response to Belgium’s
request for extradition. It stated that, by referring the case to the Afvrican
Union, Senegal, in order not to create a legal impasse, was acting in accor -

dance with the spirit of the aut dedere aut punire principle. Finally, it
took note of “the possibility [of] recourse to the arbitration procedvure
provided for in Article 30 of the Convention”. In a Note Verbale of
20 June 2006, which Senegal claims not to have received, Belgium
“not[ed] that the attempted negotiation with Senegal, which started
in November 2005, ha[d] not succeeded” and accordingly asked Senegal

to submit the dispute to arbitration “under conditions to be agreed mvutu -
ally”, in accordance with Article 30 of the Convention. Furthermore,

16

6 CIJ1033.indb 29 28/11/13 12:50 435 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

l’article 30 de la convention. Par ailleurs, aux termes d’un rapport préparév
par l’ambassade de Belgique à Dakar suite à une réunion tenuve le

21 juin 2006 entre le secrétaire général du ministère sénégalavis des affaires
étrangères et l’ambassadeur de Belgique, ce dernier a expressévment invité
le Sénégal à prendre clairement position sur la demande de recovurs à l’ar -
bitrage. Selon le même rapport, les autorités sénégalaises ovnt pris acte de
la demande belge d’arbitrage et l’ambassadeur de Belgique a appelév leur

attention sur le fait que le délai de six mois fixé à l’arvticle 30 (voir para -
graphe 42 ci-après) commençait à courir à compter de cette date.
27. Le Comité des Nations Unies contre la torture a été saisi d’vune
communication présentée par plusieurs personnes, dont M. Souleymane
Guengueng, l’un des ressortissants tchadiens ayant déposé une pvlainte
contre M. Habré, auprès du doyen des juges d’instruction au tribunal

régional hors classe de Dakar, le 25 janvier 2000 (voir paragraphe 17 ci-
dessus). Le Comité a déclaré, dans une décision du 17 mai 2006, que le
Sénégal n’avait pas adopté les « mesures nécessaires » pour établir sa
compétence sur les crimes visés par la convention, en violation duv para -
graphe 2 de l’article 5 de celle-ci. Le Comité a également indiqué que le

Sénégal ne s’était pas acquitté de l’obligation qui luvi incombait, confor -
mément au paragraphe 1 de l’article 7, de soumettre l’affaire concernant
M. Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’vaction pénale
ou, à défaut, dès lors qu’il existait une demande d’extravdition émanant de
la Belgique, de faire droit à cette demande. Le Comité a par aillevurs for -
mulé le souhait de recevoir dans les 90 jours des renseignements « sur les

mesures prises [par le Sénégal] pour donner effet à ses recomvmandation» s.
28. En 2007, le Sénégal a procédé à plusieurs modificationsv législatives
afin de mettre son droit interne en conformité avec le paragraphe 2 de
l’article 5 de la convention contre la torture. Les nouveaux articles 431-1
à 431-5 de son code pénal définissaient et sanctionnaient formellevment le

crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et
d’autres violations du droit international humanitaire. De surcroîvt, en
vertu du nouvel article 431-6 dudit code, tout individu pouvait

«être jugé et condamné en raison d’actes ou d’omissions … qui, vau
moment et au lieu où ils étaient commis, étaient tenus pour unev
infraction pénale d’après les principes généraux de droit reconnus
par l’ensemble des nations, qu’ils aient ou non constitué une tvrans -
gression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu ».

Par ailleurs, l’article 669 du code de procédure pénale sénégalais était
modifié comme suit :

«Tout étranger qui, hors du territoire de la République, s’est vvu
reprocher d’être l’auteur ou le complice d’un des crimes visvés aux
articles 431-1 à 431-5 du code pénal …, peut être poursuivi et jugé
d’après les dispositions des lois sénégalaises ou applicablevs au Séné -
gal s’il se trouve sous la juridiction du Sénégal ou si une vicvtime

réside sur le territoire de la République du Sénégal, ou si le Gouver -
nement obtient son extradition. »

17

6 CIJ1033.indb 30 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 435

according to a report of the Belgian Embassy in Dakar following a meet -
ing held on 21 June 2006 between the Secretary-General of the Senegalese

Ministry of Foreign Affairs and the Belgian Ambassador, the latter
expressly invited Senegal to adopt a clear position on the request to suvb -
mit the matter to arbitration. According to the same report, the Senega -
lese authorities took note of the Belgian request for arbitration and thve
Belgian Ambassador drew their attention to the fact that the six-month

time-limit under Article 30 (see paragraph 42 below) began to run from
that point.
27. The United Nations Committee against Torture considered a com -
munication submitted by several persons, including Mr. Souleymane Gue-n
gueng, one of the Chadian nationals who had filed a complaint against v
Mr. Habré with the senior investigating judge at the Dakar Tribunal

régional hors classe on 25 January 2000 (see paragraph 17 above). In its
decision of 17 May 2006, the Committee found that Senegal had not
adopted such “measures as may be necessary” to establish its jurisvdiction
over the crimes listed in the Convention, in violation of Article 5, para -
graph 2, of the latter. The Committee also stated that Senegal had failed

to perform its obligations under Article 7, paragraph 1, of the Conven -
tion, to submit the case concerning Mr. Habré to its competent authori -
ties for the purpose of prosecution or, in the alternative, since a requvest
for extradition had been made by Belgium, to comply with that request.
Furthermore, the Committee gave Senegal 90 days to provide informa -
tion “on the measures it ha[d] taken to give effect to its recommenvda -

tions”.
28. In 2007, Senegal implemented a number of legislative reforms in
order to bring its domestic law into conformity with Article 5, para -
graph 2, of the Convention against Torture. The new Articles 431-1 to
431-5 of its Penal Code defined and formally proscribed the crime of

genocide, crimes against humanity, war crimes and other violations of
international humanitarian law. In addition, under the terms of the new v
Article 431-6 of the Penal Code, any individual could

“be tried or sentenced for acts or omissions . . ., which at the time
and place where they were committed, were regarded as a criminal
offence according to the general principles of law recognized by the
community of nations, whether or not they constituted a legal trans -
gression in force at that time and in that place”.

Furthermore, Article 669 of the Senegalese Code of Criminal Procedure
was amended to read as follows :

“Any foreigner who, outside the territory of the Republic, has been
accused of being the perpetrator of or accomplice to one of the crimes
referred to in Articles 431-1 to 431-5 of the Penal Code . . . may be
prosecuted and tried according to the provisions of Senegalese laws
or laws applicable in Senegal, if he is under the jurisdiction of Senegavl

or if a victim is resident in the territory of the Republic of Senegal, v
or if the Government obtains his extradition.”

17

6 CIJ1033.indb 31 28/11/13 12:50 436 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

En outre, un nouvel article 664bis était inséré dans le code de procédure
pénale, aux termes duquel « les juridictions nationales sont compétentes

pour tout crime ou délit, puni par la loi sénégalaise, commis hvors du ter-
ritoire de la République par un national ou un étranger, lorsque la vic -
time est de nationalité sénégalaise au moment des faits ».

Le Sénégal a informé la Belgique de ces modifications législatives par

notes verbales en date des 20 et 21 février 2007. Dans sa note verbale du
20 février, le Sénégal a également rappelé que, lors de sa hvuitième session
ordinaire tenue les 29 et 30 janvier 2007, la conférence de l’Union afri -
caine avait

«lanc[é] un appel aux Etats membres [de l’Union], aux partenaires
internationaux et à l’ensemble de la [c]ommunauté internationalve
pour la mobilisation de toutes les ressources, en particulier les res -
sources financières, nécessaires à la préparation et au bovn déroule -

ment [du] procès [de M. Habré» ] (doc. Assembly/AU/DEC.157 (VIII)).
29. Dans sa note verbale du 21 février, le Sénégal a affirmé que

«le principe de non-rétroactivité, bien que reconnu par la légisvlation
sénégalaise, … ne fai[sait] pas obstacle au jugement ou à la condam -

nation de tout individu en raison d’actes ou d’omissions qui, au
moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels dv’après
les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des Etavts».

Après avoir indiqué qu’il avait constitué « un groupe de travail chargé de
faire les propositions nécessaires pour déterminer les modalitévs et procé -
dures aptes à faire poursuivre et juger, au nom de l’Afrique, l’vancien
président du Tchad, avec les garanties d’un procès juste et évquitable »,
le Sénégal a souligné que ledit procès « exig[eait] des moyens [financiers]

importants qu[’il] ne [pouvait] mobiliser sans le concours de la [c]ovmmu -
nauté internationale ».
30. Par note verbale datée du 8 mai 2007, la Belgique a rappelé qu’elle
avait fait part au Sénégal, dans une note verbale du 20 juin 2006, «de son
souhait de constituer un tribunal arbitral pour résoudre [le] différend à

défaut d’avoir pu trouver une solution par la voie de la négocivation,
comme le prévoit l’article 30 de la convention [contre la torture] »; elle a
constaté qu’«aucune réponse [n’avait] été apportée par la Républiquve du
Sénégal [à sa] proposition d’arbitrage » et réservé ses droits sur la base de
l’article 30 susmentionné ; elle a pris acte des nouvelles dispositions légis -

latives sénégalaises et s’est enquise de savoir si celles-ci pevrmettraient la
poursuite de M. Habré au Sénégal et, le cas échéant, dans quels délaisv ;
enfin, la Belgique a soumis au Sénégal une offre de coopéravtion judiciaire
prévoyant que, sur la base d’une commission rogatoire émanant dves auto -
rités sénégalaises compétentes, une copie du dossier d’invstruction belge à
charge de M. Habré serait transmise au Sénégal par la Belgique. Par note

verbale du 5 octobre 2007, le Sénégal a informé la Belgique de sa déci-
sion d’organiser le procès de M. Habré et l’a invitée à une réunion des

18

6 CIJ1033.indb 32 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 436

A new Article 664bis was also incorporated into the Code of Criminal
Procedure, according to which “[t]he national courts shall have jurisvdic -

tion over all criminal offences, punishable under Senegalese law, thatv
are committed outside the territory of the Republic by a national or a
foreigner, if the victim is of Senegalese nationality at the time the acvts
are committed”.
Senegal informed Belgium of these legislative reforms by Notes Ver -

bales dated 20 and 21 February 2007. In its Note Verbale of 20 February,
Senegal also recalled that the Assembly of the African Union, during itsv
eighth ordinary session held on 29 and 30 January 2007, had

“[a]ppeal[ed] to Member States [of the Union], . . . international
partners and the entire international community to mobilize all the
resources, especially financial resources, required for the preparation
and smooth conduct of the trial [of Mr. Habré]” (doc. Assembly/AU/

DEC.157 (VIII)).
29. In its Note Verbale of 21 February, Senegal stated that

“the principle of non-retroactivity, although recognized by Senegalese
law[,] does not block the judgment or sentencing of any individual for

acts or omissions which, at the time they were committed, were con -
sidered criminal under the general principles of law recognized by all
States”.

After having indicated that it had established “a working group charged
with producing the proposals necessary to define the conditions and pro -
cedures suitable for prosecuting and judging the former President of
Chad, on behalf of Africa, with the guarantees of a just and fair trial”v,
Senegal stated that the said trial “require[d] substantial funds which

Senegal cannot mobilize without the assistance of the [i]nternational
community”.
30. By Note Verbale dated 8 May 2007, Belgium recalled that it had
informed Senegal, in a Note Verbale of 20 June 2006, “of its wish to con -
stitute an arbitral tribunal to resolve th[e] difference of opinion in the

absence of finding a solution by means of negotiation as stipulated byv
Article 30 of the Convention [against Torture]”. It noted that “it ha[d]
received no response from the Republic of Senegal [to its] proposal of
arbitration” and reserved its rights on the basis of the above-mentioned
Article 30. It took note of Senegal’s new legislative provisions and

enquired whether those provisions would allow Mr. Habré to be tried in
Senegal and, if so, within what time frame. Finally, Belgium made Sen-
egal an offer of judicial co-operation, which envisaged that, in response
to a letter rogatory from the competent Senegalese authorities, Belgium
would transmit to Senegal a copy of the Belgian investigation file against
Mr. Habré. By Note Verbale of 5 October 2007, Senegal informed

Belgium of its decision to organize the trial of Mr. Habré and invited Bel-
gium to a meeting of potential donors, with a view to financing that tvrial.

18

6 CIJ1033.indb 33 28/11/13 12:50 437 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

donateurs potentiels aux fins du financement dudit procès. La Belvgique a
réitéré son offre de coopération judicaire par des notes vverbales datées

des 2 décembre 2008, 23 juin 2009, 14 octobre 2009, 23 février 2010,
28 juin 2010, 5 septembre 2011 et 17 janvier 2012. Par ses notes verbales
des 29 juillet 2009, 14 septembre 2009, 30 avril 2010 et 15 juin 2010,
le Sénégal a accueilli favorablement la proposition d’entraide judviciaire,
indiqué qu’il avait désigné des juges d’instruction et s’vest déclaré disposé

à donner suite à cette proposition dès qu’aurait eu lieu la vprochaine table
ronde des donateurs. Aucune demande de commission rogatoire émanant
des autorités judiciaires sénégalaises n’a été reçuve à cette fin par les auto -
rités belges.
31. En 2008, le Sénégal a modifié l’article 9 de sa Constitution afin de
prévoir une exception au principe de la non-rétroactivité de sav loi pénale:

bien que l’alinéa 2 dudit article prévoie que « [n]ul ne peut être condamné
si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant l’actve commis », son
alinéa 3 stipule que

«[t]outefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne s’vopposent pas à la
poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en raisovn
d’actes ou omissions qui, au moment où ils étaient commis, évtaient
tenus pour criminels d’après les règles du droit international vrelatives

aux faits de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerv» re.
32. A la suite des réformes législatives et constitutionnelles susmen -

tionnées (voir paragraphes 28 et 31 ci-dessus), quatorze victimes (une de
nationalité sénégalaise et treize de nationalité tchadienne) ont déposé
plainte, en septembre 2008, auprès du procureur général près la cour
d’appel de Dakar, accusant M. Habré d’actes de torture et de crimes
contre l’humanité commis au cours de sa présidence.
33. Le 19 février 2009, la Belgique a déposé au Greffe la requête intro -

duisant la présente instance devant la Cour (voir paragraphe 1 ci-dessus).
Le 8 avril 2009, le Sénégal, au cours des audiences relatives à la demandev
en indication de mesures conservatoires présentée par la Belgique ven la
présente affaire (voir paragraphes 3 et 5 ci-dessus), a solennellement
déclaré devant la Cour qu’il ne laisserait pas M. Habré quitter son terri -

toire aussi longtemps que l’affaire serait pendante (voir C.I.J. Recueil 2009,
p. 154, par. 68). Au cours de ces mêmes audiences, il a affirmé que « [l]e
seul obstacle … à l’ouverture du procès de M. Hissène Habré au Sénégal
[était] d’ordre financier » et que son pays « a[vait] accepté de juger
M. Habré non sans dire devant l’Union africaine, dès le départ,v qu’il ne

pouvait pas, à lui tout seul, supporter le coût du procès ». Le budget dudit
procès a été adopté lors d’une table ronde des donateurs tenue à Dakar
en novembre 2010, réunissant le Sénégal, la Belgique et plusieurs autres
Etats, ainsi que l’Union africaine, l’Union européenne, le Haut Commis -
sariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le bureau des Natiovns
Unies pour les services d’appui aux projets : il s’élève à 8,6 millions

d’euros, montant auquel la Belgique a accepté de contribuer à hvauteur
de 1 million d’euros.

19

6 CIJ1033.indb 34 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 437

Belgium reiterated its offer of judicial co-operation by Notes Verbales of
2 December 2008, 23 June 2009, 14 October 2009, 23 February 2010,

28 June 2010, 5 September 2011 and 17 January 2012. By Notes Verbales
of 29 July 2009, 14 September 2009, 30 April 2010 and 15 June 2010,
Senegal welcomed the proposal of judicial co-operation, stated that it
had appointed investigating judges and expressed its willingness to accept
the offer as soon as the forthcoming Donors’ Round Table had taken v

place. The Belgian authorities received no letter rogatory to that end fvrom
the Senegalese judicial authorities.

31. In 2008, Senegal amended Article 9 of its Constitution in order to
provide for an exception to the principle of non-retroactivity of its criminal

laws: although the second subparagraph of that Article provides that “[n]o
one may be convicted other than by virtue of a law which became effectvive
before the act was committed”, the third subparagraph stipulates that

“[h]owever, the provisions of the preceding subparagraph shall not
prejudice the prosecution, trial and punishment of any person for any
act or omission which, at the time when it was committed, was defined v
as criminal under the rules of international law concerning acts of

genocide, crimes against humanity and war crimes”.
32. Following the above-mentioned legislative and constitutional

reforms (see paragraphs 28 and 31 above), 14 victims (one of Senegalese
nationality and 13 of Chadian nationality) filed a complaint with thev pub -
lic prosecutor of the Dakar Court of Appeal in September 2008, accusing
Mr. Habré of acts of torture and crimes against humanity during the
years of his presidency.
33. On 19 February 2009, Belgium filed in the Registry the Application

instituting the present proceedings before the Court (see paragraph 1
above). On 8 April 2009, during the hearings relating to the request for
the indication of provisional measures submitted by Belgium in the pres -
ent case (see paragraphs 3 and 5 above), Senegal solemnly declared before
the Court that it would not allow Mr. Habré to leave its territory while

the case was pending (see I.C.J. Reports 2009, p. 154, para. 68). During
the same hearings, it asserted that “[t]he only impediment . . . to the open -
ing of Mr. Hissène Habré’s trial in Senegal [was] a financial one” anvd that
Senegal “agreed to try Mr. Habré but at the very outset told the African
Union that it would be unable to bear the costs of the trial by itself”v. The

budget for the said trial was adopted during a Donors Round Table held
in Dakar in November 2010, involving Senegal, Belgium and a number of
other States, as well as the African Union, the European Union, the
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights and
the United Nations Office for Project Services : it totals €8.6 million, a
sum to which Belgium agreed to contribute a maximum of €1 million.

19

6 CIJ1033.indb 35 28/11/13 12:50 438 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

34. Par arrêt du 15 décembre 2009, la Cour africaine des droits de

l’homme et des peuples s’est déclarée incompétente pour cvonnaître d’une
requête déposée le 11 août 2008 contre la République du Sénégal aux fins du
retrait de la procédure alors diligentée par cet Etat en vue d’vinculper, juger
et condamner M. Habré. La Cour a fondé sa décision sur l’absence de déclav -
ration sénégalaise acceptant sa compétence pour recevoir de telvles requêtes,

conformément au paragraphe 6 de l’article 34 du protocole relatif à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création
d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour avfricaine
des droits de l’homme et des peuples, affaire Michelot Yogogombaye c. Répu -
o
blique du Sénégal, requête n 001/2008, arrêt du 15 décembre 2009).
35. Par arrêt du 18 novembre 2010, la Cour de justice de la Commu -
nauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (ci-aprèvs la «Cour de
justice de la CEDEAO ») s’est prononcée sur une requête déposée le
6 octobre 2008, par laquelle M. Habré lui demandait de constater que ses

droits de l’homme seraient violés par le Sénégal si des pourvsuites étaient
engagées contre lui. Après avoir notamment constaté l’existevnce d’indices
concordants d’atteinte potentielle aux droits de l’homme de M. Habré sur
la base des réformes constitutionnelles et législatives sénévgalaises, cette
Cour a dit que le Sénégal devait se conformer au respect des dévcisions

rendues par ses juridictions nationales, notamment au respect de l’auvto -
rité de la chose jugée, et elle lui a ordonné, en conséquencve, le respect
du principe absolu de non-rétroactivité. Elle a par ailleurs conclu qvue
le mandat reçu de l’Union africaine conférait au Sénégal pluvtôt un meission

de conception et de suggestion de toutes modalités propres à poursvuivre
et à faire juger M. Habré dans le cadre strict d’une procédure spéciale ad
hoc à caractère international (Cour de justice de la CEDEAO, affaivre
Hissein Habré c. République du Sénégal, arrêt n oECW/CCJ/JUD/06/10
du 18 novembre 2010).

36. A la suite de l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO susmen -
tionné, la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’vUnion afr-i
caine a, en janvier 2011,

«[d]emandé à la Commission d’entreprendre des consultations avecv
le Gouvernement du Sénégal afin de finaliser les modalités vpour l’or -
ganisation rapide du procès de Hissène Habré par un tribunal spvécial

à caractère international, conformément à la décision de vla Cour de
justice de la CEDEAO sur la question ».

Lors de sa dix-septième session, tenue en juillet 2011, la conférence a
«confirm[é] le mandat confié au Sénégal de juger Hissèvne Habré au nom
de l’Afrique» et lui a

«demand[é] instamment … d’assumer sa responsabilité juridique
conformément à la convention des Nations Unies contre la torture, và
la décision du Comité des Nations Unies contre la torture ainsi
qu’audit mandat visant à juger rapidement M. Hissène Habré ou à

l’extrader vers tout autre pays susceptible de le juger ».

20

6 CIJ1033.indb 36 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 438

34. By judgment of 15 December 2009, the African Court on Human
and Peoples’ Rights ruled that it had no jurisdiction to hear an applvication

filed on 11 August 2008 against the Republic of Senegal, aimed at the with -
drawal of the ongoing proceedings instituted by that State, with a view vto
charge, try and sentence Mr. Habré. The court based its decision on the
fact that Senegal had not made a declaration accepting its jurisdiction vto
entertain such applications, under Article 34, paragraph 6, of the Protocol

to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the establishment
of an African Court on Human and Peoples’ Rights (African Court on
Human and Peoples’ Rights, Michelot Yogogombaye v. Republic of Sen-
egal, application No. 001/2008, judgment of 15 December 2009).
35. In a judgment of 18 November 2010, the Court of Justice of the

Economic Community of West African States (hereinafter the “ECOWAS
Court of Justice”) ruled on an application filed on 6 October 2008, in
which Mr. Habré requested the court to find that his human rights would
be violated by Senegal if proceedings were instituted against him. Having
observed inter alia that evidence existed pointing to potential violations

of Mr. Habré’s human rights as a result of Senegal’s constitutional anvd
legislative reforms, that Court held that Senegal should respect the rulv -
ings handed down by its national courts and, in particular, abide by thev
principle of res judicata, and ordered it accordingly to comply with the
absolute principle of non-retroactivity. It further found that the mandate

which Senegal received from the African Union was in fact to devise and
propose all the necessary arrangements for the prosecution and trial of v
Mr. Habré to take place, within the strict framework of special ad hoc
international proceedings (ECOWAS Court of Justice, Hissein Habré v.
Republic of Senegal, judgment No. ECW/CCJ/JUD/06/10 of 18 Novem -

ber 2010).

36. Following the delivery of the above-mentioned judgment by the
ECOWAS Court of Justice, in January 2011 the Assembly of African
Union Heads of State and Government

“request[ed] the Commission to undertake consultations with the
Government of Senegal in order to finalize the modalities for the

expeditious trial of Hissène Habré through a special tribunal with an
international character consistent with the ECOWAS Court of Justice
Decision”.

At its seventeenth session, held in July 2011, the Assembly “confirm[ed]
the mandate given to Senegal to try Hissène Habré on behalf of Africa”
and

“urge[d] [the latter] to carry out its legal responsibility in accordvance
with the United Nations Convention against Torture[,] the decision
of the United Nations . . . Committee against Torture[,] as well as the

said mandate to put Hissène Habré on trial expeditiously or extradvite
him to any other country willing to put him on trial”.

20

6 CIJ1033.indb 37 28/11/13 12:50 439 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

37. Par note verbale du 15 mars 2011, la Belgique a transmis aux auto -

rités sénégalaises une deuxième demande d’extradition de vM. Habré. Le
18 août 2011, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar a
déclaré irrecevable cette deuxième demande d’extradition, auv motif qu’elle
n’était pas accompagnée des documents requis par la loi sénégalaise
no 71-77 du 28 décembre 1971 (ci-après la « loi sénégalaise sur l’extradi -

tion»), notamment de pièces attestant l’existence de procédures pénales
dont M. Habré serait l’objet en Belgique et indiquant le fondement juri -
dique de celles-ci, comme l’exige l’article 9 de la loi sur l’extradition, ainsi
que « d’un procès-verbal d’interrogatoire de la personne dont l’exvtradi -
tion est demandée en application de l’article 13 de [la même loi] ». La

chambre d’accusation faisait en outre observer que la Belgique avait v
introduit une instance contre le Sénégal devant la Cour internationale de
Justice; elle en concluait que

«ce litige [était] encore pendant devant ladite juridiction, qui seulev
[pouvait] trancher la question de l’interprétation controverséev entre les
deux Etats de l’étendue et de la portée de l’obligation aut dedere aut
judicare résultant de l’article 4 de la convention [contre la torture]».

38. Par note verbale du 5 septembre 2011, la Belgique a transmis au Séné -
gal une troisième demande d’extradition de M. Habré. Le 10 janvier 2012, la

chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar a déclaré qvue cette
demande d’extradition était irrecevable, au motif que la copie du vmandat
d’arrêt international versée au dossier n’était pas authevntique, comme l’exige
l’article 9 de la loi sénégalaise sur l’extradition. Elle faisait en outrve valoir que
«le [p]rocès-verbal d’arrestation et de mise sous écrou et d’vinterrogatoire de

la personne dont l’extradition [était] demandée conformémentv à l’article 13
de la loi [sénégalaise sur l’extradition] n’[était] pas jvoint à la procédr.e
39. Les 12 janvier et 24 novembre 2011, le rapporteur du Comité contre
la torture chargé du suivi des communications, se référant àv la décision
rendue par ledit comité le 17 mai 2006 (voir paragraphe 27 ci-dessus), a

rappelé au Sénégal son obligation de soumettre l’affaire cvoncernant
M. Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’vaction pénale,
s’il ne l’extradait pas.
40. Par note verbale du 17 janvier 2012, la Belgique a adressé au Sénégal
une quatrième demande d’extradition de M. Habré, sous le couvert de l’am -

bassade du Sénégal à Bruxelles. Le 23 janvier 2012, l’ambassade a accusé
réception de ladite note ainsi que ses annexes ; elle a en outre précisé que
l’ensemble de ces documents avaient été transmis aux autoritévs compétentes
au Sénégal. Par lettre en date du 14 mai 2012, le ministère sénégalais de la
justice a informé le ministère sénégalais des affaires évtrangères que la demande

d’extradition avait été transmise en son temps au procureur gévnéral près
la cour d’appel de Dakar, « en l’état, avec instruction de saisir la chambre
d’accusation, après accomplissement des formalités légales rvequis»e.s
41. A sa dix-huitième session, tenue en janvier 2012, la conférence des
chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine a fait observer que

la cour d’appel de Dakar ne s’était pas encore prononcée surv la quatrième

21

6 CIJ1033.indb 38 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 439

37. By Note Verbale of 15 March 2011, Belgium transmitted to the
Senegalese authorities a second request for the extradition of Mr. Habré.

On 18 August 2011, the Chambre d’accusation of the Dakar Court of
Appeal declared this second request for extradition inadmissible becausev
it was not accompanied by the documents required under Senegalese law
No. 71-77 of 28 December 1971 (hereinafter the “Senegalese Law on
Extradition”), in particular documents disclosing the existence of criminal

proceedings alleged to have been instituted against Mr. Habré in Belgium
and the legal basis of those proceedings, as required by Article 9 of the
Law on Extradition, and “any record of the interrogation of the indivvid -
ual whose extradition is requested, as required by . . . Article 13 of the
[same] Law”. The Chambre d’accusation further observed that Belgium
had instituted proceedings against Senegal before the International Courvt

of Justice; it therefore concluded that
“th[e] dispute [was] still pending before the said Court, which ha[d]

sole competence to settle the question of the disputed interpretation
by the two States of the extent and scope of the obligation aut dedere
aut judicare under Article 4 of the . . . Convention [against Torture]”.

38. By Note Verbale of 5 September 2011, Belgium transmitted to
Senegal a third request for the extradition of Mr. Habré. On 10 January
2012, the Chambre d’accusation of the Dakar Court of Appeal declared
this request for extradition inadmissible on the grounds that the copy ovf

the international arrest warrant placed on the file was not authentic,v as
required by Article 9 of the Senegalese Law on Extradition. Furthermore,
it stated that “the report on the arrest, detention and questioning of the
individual whose extradition [wa]s requested [wa]s not appended to the
case file as required by Article 13 of the above-mentioned Law”.
39. On 12 January and 24 November 2011, the Rapporteur of the

Committee against Torture on follow-up to communications reminded
Senegal, with respect to the Committee’s decision rendered on
17 May 2006 (see paragraph 27 above), of its obligation to submit
the case of Mr. Habré to its competent authorities for the purpose of
prosecution, if it did not extradite him.

40. By Note Verbale of 17 January 2012, Belgium addressed to Senegal,
through the Embassy of Senegal in Brussels, a fourth request for the extvra -
dition of Mr. Habré. On 23 January 2012, the Embassy acknowledged
receipt of the said Note and its annexes. It further stated that all thovse
documents had been transmitted to the competent authorities in Senegal.

By letter dated 14 May 2012, the Senegalese Ministry of Justice informed
the Ministry of Foreign Affairs of Senegal that the extradition requesvt had
been transmitted in due course “as is, to the public prosecutor at thve
Dakar Court of Appeal, with the instruction to bring it before the Cham -
bre d’accusation once the necessary legal formalities had been completed”.
41. At its eighteenth session, held in January 2012, the Assembly of the

Heads of State and Government of the African Union observed that the
Dakar Court of Appeal had not yet taken a decision on Belgium’s fourtvh

21

6 CIJ1033.indb 39 28/11/13 12:50 440 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

demande d’extradition belge ; elle a noté que le Rwanda était prêt à orga -
niser le procès de M. Habré et

«demandé à la Commission [de l’Union africaine] de poursuivre levs
consultations avec les pays et institutions partenaires, et la Répu -

blique du Sénégal, ainsi qu’avec la République du Rwanda, en vue
d’assurer l’organisation rapide du procès de Hissène Habrév, et d’exa -
miner les modalités pratiques ainsi que les implications juridiques et
financières du procès ».

II. Compétence de la Cour

42. Pour fonder la compétence de la Cour, la Belgique invoque le para -
graphe 1 de l’article 30 de la convention contre la torture, ainsi que les
déclarations faites par les Parties en vertu du paragraphe 2 de l’article 36

du Statut. Le paragraphe 1 de l’article 30 de la convention est ainsi libellé:
«Tout différend entre deux ou plus des Etats parties concernant

l’interprétation ou l’application de la présente convention vqui ne
peut être réglé par voie de négociation est soumis à l’varbitrage à la
demande de l’un d’entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la vdate
de la demande d’arbitrage, les parties ne parviennent pas à se metvtre
d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconquev d’entre

elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Juvstice
en déposant une requête conformément au Statut de la Cour. »

La déclaration de la Belgique en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du
Statut de la Cour a été faite le 17 juin 1958 ; dans sa partie pertinente, elle
se lit comme suit :
«[La Belgique] reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans

convention spéciale vis-à-vis de tout autre Etat acceptant la même
obligation la juridiction de la Cour internationale de Justice, confor -
mément à l’article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour, sur tous
les différends d’ordre juridique nés après le 13 juillet 1948 au sujet de
situations ou de faits postérieurs à cette date, sauf le cas oùv les par -

ties auraient convenu ou conviendraient d’avoir recours à un autrev
mode de règlement pacifique. »
La déclaration du Sénégal a été faite le 2 décembre 1985 et, dans sa partie
pertinente, est ainsi libellée :

«[Le Sénégal] accepte sous condition de réciprocité, comme obvli -
gatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égarvd de tout
autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour suvr

tous les différends d’ordre juridique nés postérieurement và la pré -
sente déclaration ayant pour objet :

— l’interprétation d’un traité ;
— tout point de droit international ;

22

6 CIJ1033.indb 40 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 440

request for extradition. It noted that Rwanda was prepared to organize
Mr. Habré’s trial and

“request[ed] the Commission [of the African Union] to continue con-
sultations with partner countries and institutions and the Republic of

Senegal[,] and subsequently with the Republic of Rwanda[,] with a
view to ensuring the expeditious trial of Hissène Habré and to conv -
sider the practical modalities as well as the legal and financial implvi-
cations of the trial”.

II. Jurisdiction of the Couvrt

42. To found the jurisdiction of the Court, Belgium relies on Article 30,
paragraph 1, of the Convention against Torture and on the declarations
made by the Parties under Article 36, paragraph 2, of the Court’s Statute.

Article 30, paragraph 1, of the Convention reads as follows :
“Any dispute between two or more States Parties concerning the

interpretation or application of this Convention which cannot be
settled through negotiation shall, at the request of one of them, be
submitted to arbitration. If within six months from the date of the
request for arbitration the Parties are unable to agree on the organi -
zation of the arbitration, any one of those Parties may refer the dis -

pute to the International Court of Justice by request in conformity
with the Statute of the Court.”

Belgium’s declaration under Article 36, paragraph 2, of the Court’s
Statute was made on 17 June 1958, and reads in the relevant part as fol -
lows :
“[Belgium] recognize[s] as compulsory ipso facto and without spe -

cial agreement, in relation to any other State accepting the same obli-
gation, the jurisdiction of the International Court of Justice, in
conformity with Article 36, paragraph 2, of the Statute of the Court,
in legal disputes arising after 13 July 1948 concerning situations or
facts subsequent to that date, except those in regard to which the

parties have agreed or may agree to have recourse to another method
of pacific settlement.”
Senegal’s declaration was made on 2 December 1985, and reads in the
relevant part as follows :

“[Senegal] accepts on condition of reciprocity as compulsory ipso
facto and without special convention, in relation to any other State
accepting the same obligation, the jurisdiction of the Court over all

legal disputes arising after the present declaration, concerning :

— the interpretation of a treaty ;
— any question of international law ;

22

6 CIJ1033.indb 41 28/11/13 12:50 441 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

— la réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituevrait la viola-
tion d’un engagement international ;

— la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture
d’un engagement international.

Cette présente déclaration est faite sous condition de réciprocvité de
la part de tous les Etats. Cependant, le Sénégal peut renoncer àv la
compétence de la Cour au sujet :

— des différends pour lesquels les parties seraient convenues
d’avoir recours à un autre mode de règlement ;
— des différends relatifs à des questions qui, d’après le drvoit inter -

national, relèvent de la compétence exclusive du Sénégal.»
43. Le Sénégal conteste que la Cour ait compétence sur l’un ou lv’autre

de ces fondements, affirmant qu’il n’a pas été satisfait auvx conditions
énoncées dans lesdits instruments et, en premier lieu, qu’il n’vexiste pas de
différend entre les Parties.

A. L’existence d’un différend

44. Dans les demandes qu’elle a formulées dans sa requête, la Belgivque
prie la Cour de dire et juger que

«— la République du Sénégal est obligée de poursuivre pénalev -
ment M. H. Habré pour des faits qualifiés notamment de
crimes de torture et de crimes contre l’humanité qui lui sont
imputés en tant qu’auteur, coauteur ou complice ;
— à défaut de poursuivre M. H. Habré, la République du Séné -

gal est obligée de l’extrader vers le Royaume de Belgique pour
qu’il réponde de ces crimes devant la justice belge ».

Dans ses conclusions finales, la Belgique prie la Cour de dire et jugevr que
le Sénégal a manqué aux obligations que lui impose l’articlev 5, para -
graphe 2, de la convention contre la torture, et que, en s’abstenant de
prendre des mesures relativement aux crimes reprochés à M. Habré, il a
manqué et continue de manquer aux obligations que lui imposent l’ar -

ticle 6, paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 1, de ce même instrument,
ainsi que certaines autres règles de droit international.
Le Sénégal soutient qu’il n’existe aucun différend entrve les Parties
concernant l’interprétation ou l’application de la convention contre la
torture ou toute autre règle pertinente de droit international et quev, par -

tant, la Cour n’a pas compétence en la présente espèce.
45. La Cour relève que les Parties ont ainsi exposé des vues radicale -
ment opposées quant à la question de savoir si un différend evxiste entre
elles et, si tel est le cas, quel en est l’objet. Etant donné que vl’existence
d’un différend est une condition énoncée dans les deux basves de compé -

tence que la Belgique a invoquées, la Cour commencera par examiner
cette question.

23

6 CIJ1033.indb 42 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 441

— the existence of any fact which, if established, would constitute
a breach of an international obligation ;

— the nature or extent of the reparation to be made for the breach
of international obligation.

This declaration is made on condition of reciprocity on the part of
all States. However, Senegal may reject the Court’s competence in
respect of :

— disputes in regard to which the parties have agreed to have
recourse to some other method of settlement ;
— disputes with regard to questions which, under international

law, fall exclusively within the jurisdiction of Senegal.”
43. Senegal contests the existence of the Court’s jurisdiction on either v

basis, maintaining that the conditions set forth in the relevant instru -
ments have not been met and, in the first place, that there is no dispvute
between the Parties.

A. The Existence of a Dispute

44. In the claims included in its Application, Belgium requested the
Court to adjudge and declare that

“— the Republic of Senegal is obliged to bring criminal proceed -
ings against Mr. H. Habré for acts including crimes of torture
and crimes against humanity which are alleged against him as
perpetrator, co-perpetrator or accomplice ;
— failing the prosecution of Mr. H. Habré, the Republic of Sen -

egal is obliged to extradite him to the Kingdom of Belgium so
that he can answer for these crimes before the Belgian courts”.

According to Belgium’s final submissions, the Court is requested tov find
that Senegal breached its obligations under Article 5, paragraph 2, of the
Convention against Torture, and that, by failing to take action in relatvion
to Mr. Habré’s alleged crimes, Senegal has breached and continues to
breach its obligations under Article 6, paragraph 2, and Article 7, para -

graph 1, of that instrument and under certain other rules of international
law.
Senegal submits that there is no dispute between the Parties with regardv
to the interpretation or application of the Convention against Torture or
any other relevant rule of international law and that, as a consequence,v

the Court lacks jurisdiction.
45. The Court observes that the Parties have thus presented radically
divergent views about the existence of a dispute between them and, if any
dispute exists, its subject-matter. Given that the existence of a dispute is a
condition of its jurisdiction under both bases of jurisdiction invoked bvy

Belgium, the Court will first examine this issue.

23

6 CIJ1033.indb 43 28/11/13 12:50 442 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

46. La Cour rappelle que, pour établir l’existence d’un différvend, « [i]l

faut démontrer que la réclamation de l’une des parties se heurtve à l’opposi -
tion manifeste de l’autre» (Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud;
Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962,
p. 328). Ainsi qu’elle a eu l’occasion de le préciser, «[l]’existence d’un diffé-
rend international demande à être établie objectivement » (Interprétation

des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumani▯ e, pre -
mière phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74) et « [l]a Cour, pour
se prononcer, doit s’attacher aux faits. Il s’agit d’une questivon de fond, et
non de forme.» (Application de la convention internationale sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Rus -

sie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30.)
La Cour a également relevé que, «[e]n principe, le différend doit exister au
moment où la requête [lui] est soumise» (ibid., par. 30).
47. Aux termes de la première demande formulée en 2010 dans les
conclusions de son mémoire, puis en 2012 dans ses conclusions finales, la

Belgique prie la Cour de dire que le Sénégal a violé le paragravphe 2 de
l’article 5 de la convention contre la torture, qui impose à tout Etat partie
de « prend[re] les mesures nécessaires pour établir sa compétence » aux
fins de connaître d’actes de torture dans le cas où l’autevur présumé de
ceux-ci « se trouve sur tout territoire sous sa juridiction » et où il ne l’ex -

trade pas vers l’un des Etats visés au paragraphe 1 du même article. La
Belgique fait valoir que le Sénégal n’a pas adopté « en temps opportun »
la législation nationale nécessaire pour permettre à ses autorivtés judi -
ciaires d’exercer leur compétence à l’égard d’actes dev torture qui auraient
été commis à l’étranger par un ressortissant étranger vse trouvant sur le

territoire sénégalais. Le Sénégal ne conteste pas n’avoirv satisfait qu’en
2007 à l’obligation que lui impose le paragraphe 2 de l’article 5. Il sou -
tient toutefois qu’il l’a fait de manière appropriée en adopvtant la
loi no 2007-05 portant modification de l’article 669 de son code de procé -
dure pénale, et ce, en vue d’étendre la compétence des juridvictions séné-

galaises à certaines infractions, notamment la torture, qui auraient été
commises hors du territoire sénégalais par un ressortissant étrvanger,
quelle que soit la nationalité de la victime (voir paragraphe 28 ci-dessus).
Le Sénégal précise également que l’article 9 de sa Constitution a été
modifié en 2008 de sorte que le principe de non-rétroactivité en matière

pénale n’empêche pas que des poursuites soient engagées à l’encovntre d’un
individu à raison de faits de génocide, de crimes contre l’humavnité ou de
crimes de guerre qui, au moment où ils ont été commis, constituvaient des
crimes au regard du droit international (voir paragraphe 31 ci-dessus).
La Belgique convient que le Sénégal s’est finalement conformév à l’obli -

gation que lui impose le paragraphe 2 de l’article 5, mais soutient que le
fait qu’il ne l’ait pas fait en temps opportun a eu des conséquvences néga -
tives sur l’exécution d’autres obligations énoncées dans vla convention.

48. La Cour considère que, au moment du dépôt de la requête, il vavait

été mis fin à tout différend ayant pu exister entre les vParties au sujet de

24

6 CIJ1033.indb 44 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 442

46. The Court recalls that, in order to establish whether a dispute exists,
“[i]t must be shown that the claim of one party is positively opposedv by the

other” (South West Africa (Ethiopia v. South Africa ; Liberia v. South
Africa), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 328).
The Court has previously stated that “[w]hether there exists an intervna -
tional dispute is a matter for objective determination” (Interpretation of
Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase, Advisory▯

Opinion, I.C.J. Reports 1950, p. 74) and that “[t]he Court’s determination
must turn on an examination of the facts. The matter is one of substancev,
not of form.” (Application of the International Convention on the Elimina -
tion of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation),
Preliminary Objections,Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 84, para. 30.)
The Court has also noted that the “dispute must in principle exist atv the

time the Application is submitted to the Court” (ibid., p. 85, para. 30).
47. The first request made in 2010 by Belgium in the submissions con -
tained in its Memorial and then in 2012 in its final submissions, is that the
Court should declare that Senegal breached Article 5, paragraph 2, of the
Convention against Torture, which requires a State party to the Conven -

tion to “take such measures as may be necessary to establish its jurisdic -
tion” over acts of torture when the alleged offender is “presentv in any
territory under its jurisdiction” and that State does not extradite hvim to
one of the States referred to in paragraph 1 of the same article. Belgium
argues that Senegal did not enact “in a timely manner” provisions of

national legislation allowing its judicial authorities to exercise jurisdiction
over acts of torture allegedly committed abroad by a foreign national
who is present on its territory. Senegal does not contest that it complived
only in 2007 with its obligation under Article 5, paragraph 2, but main -
tains that it has done so adequately by adopting law No. 2007-05, which
amended Article 669 of its Code of Criminal Procedure in order to extend

the jurisdiction of Senegalese courts over certain offences, includingv tor -
ture, allegedly committed by a foreign national outside Senegal’s tervri -
tory, irrespective of the nationality of the victim (see paragraph 28 above).

Senegal also points out that Article 9 of its Constitution was amended
in 2008 so that the principle of non-retroactivity in criminal matters
would not prevent the prosecution of an individual for genocide, crimes v
against humanity or war crimes if the acts in question were crimes underv
international law at the time when they were committed (see paragraph 31

above).
Belgium acknowledges that Senegal has finally complied with its obli -
gation under Article 5, paragraph 2, but contends that the fact that
Senegal did not comply with its obligation in a timely manner produced
negative consequences concerning the implementation of some other obli -
gations under the Convention.

48. The Court finds that any dispute that may have existed between the
Parties with regard to the interpretation or application of Article 5, para -

24

6 CIJ1033.indb 45 28/11/13 12:50 443 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

l’interprétation ou de l’application du paragraphe 2 de l’article 5 de la
convention. Dès lors, la Cour n’a pas compétence pour statuer svur la

demande de la Belgique relative à l’obligation découlant du parvagraphe 2
de l’article 5. Cela ne fait toutefois pas obstacle à ce que la Cour examine
les conséquences que le comportement du Sénégal relativement auvx mesures
prescrites par cette disposition a pu avoir sur le respect de certaines vautres
obligations découlant de la convention, si elle a compétence à vcet égard.

49. La Belgique affirme par ailleurs que le Sénégal a manqué aux obli -
gations qui lui incombent aux termes du paragraphe 2 de l’article 6 et du
paragraphe 1 de l’article 7 de la convention contre la torture. Ces disposi -
tions imposent respectivement à l’Etat partie sur le territoire duvquel se
trouve l’auteur présumé d’actes de torture de procéder àv « une enquête
préliminaire en vue d’établir les faits » et, « s’il n’extrade pas ce dernier »,

de « soumet[tre] l’affaire … à ses autorités compétentes pour l’exercice de
l’action pénale». Le Sénégal soutient qu’il n’existe pas de différevnd concer -
nant l’interprétation ou l’application de ces dispositions, évtant donné qu’il
n’y a pas de divergence entre les Parties sur l’existence et la portée des
obligations qui y sont énoncées, et qu’il a satisfait auxdites vobligations.

50. Avant de déposer sa requête devant la Cour, la Belgique a, à plvu -
sieurs reprises, demandé au Sénégal de se conformer à son obligation au
titre de la convention «d’extrader ou de juger» M. Habré pour les actes de
torture allégués (voir paragraphes 25-26 et 30 ci-dessus). Ainsi, dans une
note verbale en date du 9 mars 2006 adressée au ministère sénégalais des

affaires étrangères par l’ambassade de Belgique à Dakar (vvoir para -
graphe 25 ci-dessus), il est fait référence à un certain nombre de divspositions
de la convention, dont l’article 7, et indiqué que celle-ci doit être lue comme

«prévoyant l’obligation, pour l’Etat sur le territoire duquel esvt trouvé
l’auteur présumé d’une infraction visée à l’articlev 4 de la convention
précitée, de l’extrader à défaut de l’avoir jugé sur base des incrimina -
tions visées audit article ».

De même, dans une note verbale en date du 4 mai 2006 adressée à l’ambas -
sadeur du Sénégal à Bruxelles par le ministère belge des affvaires étrangères
(voir paragraphe 26 ci-dessus), il est précisé que « la Belgique interprète l’ar-

ticle 7 de la convention [contre] la torture comme prévoyant l’obligatiovn
pour l’Etat sur le territoire duquel est trouvé l’auteur prévsumé [d’actes de
torture] de l’extrader à défaut de l’avoir jugé ». Bien que, dans ses notes
verbales comme dans sa requête, la Belgique ait mis l’accent sur l’extradi -
tion, elle a, dans ses écritures et à l’audience, souligné l’obligation d’engager

des poursuites contre M.Habré. Cela ne modifie pas le fond de sa demande.
L’extradition et l’engagement de poursuites constituent en effetv des moyens
alternatifs pour lutter contre l’impunité en conformité avec le paragraphe1
de l’article 7. Dans les échanges diplomatiques susmentionnés, la demande
de la Belgique tendant à ce que le Sénégal se conforme à l’vobligation de
procéder à une enquête préliminaire en vue d’établir lves faits de l’af -

faire Habré peut être considérée comme implicite, puisque cette envquête
devrait normalement avoir lieu avant l’engagement de poursuites.

25

6 CIJ1033.indb 46 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 443

graph 2, of the Convention had ended by the time the Application was
filed. Thus, the Court lacks jurisdiction to decide on Belgium’s clvaim

relating to the obligation under Article 5, paragraph 2. However, this
does not prevent the Court from considering the consequences that
Senegal’s conduct in relation to the measures required by this provisvion
may have had on its compliance with certain other obligations under the v
Convention, should the Court have jurisdiction in that regard.

49. Belgium further contends that Senegal breached its obligations
under Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of the Conven -
tion against Torture. These provisions respectively require a State partvy
to the Convention, when a person who has allegedly committed an act of
torture is found on its territory, to hold “a preliminary inquiry into the
facts” and, “if it does not extradite him”, to “submit the cvase to its com -

petent authorities for the purpose of prosecution”. Senegal maintainsv that
there is no dispute with regard to the interpretation or application of v
these provisions, as there is no dispute between the Parties concerning vthe
existence and scope of the obligations contained therein, and that it havs
met those obligations.

50. Before submitting its Application to the Court, Belgium on several
occasions requested Senegal to comply with its obligation under the Con -
vention “to extradite or judge” Mr. Habré for the alleged acts of torture
(see paragraphs 25-26 and 30 above). For instance, a Note Verbale of
9 March 2006 addressed by the Belgian Embassy in Dakar to the Minis -

try of Foreign Affairs of Senegal (see paragraph 25 above) referred to a
number of provisions of the Convention, including Article 7, and stated
that the Convention had to be understood

“as requiring the State on whose territory the alleged author of an
offence under Article 4 of the aforesaid Convention is located to
extradite this offender, unless it has judged him on the basis of the
charges covered by said article”.

Similarly, a Note Verbale of 4 May 2006 addressed by the Belgian Minis -
try of Foreign Affairs to the Ambassador of Senegal in Brussels (see vpara -
graph 26 above) declared that “Belgium interprets Article 7 of the

Convention against Torture as requiring the State on whose territory thev
alleged offender is located to extradite him unless it has judged him”v.
While the emphasis in Belgium’s Notes Verbales and also in Belgium’vs
Application is on extradition, in its pleadings Belgium stresses the obliga -
tion to submit Mr. Habré’s case to prosecution. This does not change the

substance of the claim. Extradition and prosecution are alternative waysv
to combat impunity in accordance with Article 7, paragraph 1. In the
above-mentioned diplomatic exchanges, the request by Belgium that Sen -
egal comply with the obligation to hold a preliminary inquiry into the
facts of Mr. Habré’s case may be considered as implicit, since that inquiry
should normally take place before prosecution.

25

6 CIJ1033.indb 47 28/11/13 12:50 444 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

51. Dans ses échanges diplomatiques avec la Belgique, le Sénégal a v
affirmé qu’il se conformait aux obligations que lui impose la convvention.

Ainsi, dans une note verbale en date du 9 mai 2006 adressée au ministère
belge des affaires étrangères, l’ambassade du Sénégal àv Bruxelles a indi -
qué que,

«[s]’agissant de l’interprétation de l’article 7 de la convention …,
l’ambassade retient qu’en transférant le cas Hissène Habrév à l’Union
africaine, le Sénégal, pour ne pas créer une impasse juridique,v se
conforme à l’esprit du principe aut dedere aut punire dont le but

essentiel est de s’assurer qu’aucun tortionnaire ne puisse échapper à
la justice en se rendant dans un autre pays ».
L’affirmation par le Sénégal qu’il n’a commis aucune violation semble

reposer sur l’argument selon lequel l’article 6, paragraphe 2, et l’article 7,
paragraphe 1, accorderaient à un Etat partie une certaine latitude quant
au délai dans lequel les mesures requises devraient être prises. Avinsi que
l’a admis le Sénégal, « il est question devant [la Cour] d’un litige qui
oppose deux Etats sur la manière d’entendre ou de comprendre l’exécu -

tion d’une obligation découlant d’un instrument international avuquel ils
sont tous deux parties ».
52. Etant donné que les demandes de la Belgique fondées sur l’interv -
prétation et l’application de l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 7,
paragraphe 1, de la convention se sont heurtées à l’opposition manifeste

du Sénégal, la Cour considère qu’un différend existait vau moment du
dépôt de la requête. La Cour constate que ce différend exivste toujours.
53. Dans sa requête, la Belgique prie en outre la Cour de dire que le
Sénégal a manqué à une obligation en vertu du droit internatvional coutu -
mier de « poursuivre pénalement M. Habré » pour des crimes contre l’hu -
manité que celui-ci aurait commis. Cette demande a par la suite été

étendue aux crimes de guerre et au génocide. Sur ce point, le Sénégal
soutient également qu’aucun différend ne s’est fait jour evntre les Parties.
54. Le mandat d’arrêt international décerné par la Belgique, quiv a été
transmis au Sénégal le 22 septembre 2005 et était accompagné d’une
demande d’extradition (voir paragraphe 21 ci-dessus), faisait, il est vrai,

état de violations du droit international humanitaire, d’actes de torture et
de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, vde meurtres
et d’autres crimes. Cependant, aucun de ces deux documents n’indiqvuait
ou ne laissait entendre que le Sénégal était tenu, au regard duv droit inter -
national, d’exercer sa compétence à l’égard desdits crimevs, s’il n’extradait

pas M. Habré. Du point de vue de la compétence de la Cour, ce qui
importe est de savoir si, à la date du dépôt de la requête, vil existait entre
les Parties un différend quant à l’obligation, pour le Sénégal, de prendre,
en vertu du droit international coutumier, des mesures concernant les
crimes précités, attribués à M. Habré. Au vu de la correspondance diplo -
matique échangée entre les Parties, qui a été examinée plvus haut (voir

paragraphes 21-30), la Cour estime qu’un tel différend n’existait pas àv
cette date. Les seules obligations mentionnées dans la correspondance

26

6 CIJ1033.indb 48 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 444

51. In its diplomatic exchanges with Belgium, Senegal contended that
it was complying with its obligations under the Convention. For instancev,

in a Note Verbale of 9 May 2006 addressed to the Belgian Ministry of
Foreign Affairs, Senegal’s Embassy in Brussels wrote that

“[w]ith regard to the interpretation of Article 7 of the Convention . . .,
the Embassy considers that by referring the Hissène Habré case to the
African Union, Senegal, in order not to create a legal impasse, is
acting in accordance with the spirit of the principle aut dedere aut

punire the essential aim of which is to ensure that no torturer can
escape from justice by going to another country”.
Senegal’s denial that there has been a breach appears to be based on vits

contention that Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, grant
a State party some latitude with regard to the time within which it may v
take the actions required. As was acknowledged by Senegal, “[a]t issuve
before the Court is a difference between two States as to how the execvu -
tion of an obligation arising from an international instrument to which v

both States are parties should be understood”.

52. Given that Belgium’s claims based on the interpretation and appli -
cation of Articles 6, paragraph 2, and 7, paragraph 1, of the Convention
were positively opposed by Senegal, the Court considers that a dispute ivn

this regard existed by the time of the filing of the Application. The vCourt
notes that this dispute still exists.
53. The Application of Belgium also includes a request that the Court
declare that Senegal breached an obligation under customary interna -
tional law to “bring criminal proceedings against Mr. H. Habré” for
crimes against humanity allegedly committed by him. This submission

has been later extended to cover war crimes and genocide. On this point,v
Senegal also contends that no dispute has arisen between the Parties.
54. While it is the case that the Belgian international arrest warrant
transmitted to Senegal with a request for extradition on 22 Septem -
ber 2005 (see paragraph 21 above) referred to violations of international

humanitarian law, torture, genocide, crimes against humanity, war
crimes, murder and other crimes, neither document stated or implied thatv
Senegal had an obligation under international law to exercise its jurisdvic -
tion over those crimes if it did not extradite Mr. Habré. In terms of the
Court’s jurisdiction, what matters is whether, on the date when the Avppli -

cation was filed, a dispute existed between the Parties regarding the vobli-
gation for Senegal, under customary international law, to take measures v
in respect of the above-mentioned crimes attributed to Mr. Habré. In the
light of the diplomatic exchanges between the Parties reviewed above (svee
paragraphs 21-30), the Court considers that such a dispute did not exist
on that date. The only obligations referred to in the diplomatic corre -

spondence between the Parties are those under the Convention against
Torture. It is noteworthy that even in a Note Verbale handed over to

26

6 CIJ1033.indb 49 28/11/13 12:50 445 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

diplomatique entre les Parties sont celles qui découlent de la convenvtion
contre la torture. A cet égard, il convient de relever que, même dvans une

note verbale remise au Sénégal le 16 décembre 2008, soit à peine deux
mois avant le dépôt de sa requête, la Belgique s’est contentvée d’indiquer
que ses propositions en matière de coopération judiciaire étaievnt sans pré -
judice «du différend subsistant entre [elle] et le Sénégal au sujet de l’appli-
cation et de l’interprétation des obligations résultant des disvpositions

pertinentes de la convention … contre la torture », sans faire nulle men -
tion d’une obligation de poursuivre ou d’extrader relativement àv d’autres
crimes. Dans cette même note verbale, la Belgique a également prisv acte
des modifications apportées à la législation et à la Constvitution du Séné -
gal en se référant au seul crime de torture, alors même que lesdites modi -

fications n’étaient pas limitées à ce crime. Dès lors, vle Sénégal n’avait
aucune raison de prendre position, dans ses relations avec la Belgique, vsur
la question de la poursuite de M. Habré pour des crimes que celui-ci
aurait commis au regard du droit international coutumier. Quoique les
faits constitutifs de ces crimes aient pu être étroitement liésv aux actes de
torture allégués, la question de savoir si un Etat est tenu d’evngager des

poursuites à l’encontre d’un ressortissant étranger à raison de crimes rele -
vant du droit international coutumier que celui-ci aurait commis à l’vétra-n
ger est clairement distincte de toute question concernant le respect desv
obligations qui incombent à cet Etat en application de la conven -
tion contre la torture, et soulève des problèmes juridiques tout à fvait dif -

férents.
55. La Cour conclut que, au moment du dépôt de la requête, le diffvérend
qui opposait les Parties n’était pas relatif à des manquements và des obliga -
tions relevant du droit international coutumier, et qu’elle n’a dovnc pas
compétence pour statuer sur les demandes de la Belgique qui s’y ravpportent.

C’est donc uniquement à l’égard du différend concernantv l’interpréta -
tion et l’application de l’article 6, paragraphe 2, et de l’article 7, para -
graphe 1, de la convention contre la torture que la Cour devra déterminer
s’il existe une base juridique de compétence.

*

B. Les autres conditions de compétence

56. La Cour se penchera à présent sur les autres conditions qui doivent
être réunies pour qu’elle ait compétence au titre du paragravphe 1 de l’ar-

ticle 30 de la convention contre la torture (voir paragraphe 42 ci-dessus).
Il s’agit de l’impossibilité de régler le différend parv voie de négociation et
de l’impossibilité pour les parties, après que l’une d’envtre elles a formulé
une demande d’arbitrage, de se mettre d’accord sur l’organisativon d’une
telle procédure dans les six mois qui suivent la date de ladite demanvde. La
Cour examinera ces conditions dans cet ordre.

57. S’agissant de la première de ces conditions, la Cour doit commen -
cer par rechercher si, « à tout le moins, … l’une des parties [a] vraiment

27

6 CIJ1033.indb 50 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 445

Senegal on 16 December 2008, barely two months before the date of the

Application, Belgium only stated that its proposals concerning judicial v
co-operation were without prejudice to “the difference of opinion exisvting
between Belgium and Senegal regarding the application and interpreta -
tion of the obligations resulting from the relevant provisions of the [Cvon-
vention against Torture]”, without mentioning the prosecution or

extradition in respect of other crimes. In the same Note Verbale, Belgiuvm
referred only to the crime of torture when acknowledging the amend -
ments to the legislation and Constitution of Senegal, although those
amendments were not limited to that crime. Under those circumstances,
there was no reason for Senegal to address at all in its relations with vBel-

gium the issue of the prosecution of alleged crimes of Mr. Habré under
customary international law. The facts which constituted those alleged
crimes may have been closely connected to the alleged acts of torture.
However, the issue whether there exists an obligation for a State to
prosecute crimes under customary international law that were allegedly

committed by a foreign national abroad is clearly distinct from any
question of compliance with that State’s obligations under the Convenv -
tion against Torture and raises quite different legal problems.

55. The Court concludes that, at the time of the filing of the Applica -
tion, the dispute between the Parties did not relate to breaches of oblivga-

tions under customary international law and that it thus has no jurisdiction
to decide on Belgium’s claims related thereto.
It is thus only with regard to the dispute concerning the interpretationv
and application of Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of
the Convention against Torture that the Court will have to find whethevr

there exists a legal basis of jurisdiction.

*

B. Other Conditions for Jurisdiction

56. The Court will turn to the other conditions which should be met
for it to have jurisdiction under Article 30, paragraph 1, of the Conven -
tion against Torture (see paragraph 42 above). These conditions are that
the dispute cannot be settled through negotiation and that, after a requvest

for arbitration has been made by one of the parties, they have been unable
to agree on the organization of the arbitration within six months from tvhe
request. The Court will consider these conditions in turn.

57. With regard to the first of these conditions, the Court must begin

by ascertaining whether there was, “at the very least[,] a genuine atvtempt

27

6 CIJ1033.indb 51 28/11/13 12:50 446 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

[tenté] d’ouvrir le débat avec l’autre partie en vue de régler le différend »
(Application de la convention internationale sur l’élimination de t▯outes les

formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), excep -
tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 132, par. 157). A cet
égard, elle considère qu’« il n’est satisfait à la condition préalable de tenir
des négociations que lorsque celles-ci ont échoué, sont devenuevs inutiles
ou ont abouti à une impasse » (ibid., p. 133, par. 159). L’exigence que le

différend « ne [puisse] pas être réglé par voie de négociation » ne saurait
être entendue comme une impossibilité théorique de parvenir àv un règle -
ment; elle signifie, ainsi que la Cour l’a indiqué au sujet d’une disposition
au libellé similaire, qu’« il n’est pas raisonnablement permis d’espérer que
de nouvelles négociations puissent aboutir à un règlement » (Sud-Ouest
africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), excep -

tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 345).
58. Les Parties ont consacré plusieurs échanges de correspondance et
réunions au cas de M. Habré, à l’occasion desquels la Belgique a insisté
sur la nécessité pour le Sénégal de se conformer à l’ovbligation de juger ou
d’extrader l’intéressé. Dans des notes verbales en date du 11 janvier 2006,

du 9 mars 2006, du 4 mai 2006 et du 20 juin 2006 qu’elle a adressées au
Sénégal (voir paragraphes 25-26 ci-dessus), la Belgique a expressément
indiqué qu’elle agissait dans le cadre du processus de négociatvion visé à
l’article 30 de la convention contre la torture. La même approche ressort
d’un rapport en date du 21 juin 2006 relatif à une réunion avec le secré -

taire général du ministère sénégalais des affaires évtrangères, communiqué
par l’ambassadeur de Belgique à Dakar (voir paragraphe 26 ci-dessus). Le
Sénégal n’a pas objecté au fait que la Belgique ait qualifivé ces échanges
diplomatiques de négociations.
59. Du fait de la position du Sénégal selon laquelle, bien qu’il n’vait pas
consenti à l’extradition et ait rencontré des difficultés àv engager des pour -

suites à l’encontre de M. Habré, il n’en respectait pas moins les obliga -
tions qui lui incombaient en application de la convention (position
exprimée, par exemple, dans la note verbale en date du 9 mai 2006 ; voir
paragraphe 26 ci-dessus), les négociations n’ont pas progressé vers le
règlement du différend. La Belgique en a d’ailleurs fait la rvemarque dans

une note verbale en date du 20 juin 2006 (voir paragraphe 26 ci-dessus).
Au cours de la période couverte par les échanges susmentionnés,v les Par -
ties n’ont pas modifié leurs positions respectives quant à l’vengagement de
poursuites à raison des actes de torture que M. Habré aurait commis. Le
fait que, ainsi que cela ressort des écritures et plaidoiries des Parvties, les

positions de celles-ci n’aient, pour l’essentiel, pas évoluév par la suite
confirme que les négociations n’ont pas abouti au règlement dvu différend,
et qu’elles ne pouvaient y aboutir. La Cour en conclut qu’il a évté satisfait
à la condition énoncée au paragraphe 1 de l’article 30 de la convention
suivant laquelle le différend ne peut pas être réglé par vvoie de négociation.
60. En ce qui concerne la soumission à l’arbitrage du différend rvelatif à

l’interprétation de l’article 7 de la convention contre la torture, le ministère
belge des affaires étrangères a, dans une note verbale en date dvu 4 mai 2006

28

6 CIJ1033.indb 52 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 446

by one of the disputing parties to engage in discussions with the other vdis -
puting party, with a view to resolving the dispute” (Application of the Inte-r

national Convention on the Elimination of All Forms of RaciaD l iscrimination
(Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judg ment,
I.C.J. Reports 2011 (I), p. 132, para. 157). According to the Court’s
jurisprudence, “the precondition of negotiation is met only when there has
been a failure of negotiations, or when negotiations have become futile or

deadlocked” (ibid., p. 133, para. 159). The requirement that the dispute
“cannot be settled through negotiation” could not be understood asv
referring to a theoretical impossibility of reaching a settlement. It ravther
implies that, as the Court noted with regard to a similarly worded provision,
“no reasonable probability exists that further negotiations would leavd to a
settlement” (South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South

Africa), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 345).
58. Several exchanges of correspondence and various meetings were
held between the Parties concerning the case of Mr. Habré, when Belgium
insisted on Senegal’s compliance with the obligation to judge or extrvadite
him. Belgium expressly stated that it was acting within the framework ofv

the negotiating process under Article 30 of the Convention against Tor -
ture in Notes Verbales addressed to Senegal on 11 January 2006,
9 March 2006, 4 May 2006 and 20 June 2006 (see paragraphs 25-26
above). The same approach results from a report sent by the Belgian
Ambassador in Dakar on 21 June 2006 concerning a meeting with the

Secretary-General of the Ministry of Foreign Affairs of Senegal (see para -
graph 26 above). Senegal did not object to the characterization by Bel -
gium of the diplomatic exchanges as negotiations.

59. In view of Senegal’s position that, even though it did not agree on
extradition and had difficulties in proceeding towards prosecution, it vwas

nevertheless complying with its obligations under the Convention (for
instance, in the Note Verbale of 9 May 2006 ; see paragraph 26 above),
negotiations did not make any progress towards resolving the dispute.
This was observed by Belgium in a Note Verbale of 20 June 2006 (see
paragraph 26 above). There was no change in the respective positions of

the Parties concerning the prosecution of Mr. Habré’s alleged acts of tor -
ture during the period covered by the above exchanges. The fact that, as
results from the pleadings of the Parties, their basic positions have novt
subsequently evolved confirms that negotiations did not and could not v
lead to the settlement of the dispute. The Court therefore concludes thavt

the condition set forth in Article 30, paragraph 1, of the Convention that
the dispute cannot be settled by negotiation has been met.

60. With regard to the submission to arbitration of the dispute on the

interpretation of Article 7 of the Convention against Torture, a Note Ver -
bale of the Belgian Ministry of Foreign Affairs of 4 May 2006 (see para -

28

6 CIJ1033.indb 53 28/11/13 12:50 447 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

(voir paragraphe 26 ci-dessus), fait observer qu’« une controverse non
résolue au sujet de cette interprétation entraînerait un recourvs à la procé-

dure d’arbitrage prévue à l’article 30 de la convention contre la torture ».
Dans une note verbale en date du 9 mai 2006 (voir paragraphe 26 ci-
dessus), l’ambassadeur du Sénégal à Bruxelles a répondu vcomme suit :

«Quant à l’éventualité d’un recours de la Belgique à lav procédure
d’arbitrage prévue à l’article 30 de la convention contre la torture,
l’ambassade ne peut qu’en prendre acte en réaffirmant l’attvachement
du Sénégal aux excellentes relations de coopération existant envtre les

deux pays et à la lutte contre l’impunité. »

La Belgique a directement formulé une demande d’arbitrage dans une note
verbale en date du 20 juin 2006 (voir paragraphe 26 ci-dessus). Elle a
constaté, dans cette note, que «la tentative de négociation entamée avec le
Sénégal en novembre 2005 n’a[vait] pas abouti »; la Belgique, « conformé -
ment à l’article 30, paragraphe 1, de la convention [contre la] torture, [a]
demand[é] en conséquence au Sénégal de soumettre le diffévrend à l’arbitrage

suivant les modalités à convenir de commun accord ». Dans son ordonnance
du 28 mai 2009 sur la demande en indication de mesures conservatoires pré -
sentée par la Belgique, la Cour a déjà relevé que cette notev verbale

«cont[enait] une offre explicite de la Belgique au Sénégal de recvourir
à une procédure d’arbitrage, conformément au paragraphe 1 de l’ar -
ticle 30 de la convention contre la torture, pour régler le différend
concernant l’application de la convention au cas de M. Habré »

(C.I.J. Recueil 2009, p. 150, par. 52).

Dans une note verbale en date du 8 mai 2007 (voir paragraphe 30 ci-
dessus), la Belgique a rappelé « son souhait de constituer un tribunal arbi -
tral» et fait observer qu’«aucune réponse ne lui a[vait] été apportée par la
République du Sénégal au sujet de cette proposition d’arbitrvage ». Bien
que le Sénégal soutienne n’avoir pas reçu la note verbale en date
du 20 juin 2006, il ne l’a pas mentionné après avoir reçu la note verbavle

en date du 8 mai 2007. A cette occasion, le Sénégal n’a de nouveau pas
répondu à la demande d’arbitrage.
61. A la suite de sa demande d’arbitrage, la Belgique n’a pas formulév de
proposition détaillée quant aux questions devant être soumises à l’arbi -
trage et à l’organisation de la procédure arbitrale. De l’avvis de la Cour,

cela ne signifie cependant pas qu’il n’ait pas été satisfavit à la condition que
«les Parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organvisation de
l’arbitrage». Un Etat peut en effet attendre, avant de formuler des propo -
sitions sur ces aspects, qu’une réponse de principe favorable ait vété donnée
à sa demande tendant à régler le différend par voie d’avrbitrage. Ainsi que

la Cour l’a précisé au sujet d’une disposition conventionnelvle similaire,
«l’absence d’accord entre les parties sur l’organisation d’unv arbitrage

ne peut … pas se présumer. L’existence d’un tel désaccord ne peut
résulter que d’une proposition d’arbitrage faite par le demandevur et

29

6 CIJ1033.indb 54 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 447

graph 26 above) observed that “[a]n unresolved dispute regarding this
interpretation would lead to recourse to the arbitration procedure pro -

vided for in Article 30 of the Convention against Torture”. In a Note
Verbale of 9 May 2006 (see paragraph 26 above) the Ambassador of
Senegal in Brussels responded that

“As to the possibility of Belgium having recourse to the arbitration v
procedure provided for in Article 30 of the Convention against Tor -
ture, the Embassy can only take note of this, restating the commit -
ment of Senegal to the excellent relationship between the two countries v

in terms of co-operation and the combating of impunity.”

A direct request to resort to arbitration was made by Belgium in a Note v
Verbale of 20 June 2006 (see paragraph 26 above). In that Note Verbale,
Belgium remarked that “the attempted negotiation with Senegal, which v
started in November 2005, ha[d] not succeeded” ; Belgium, “in accor -
dance with Article 30, paragraph 1, of the Torture Convention, conse -
quently ask[ed] Senegal to submit the dispute to arbitration under

conditions to be agreed mutually”. In its Order of 28 May 2009 on Bel -
gium’s request for the indication of provisional measures, the Court vhas
already observed that this Note Verbale :

“contains an explicit offer from Belgium to Senegal to have recoursve
to arbitration, pursuant to Article 30, paragraph 1, of the Convention
against Torture, in order to settle the dispute concerning the applica -
tion of the Convention in the case of Mr. Habré” (I.C.J. Reports 2009,

p. 150, para. 52).

In a Note Verbale of 8 May 2007 (see paragraph 30 above) Belgium
recalled “its wish to constitute an arbitral tribunal” and remarkevd that it
had “received no response from the Republic of Senegal on the issue ovf
this proposal of arbitration”. Although Senegal maintains that it hadv not
received the Note Verbale dated 20 June 2006, it did not mention that
matter after having received the Note Verbale of 8 May 2007. On that

occasion, there was again no response on the part of Senegal to the
request for arbitration.
61. Following its request for arbitration, Belgium did not make any
detailed proposal for determining the issues to be submitted to arbitration
and the organization of the arbitration proceedings. In the Court’s vview,

however, this does not mean that the condition that “the Parties are vunable
to agree on the organization of the arbitration” has not been fulfivlled. A
State may defer proposals concerning these aspects to the time when a
positive response is given in principle to its request to settle the dispute by
arbitration. As the Court said with regard to a similar treaty provisionv:

“the lack of agreement between the parties as to the organization

of an arbitration cannot be presumed. The existence of such
disagreement can follow only from a proposal for arbitration by the

29

6 CIJ1033.indb 55 28/11/13 12:50 448 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

restée sans réponse de la part du défendeur ou suivie de l’evxpression
par celui-ci de son intention de ne pas l’accepter. » (Activités armées

sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démo-
cratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 2006, p. 41, par. 92.)

La présente espèce est de celles où l’incapacité des Partvies à s’entendre sur
l’organisation de l’arbitrage résulte de l’absence de toute vréponse de la
part de l’Etat auquel la demande d’arbitrage a été adresséve.
62. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 30 de la convention contre

la torture, au moins six mois doivent s’écouler après la date dve la demande
d’arbitrage avant que l’affaire soit soumise à la Cour. En lav présente
espèce, il a été satisfait à cette exigence puisque, lorsquev la requête a été
déposée, plus de deux années s’étaient écoulées depuis que la demande
d’arbitrage avait été formulée.

*

63. Etant donné qu’il a été satisfait aux conditions énoncéves au para -
graphe 1 de l’article 30 de la convention contre la torture, la Cour conclut

qu’elle a compétence pour connaître du différend entre lesv Parties concer -
nant l’interprétation et l’application du paragraphe 2 de l’article 6 et du
paragraphe 1 de l’article 7 de cet instrument.
Etant parvenue à cette conclusion, la Cour n’estime pas nécessavire de
rechercher si elle est également compétente pour connaître de cve même

différend sur le fondement des déclarations faites par les Parties en vertu
du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut.

III. Recevabilité des demandves de la Belgique

64. Le Sénégal conteste la recevabilité des demandes de la Belgiquev. Il
soutient que « la Belgique n’a pas qualité pour invoquer la responsabilité
internationale du Sénégal en raison du manquement allégué de ce dernier
à son obligation de soumettre le cas de H[issène] Habré à sevs autorités

compétentes pour l’exercice de l’action pénale, à moins qvu’il ne l’extrad» e.
Le Sénégal fait notamment valoir qu’aucune des victimes supposéves des
actes qui seraient attribuables à M. Habré n’avait la nationalité belge au
moment où ceux-ci ont été commis.
65. La Belgique ne conteste pas qu’aucune des victimes supposées

n’avait la nationalité belge au moment où les infractions allévguées ont été
commises. Dans sa requête, elle relevait toutefois que, « [l]a compétence
actuelle des juridictions belges étant fondée sur la plainte dévposée par un
ressortissant belge d’origine tchadienne, la justice belge entend exevrcer la
compétence personnelle passive ». Dans ladite requête, la Belgique priait

la Cour de dire et juger que sa demande était recevable. A l’audience, la
Belgique a également affirmé être dans une «situation particulière», en ce

30

6 CIJ1033.indb 56 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 448

applicant, to which the respondent has made no answer or which it
has expressed its intention not to accept.” (Armed Activities on the

Territory of the Congo (New Application: 2002) (DemocraticRepublic
of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction and Admissibility, Judgment,
I.C.J. Reports 2006, p. 41, para. 92.)

The present case is one in which the inability of the Parties to agree ovn the
organization of the arbitration results from the absence of any responsev
on the part of the State to which the request for arbitration was addresvsed.
62. Article 30, paragraph 1, of the Convention against Torture requires

that at least six months should pass after the request for arbitration
before the case is submitted to the Court. In the present case, this reqvuire -
ment has been complied with, since the Application was filed over two v
years after the request for arbitration had been made.

*

63. Given that the conditions set out in Article 30, paragraph 1, of the
Convention against Torture have been met, the Court concludes that

it has jurisdiction to entertain the dispute between the Parties concern -
ing the interpretation and application of Article 6, paragraph 2, and
Article 7, paragraph 1, of the Convention.
Having reached this conclusion, the Court does not find it necessary tvo
consider whether its jurisdiction also exists with regard to the same divs -

pute on the basis of the declarations made by the Parties under Article 36,
paragraph 2, of its Statute.

III. Admissibility of Belgiuvm’s Claims

64. Senegal objects to the admissibility of Belgium’s claims. It main -
tains that “Belgium is not entitled to invoke the international respovnsi-
bility of Senegal for the alleged breach of its obligation to submit
the H[issène] Habré case to its competent authorities for the purpose of

prosecution, unless it extradites him”. In particular, Senegal contenvds
that none of the alleged victims of the acts said to be attributable to v
Mr. Habré was of Belgian nationality at the time when the acts were com-
mitted.
65. Belgium does not dispute the contention that none of the alleged

victims was of Belgian nationality at the time of the alleged offencesv.
However, it noted in its Application that “[a]s the present jurisdictvion of
the Belgian courts is based on the complaint filed by a Belgian nationval of
Chadian origin, the Belgian courts intend to exercise passive personal
jurisdiction”. In its Application Belgium requested the Court to adjuvdge

and declare that its claim was admissible. In the oral proceedings,Belgium
also claimed to be in a “particular position” since “it has avaviled itself of

30

6 CIJ1033.indb 57 28/11/13 12:50 449 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

qu’«elle s’est prévalue du droit que lui confère l’article 5 d’exercer sa com-
pétence et de demander l’extradition». La Belgique a en outre déclaré que,

«[e]n vertu de la convention, tout Etat partie, quelle que soit la nationvalité
des victimes, est fondé à réclamer l’exécution de l’obvligation en question,
et peut donc invoquer la responsabilité résultant d’une inexévcution ».
66. La divergence de vues entre les Parties sur le point de savoir si la Belv-
gique est fondée à saisir la Cour de ses demandes contre le Sénvégal au sujet
de l’application de la convention dans le cas de M. Habré soulève la ques-

tion de la qualité pour agir de la Belgique. A cet égard, celle-ci a fondé ses
demandes non seulement sur sa qualité de partie à la convention, mvais aussi
sur l’existence d’un intérêt particulier qui la distingueraivt des autres parties à
cet instrument et lui conférerait un droit spécifique dans le cavs de M. Habré.
67. La Cour commencera par rechercher si le seul fait d’être partie à la

convention est suffisant pour qu’un Etat soit fondé à la saisivr d’une
demande tendant à ce qu’elle ordonne à un autre Etat partie de vmettre fin
à des manquements allégués aux obligations que lui impose cet ivnstrument.
68. Ainsi qu’il est précisé dans son préambule, l’objet et lev but de la
convention est «d’accroître l’efficacité de la lutte contre la torture … dans
le monde entier ». En raison des valeurs qu’ils partagent, les Etats parties

à cet instrument ont un intérêt commun à assurer la prévevntion des actes
de torture et, si de tels actes sont commis, à veiller à ce que levurs auteurs
ne bénéficient pas de l’impunité. Les obligations qui incovmbent à un Etat
partie de procéder à une enquête préliminaire en vue d’établir les faits et
de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’vexercice de l’ac -

tion pénale s’appliquent du fait de la présence de l’auteur vprésumé sur son
territoire, quelle que soit la nationalité de l’intéressé ouv celle des victimes,
et quel que soit le lieu où les infractions alléguées ont étvé commises. Tous
les autres Etats parties à la convention ont un intérêt commun và ce que
l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé rvespecte ces obli -
gations. Cet intérêt commun implique que les obligations en questivon

s’imposent à tout Etat partie à la convention à l’égarvd de tous les autres
Etats parties. L’ensemble des Etats parties ont « un intérêt juridique» à ce
que les droits en cause soient protégés (Barcelona Traction, Light and
Power Company, Limited (Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrê▯t,
C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 33). Les obligations correspondantes

peuvent donc être qualifiées d’« obligations erga omnes partes», en ce sens
que, quelle que soit l’affaire, chaque Etat partie a un intérêvt à ce qu’elles
soient respectées. De ce point de vue, les dispositions pertinentes dve la
convention contre la torture sont comparables à celles de la conventivon
pour la prévention et la répression du crime de génocide, au suvjet des -
quelles la Cour a fait observer ce qui suit :

«Dans une telle convention, les Etats contractants n’ont pas d’in -
térêts propres ; ils ont seulement tous et chacun un intérêt commun,
celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison d’vêtre de la
convention. » (Réserves à la convention pour la prévention et la répres-

sion du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23.)

31

6 CIJ1033.indb 58 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 449

its right under Article 5 to exercise its jurisdiction and to request extradi -
tion”. Moreover, Belgium argued that “[u]nder the Convention, evervy

State party, irrespective of the nationality of the victims, is entitledv to
claim performance of the obligation concerned, and, therefore, can invokve
the responsibility resulting from the failure to perform”.
66. The divergence of views between the Parties concerning Belgium’s
entitlement to bring its claims against Senegal before the Court with revgard
to the application of the Convention in the case of Mr. Habré raises the

issue of Belgium’s standing. For that purpose, Belgium based its claivms not
only on its status as a party to the Convention but also on the existencve of
a special interest that would distinguish Belgium from the other partiesv to
the Convention and give it a specific entitlement in the case of Mr. Habré.
67. The Court will first consider whether being a party to the Conven -

tion is sufficient for a State to be entitled to bring a claim to the Cvourt
concerning the cessation of alleged violations by another State party ofv its
obligations under that instrument.
68. As stated in its Preamble, the object and purpose of the Convention
is “to make more effective the struggle against torture . . . throughout the
world”. The States parties to the Convention have a common interest tvo

ensure, in view of their shared values, that acts of torture are preventved and
that, if they occur, their authors do not enjoy impunity. The obligationvs of
a State party to conduct a preliminary inquiry into the facts and to subvmit
the case to its competent authorities for prosecution are triggered by the
presence of the alleged offender in its territory, regardless of the nationality

of the offender or the victims, or of the place where the alleged offvences
occurred. All the other States parties have a common interest in compliavnce
with these obligations by the State in whose territory the alleged offvender is
present. That common interest implies that the obligations in question avre
owed by any State party to all the other States parties to the Conventiovn.
All the States parties “have a legal interest” in the protection ovf the rights

involved (Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgium
v. Spain), Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports 1970, p. 32, para. 33).
These obligations may be defined as “obligations erga omnes partes” in
the sense that each State party has an interest in compliance with them in
any given case. In this respect, the relevant provisions of the Conventivon
against Torture are similar to those of the Convention on the Preventionv

and Punishment of the Crime of Genocide, with regard to which the Court
observed that

“In such a convention the contracting States do not have any inter-
ests of their own ; they merely have, one and all, a common interest,
namely, the accomplishment of those high purposes which are the
raison d’être of the Convention.” (Reservations to the Convention on

the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, Advisory
Opinion, I.C.J. Reports 1951, p. 23.)

31

6 CIJ1033.indb 59 28/11/13 12:50 450 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

69. L’intérêt commun des Etats parties à ce que soient respectéves les
obligations pertinentes énoncées dans la convention contre la tortvure

implique que chacun d’entre eux puisse demander qu’un autre Etat pvartie,
qui aurait manqué auxdites obligations, mette fin à ces manquemevnts. Si
un intérêt particulier était requis à cet effet, aucun Etat ne serait, dans
bien des cas, en mesure de présenter une telle demande. Il s’ensuivt que
tout Etat partie à la convention contre la torture peut invoquer la rvespon -

sabilité d’un autre Etat partie dans le but de faire constater le vmanque -
ment allégué de celui-ci à des obligations erga omnes partes, telles que
celles qui lui incombent en application du paragraphe 2 de l’article 6 et du
paragraphe 1 de l’article 7, et de mettre fin à un tel manquement.
70. Dès lors, la Cour conclut qu’en la présente espèce la Belgiqvue a, en
tant qu’Etat partie à la convention contre la torture, qualité vpour invo -

quer la responsabilité du Sénégal à raison des manquements allégués de
celui-ci aux obligations prévues au paragraphe 2 de l’article 6 et au para -
graphe 1 de l’article 7 de la convention. Dès lors, les demandes de la Bel -
gique fondées sur ces dispositions sont recevables.
En conséquence, il n’y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur la

question de savoir si la Belgique a aussi un intérêt particulier àv ce que le
Sénégal se conforme aux dispositions pertinentes de la convention vdans le
cas de M. Habré.

IV. Les violations alléguéves de la convention covntre la torture

71. Dans sa requête introductive d’instance, la Belgique a demandé và
la Cour de dire et de juger que le Sénégal a l’obligation de povursuivre
pénalement M. Habré et, à défaut, de l’extrader vers la Belgique. Dans sesv
conclusions finales, la Belgique a prié la Cour de dire et de juger que le

Sénégal a violé et viole ses obligations au titre de l’articvle 6, paragraphe 2,
et de l’article 7, paragraphe 1, de cette convention, en s’abstenant de
poursuivre pénalement M. Habré, à défaut de l’extrader.

72. La Belgique a souligné au cours de la procédure que les obligationvs

découlant de l’article 5, paragraphe 2, de l’article 6, paragraphe 2, et de
l’article 7, paragraphe 1, sont étroitement liées entre elles dans le cadre de
la réalisation de l’objet et du but de la convention qui consiste,v selon son
préambule, à « accroître l’efficacité de la lutte contre la torture ». Ainsi,
l’introduction en droit interne de la législation appropriée (varticle 5, para -

graphe 2) permettrait à l’Etat sur le territoire duquel se trouve le susvpect
de procéder immédiatement à une enquête préliminaire en vvue d’établir
les faits (article 6, paragraphe 2), étape nécessaire pour que cet Etat
puisse, en connaissance de cause, soumettre l’affaire à ses autovrités com -
pétentes pour l’exercice de l’action pénale (article 7, paragraphe 1).
73. Le Sénégal conteste les allégations de la Belgique et considère qu’il

n’a violé aucune disposition de la convention contre la torture. Svelon lui,
la convention décompose l’obligation aut dedere aut judicare en une série

32

6 CIJ1033.indb 60 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 450

69. The common interest in compliance with the relevant obligations
under the Convention against Torture implies the entitlement of each

State party to the Convention to make a claim concerning the cessation
of an alleged breach by another State party. If a special interest were v
required for that purpose, in many cases no State would be in the positivon
to make such a claim. It follows that any State party to the Convention v
may invoke the responsibility of another State party with a view to ascevr -

taining the alleged failure to comply with its obligations erga omnes par -
tes, such as those under Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1,
of the Convention, and to bring that failure to an end.

70. For these reasons, the Court concludes that Belgium, as a State
party to the Convention against Torture, has standing to invoke the

responsibility of Senegal for the alleged breaches of its obligations unvder
Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of the Convention in
the present proceedings. Therefore, the claims of Belgium based on thesev
provisions are admissible.
As a consequence, there is no need for the Court to pronounce on

whether Belgium also has a special interest with respect to Senegal’sv com -
pliance with the relevant provisions of the Convention in the case of
Mr. Habré.

IV. The Alleged Violations ovf the Convention againvst Torture

71. In its Application instituting proceedings, Belgium requested the
Court to adjudge and declare that Senegal is obliged to bring criminal
proceedings against Mr. Habré and, failing that, to extradite him to Bel -
gium. In its final submissions, it requested the Court to adjudge and v

declare that Senegal breached and continues to breach its obligations
under Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of the Conven -
tion by failing to bring criminal proceedings against Mr. Habré, unless it
extradites him.
72. Belgium has pointed out during the proceedings that the obliga -

tions deriving from Article 5, paragraph 2, Article 6, paragraph 2, and
Article 7, paragraph 1, are closely linked with each other in the context of
achieving the object and purpose of the Convention, which according to
its Preamble is “to make more effective the struggle against torturve”.
Hence, incorporating the appropriate legislation into domestic law

(Article 5, paragraph 2) would allow the State in whose territory a sus -
pect is present immediately to make a preliminary inquiry into the facts
(Article 6, paragraph 2), a necessary step in order to enable that State,
with knowledge of the facts, to submit the case to its competent authoriv -
ties for the purpose of prosecution (Article 7, paragraph 1).
73. Senegal contests Belgium’s allegations and considers that it has not v

breached any provision of the Convention against Torture. In its view,
the Convention breaks down the aut dedere aut judicare obligation into a

32

6 CIJ1033.indb 61 28/11/13 12:50 451 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

d’actions qu’un Etat devrait accomplir, et les mesures qu’il a vprises
jusque-là attestent le respect de ses engagements internationaux. Le Séné -

gal fait d’abord observer qu’il aurait pris le parti non d’extrvader M. Habré
mais bien d’organiser son procès et de le juger. Il soutient qu’il a procédé
à des réformes constitutionnelles et législatives en 2007-2008, conformé -
ment à l’article 5 de la convention, pour se donner les moyens de tenir un
procès juste et équitable, dans un délai raisonnable, contre l’vauteur pré -

sumé des crimes en cause. Il déclare en outre avoir pris des mesurves res -
trictives de liberté à l’encontre de M. Habré, en application de l’article 6
de la convention, mais aussi des mesures dans le cadre de la préparatvion
du procès de M. Habré, envisagé sous l’égide de l’Union africaine, qui
doivent être considérées comme constituant un commencement d’vexécu -
tion de l’obligation de poursuivre prévue à l’article 7 de la convention. Le

Sénégal ajoute que la Belgique ne saurait lui dicter une orientativon précise
dans la manière de s’acquitter de ses engagements découlant de vla conven -
tion, étant donné que la manière de remplir une obligation internationale,
notamment dans un cas où l’Etat doit prendre des mesures d’applvication
interne, est, dans une très large mesure, laissée à la discrévtion de cet Etat.

74. Bien que la Cour n’ait pas compétence, pour les raisons indiquéves
plus haut, aux fins de connaître en l’espèce de la violation valléguée du
paragraphe 2 de l’article 5 de la convention, elle relève que la mise en
œuvre par l’Etat de son obligation d’établir la compétencve universelle de
ses juridictions pour connaître du crime de torture est une condition

nécessaire pour pouvoir procéder à une enquête préliminaire (article 6,
paragraphe 2) et soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pouvr
l’exercice de l’action pénale (article 7, paragraphe 1). L’ensemble de ces
obligations vise à permettre l’engagement de poursuites contre le vsuspect,
à défaut d’extradition, et la réalisation de l’objet et dvu but de la conven -
tion, qui est d’accroître l’efficacité de la lutte contre lva torture, en évitant

l’impunité des auteurs de tels actes.
75. L’obligation de l’Etat d’incriminer la torture et d’établir sa compé -
tence pour en connaître trouve son équivalent dans les dispositions de
nombreuses conventions internationales de lutte contre les crimes internva -
tionaux. Cette obligation, qui doit être mise en œuvre par l’Etvat concerné

dès qu’il est lié par la convention, a notamment un caractèrve préventif et
dissuasif puisque, en se dotant de l’arsenal juridique nécessaire vpour
poursuivre ce type d’infraction, les Etats parties garantissent l’vinterven -
tion de leur système judiciaire à cet effet et s’engagent à coordonner leurs
efforts pour éliminer tout risque d’impunité. Ce caractèrev préventif est

d’autant plus marqué que le nombre des Etats parties est élevév. Ainsi, la
convention contre la torture réunit 150 Etats qui se sont engagés à pour -
suivre les suspects notamment sur la base de la compétence universellve.

76. La Cour estime que, en adoptant seulement en 2007 la législation
requise, le Sénégal a retardé la soumission de l’affaire àv ses autorités com -

pétentes pour l’exercice de l’action pénale. En effet, la vcour d’appel de
Dakar a été amenée à considérer que les juridictions sénégalaises étaient

33

6 CIJ1033.indb 62 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 451

series of actions which a State should take. Senegal maintains that the v
measures it has taken hitherto show that it has complied with its internva-

tional commitments. First, Senegal asserts that it has resolved not to
extradite Mr. Habré but to organize his trial and to try him. It maintains
that it adopted constitutional and legislative reforms in 2007-2008, in
accordance with Article 5 of the Convention, to enable it to hold a fair
and equitable trial of the alleged perpetrator of the crimes in questionv

reasonably quickly. It further states that it has taken measures to restvrict
the liberty of Mr. Habré, pursuant to Article 6 of the Convention, as well
as measures in preparation for Mr. Habré’s trial, contemplated under the
aegis of the African Union, which must be regarded as constituting the
first steps towards fulfilling the obligation to prosecute laid downv in
Article 7 of the Convention. Senegal adds that Belgium cannot dictate

precisely how it should fulfil its commitments under the Convention,
given that how a State fulfils an international obligation, particularvly in a
case where the State must take internal measures, is to a very large extvent
left to the discretion of that State.

74. Although, for the reasons given above, the Court has no jurisdic -
tion in this case over the alleged violation of Article 5, paragraph 2, of the
Convention, it notes that the performance by the State of its obligationv to
establish the universal jurisdiction of its courts over the crime of torvture
is a necessary condition for enabling a preliminary inquiry (Article 6,

paragraph 2), and for submitting the case to its competent authorities for
the purpose of prosecution (Article 7, paragraph 1). The purpose of all
these obligations is to enable proceedings to be brought against the susv -
pect, in the absence of his extradition, and to achieve the object and pvur-
pose of the Convention, which is to make more effective the struggle
against torture by avoiding impunity for the perpetrators of such acts.

75. The obligation for the State to criminalize torture and to establish
its jurisdiction over it finds its equivalent in the provisions of manvy inter-
national conventions for the combating of international crimes. This obli-
gation, which has to be implemented by the State concerned as soon as it

is bound by the Convention, has in particular a preventive and deterrentv
character, since by equipping themselves with the necessary legal tools v
to prosecute this type of offence, the States parties ensure that their
legal systems will operate to that effect and commit themselves to co-
ordinating their efforts to eliminate any risk of impunity. This prevevntive

character is all the more pronounced as the number of States parties
increases. The Convention against Torture thus brings together 150 States
which have committed themselves to prosecuting suspects in particular
on the basis of universal jurisdiction.
76. The Court considers that by not adopting the necessary legislation
until 2007, Senegal delayed the submission of the case to its competent

authorities for the purpose of prosecution. Indeed, the Dakar Court of
Appeal was led to conclude that the Senegalese courts lacked jurisdictiovn

33

6 CIJ1033.indb 63 28/11/13 12:50 452 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

incompétentes pour connaître des poursuites contre M. Habré, inculpé de

complicité de crimes contre l’humanité, d’actes de torture evt de barbarie,
faute d’une législation appropriée qui permette de telles poursvuites dans
l’ordre juridique interne (voir paragraphe 18 ci-dessus). La cour d’appel
de Dakar a d’ailleurs estimé que

«le législateur sénégalais devrait parallèlement à la révforme entre -
prise dans le code pénal apporter des modifications à l’articvle 669 du
code de procédure pénale en y incluant l’incrimination de tortuvre,

qu’en le faisant il se mettrait en harmonie avec les objectifs de la v
convention» (cour d’appel (Dakar), chambre d’accusation, Ministère
public et François Diouf c. Hissène Habré, arrêt n o135 en date du
4 juillet 2000).

Cet arrêt a ensuite été confirmé par la Cour de cassation sénégalaise
(Cour de cassation, première chambre statuant en matière pénale,
Souleymane Guengueng et autres c. Hissène Habré, arrêt n o 14 en date

du 20 mars 2001).
77. Ainsi, le fait que la législation requise ait été adoptée sevulement
en 2007 a nécessairement affecté l’exécution par le Sénévgal de ses obliga-
tions découlant du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’ar -
ticle 7 de la convention.

78. La Cour, ayant à l’esprit le lien qui existe entre les différventes
dispositions de la convention, s’attachera maintenant à analyser lves
violations alléguées du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1
de l’article 7 de la convention.

A. La violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe 2
de l’article 6 de la convention

79. Aux termes du paragraphe 2 de l’article 6 de la convention, l’Etat
sur le territoire duquel se trouve la personne soupçonnée d’avoir commis

des actes de torture « procède immédiatement à une enquête préliminaire
en vue d’établir les faits ».
80. La Belgique considère que cette obligation procédurale s’imposev à
l’évidence au Sénégal, puisque celui-ci doit disposer d’ivnformations aussi
complètes que possible pour décider, s’il y a lieu, soit de saivsir le ministère

public, soit, si cela est possible, d’extrader le suspect. L’Etat vsur le terri -
toire duquel se trouve le suspect devrait prendre des mesures effectivves
pour rassembler les preuves, au besoin par le moyen de l’entraide judvi -
ciaire, en délivrant des commissions rogatoires auprès des pays suvscep -
tibles de l’assister. La Belgique estime que le Sénégal, en ne vprenant pas

ces mesures, a violé l’obligation que lui impose le paragraphe 2 de l’ar -
ticle 6 de la convention. Elle souligne qu’elle a pourtant proposé au Sévné-
gal d’émettre une commission rogatoire pour accéder aux preuvesv qui
sont aux mains des juges belges (voir paragraphe 30 ci-dessus).
81. En réponse à la question posée par un membre de la Cour à prvopos

de l’interprétation de l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article 6 de

34

6 CIJ1033.indb 64 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 452

to entertain proceedings against Mr. Habré, who had been indicted for
crimes against humanity, acts of torture and barbarity, in the absence of

appropriate legislation allowing such proceedings within the domestic
legal order (see paragraph 18 above). The Dakar Court of Appeal held
that

“the Senegalese legislature should, in conjunction with the reform
undertaken to the Penal Code, make amendments to Article 669 of
the Code of Criminal Procedure by including therein the offence of
torture, whereby it would bring itself into conformity with the

objectives of the Convention” (Court of Appeal (Dakar), Chambre
d’accusation, Public Prosecutor’s Office and François Diouf v.
Hissène Habré, judgment No. 135, 4 July 2000).

This judgment was subsequently upheld by the Senegalese Court of
Cassation (Court of Cassation, première chambre statuant en matière
pénale, Souleymane Guengueng et al. v. Hissène Habré, judgment No. 14,
20 March 2001).
77. Thus, the fact that the required legislation had been adopted only

in 2007 necessarily affected Senegal’s implementation of the obligavtions
imposed on it by Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of
the Convention.
78. The Court, bearing in mind the link which exists between the dif -
ferent provisions of the Convention, will now analyse the alleged breachves

of Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of the Convention.

A. The Alleged Breach of the Obligation Laid Down in Article 6,

Paragraph 2, of the Convention

79. Under the terms of Article 6, paragraph 2, of the Convention, the
State in whose territory a person alleged to have committed acts of tor -
ture is present “shall immediately make a preliminary inquiry into the
facts”.
80. Belgium considers that this procedural obligation is obviously

incumbent on Senegal, since the latter must have the most complete inforv -
mation available in order to decide whether there are grounds either to v
submit the matter to its prosecuting authorities or, when possible, to
extradite the suspect. The State in whose territory the suspect is presevnt
should take effective measures to gather evidence, if necessary througvh

mutual judicial assistance, by addressing letters rogatory to countries v
likely to be able to assist it. Belgium takes the view that Senegal, by fail -
ing to take these measures, breached the obligation imposed on it by
Article 6, paragraph 2, of the Convention. It points out that it nonethe -
less invited Senegal to issue a letter rogatory, in order to have accessv to
the evidence in the hands of Belgian judges (see paragraph 30 above).

81. In answer to the question put by a Member of the Court concern -
ing the interpretation of the obligation laid down by Article 6, para -

34

6 CIJ1033.indb 65 28/11/13 12:50 453 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

la convention, la Belgique a souligné que la nature de l’enquêtve prescrite
au paragraphe 2 de l’article 6 dépend, dans une certaine mesure, du sys -

tème juridique concerné, mais également des circonstances proprves à l’af-
faire en cause. Il s’agirait de l’enquête effectuée avant vque l’affaire ne soit
transmise aux autorités chargées des poursuites, si l’Etat décide d’exercer
sa compétence. Enfin, la Belgique rappelle que le paragraphe 4 de cet
article prévoit que les Etats intéressés doivent être informés devs conclu -

sions de l’enquête afin qu’ils puissent demander éventuellement l’extradi -
tion de la personne mise en cause. Selon la Belgique, la Cour ne disposev
d’aucun élément concernant la conduite par le Sénégal d’une enquête pré -
liminaire, et elle en déduit que le Sénégal a violé le paragvraphe 2 de l’ar -
ticle 6 de la convention.
82. Le Sénégal, en réponse à la même question, a soutenu que vl’en -

quête vise à l’établissement des faits mais qu’elle ne dévbouche pas forcé -
ment sur des poursuites, dans la mesure où le procureur pourrait, au vvu
des résultats de cette enquête, considérer qu’il n’y a pavs lieu de pour -
suivre. Il considère qu’il s’agit simplement d’une obligation de moyens, à
laquelle il aurait satisfait.

83. De l’avis de la Cour, l’enquête préliminaire, prévue au pvaragraphe 2
de l’article 6, est destinée, comme toute enquête menée par les autoritésv
compétentes, à corroborer ou non les soupçons qui pèsent surv la personne
concernée. Cette enquête est conduite par les autorités qui sonvt chargées
d’établir un dossier en rassemblant les faits et les élémentvs de preuve, qu’il

s’agisse de documents ou de témoignages se rapportant aux évévnements
en cause et à l’implication éventuelle du suspect dans le contevxte en ques -
tion. Ainsi, la coopération des autorités tchadiennes aurait dû être sollici -
tée, dans le cas d’espèce, de même que celle de tout autre Evtat auprès
duquel des plaintes en relation avec cette affaire ont été déposées, pour
permettre à l’Etat de s’acquitter de son obligation de procévder à une

enquête préliminaire.
84. D’ailleurs, la convention souligne que, lorsqu’elles opèrent davns le
cadre de la compétence universelle, les autorités concernées dovivent être
aussi exigeantes en matière de preuve que lorsqu’elles sont compévtentes
en vertu d’un lien avec l’affaire en cause. C’est ainsi que lve paragraphe 2

de l’article 7 de la convention stipule :
«Dans les cas visés au paragraphe 2 de l’article 5, les règles de

preuve qui s’appliquent aux poursuites et à la condamnation ne sonvt
en aucune façon moins rigoureuses que celles qui s’appliquent dansv
les cas visés au paragraphe 1 de l’article 5. »

85. La Cour relève que le Sénégal n’a versé au dossier aucun vélément
démontrant que celui-ci a conduit une telle enquête au sujet de M. Habré,
en application du paragraphe 2 de l’article 6 de la convention. Il ne suffit
pas, comme le soutient le Sénégal, que l’Etat partie à la covnvention ait
adopté toutes les mesures législatives pour sa mise en œuvre, ivl faut encore

qu’il exerce sa compétence sur tout acte de torture en cause, en cvommen -
çant par établir les faits. L’interrogatoire de première comvparution auquel

35

6 CIJ1033.indb 66 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 453

graph 2, of the Convention, Belgium has pointed out that the nature of
the inquiry required by Article 6, paragraph 2, depends to some extent on

the legal system concerned, but also on the particular circumstances of v
the case. This would be the inquiry carried out before the case was tranvs-
mitted to the authorities responsible for prosecution, if the State decivded
to exercise its jurisdiction. Lastly, Belgium recalls that paragraph 4 of this
Article provides that interested States must be informed of the findings of

the inquiry, so that they may, if necessary, seek the extradition of thev
alleged offender. According to Belgium, there is no information beforev
the Court suggesting that a preliminary inquiry has been conducted by
Senegal, and it concludes from this that Senegal has violated Article 6,
paragraph 2, of the Convention.
82. Senegal, in answer to the same question, has maintained that the

inquiry is aimed at establishing the facts, but that it does not necessavrily
lead to prosecution, since the prosecutor may, in the light of the resulvts,
consider that there are no grounds for such proceedings. Senegal takes
the view that this is simply an obligation of means, which it claims to v
have fulfilled.

83. In the opinion of the Court, the preliminary inquiry provided for in
Article 6, paragraph 2, is intended, like any inquiry carried out by the
competent authorities, to corroborate or not the suspicions regarding thve
person in question. That inquiry is conducted by those authorities whichv
have the task of drawing up a case file and collecting facts and evidevnce ;

this may consist of documents or witness statements relating to the evenvts
at issue and to the suspect’s possible involvement in the matter concverned.
Thus the co-operation of the Chadian authorities should have been
sought in this instance, and that of any other State where complaints havve
been filed in relation to the case, so as to enable the State to fulfivl its obli
gation to make a preliminary inquiry.

84. Moreover, the Convention specifies that, when they are operating
on the basis of universal jurisdiction, the authorities concerned must bve
just as demanding in terms of evidence as when they have jurisdiction byv
virtue of a link with the case in question. Article 7, paragraph 2, of the

Convention thus stipulates :
“In the cases referred to in Article 5, paragraph 2, the standards of

evidence required for prosecution and conviction shall in no way be
less stringent than those which apply in the cases referred to in Arti -
cle 5, paragraph 1.”

85. The Court observes that Senegal has not included in the case file
any material demonstrating that the latter has carried out such an inquivry
in respect of Mr. Habré, in accordance with Article 6, paragraph 2, of the
Convention. It is not sufficient, as Senegal maintains, for a State parvty to
the Convention to have adopted all the legislative measures required forv

its implementation ; it must also exercise its jurisdiction over any act of
torture which is at issue, starting by establishing the facts. The questvion -

35

6 CIJ1033.indb 67 28/11/13 12:50 454 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

le juge d’instruction au tribunal régional hors classe de Dakar a vprocédé
aux fins de constater l’identité de M. Habré et de lui faire connaître les

faits qui lui étaient imputés ne peut être considéré commve la mise en
œuvre de l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article 6, puisqu’il
n’impliquait pas d’enquête relative aux charges pesant sur M. Habré.

86. Alors que le choix des moyens, pour mener l’enquête, reste entre

les mains des Etats parties, en tenant compte notamment de l’affairve
concernée, le paragraphe 2 de l’article 6 de la convention requiert que des
mesures soient prises aussitôt que le suspect est identifié sur vle territoire
de l’Etat, afin de conduire une enquête au sujet de ladite affvaire. En effet,
cette disposition doit être interprétée à la lumière de lv’objet et du but de

la convention, qui est d’accroître l’efficacité de la luttev contre la torture.
L’établissement des faits en question, qui constitue une étape vindispen -
sable dans ce processus, s’imposait en l’espèce, au moins à vpartir de l’an
2000, lorsqu’une plainte a été déposée au Sénégal cvontre M. Habré (voir
paragraphe 17 ci-dessus).
87. La Cour relève qu’une nouvelle plainte a été déposée cvontre

M. Habré à Dakar en 2008 (voir paragraphe 32 ci-dessus), après les modi-
fications législatives et constitutionnelles intervenues respectivevment en
2007 et 2008 afin de satisfaire aux exigences du paragraphe 2 de l’article 5
de la convention (voir paragraphes 28 et 31 ci-dessus). Mais rien dans les
éléments soumis à la Cour n’indique qu’une enquête prévliminaire ait été

ouverte à la suite de cette seconde plainte. D’ailleurs, le Sénvégal a déclaré
en 2010, devant la Cour de justice de la CEDEAO, qu’aucune procéduvre
ou aucun acte de poursuite n’étaient pendants contre M. Habré devant
ses juridictions.
88. La Cour constate que les autorités sénégalaises n’ont pas imvmédia-

tement engagé une enquête préliminaire dès le moment où evlles ont eu des
raisons de soupçonner M. Habré, qui se trouvait sur leur territoire, d’être
responsable d’actes de torture. Ce moment se situe, au plus tard, àv la date
du dépôt de la première plainte contre l’intéressé en 2000.
La Cour conclut en conséquence que le Sénégal a manqué à vson obliga -

tion au titre du paragraphe 2 de l’article 6 de la convention.

B. La violation alléguée de l’obligation prévue au paragraphe 1
de l’article 7 de la convention

89. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention :

«L’Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l’auteuvr
présumé d’une infraction visée à l’article 4 est découvert, s’il n’ex -

trade pas ce dernier, soumet l’affaire, dans les cas visés à vl’article 5, à
ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénvale.»

90. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires de la convention, lev
paragraphe 1 de l’article 7 s’inspire d’une disposition similaire contenue

36

6 CIJ1033.indb 68 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 454

ing at first appearance which the investigating judge at the Tribunal
régional hors classe in Dakar conducted in order to establish Mr. Habré’s

identity and to inform him of the acts of which he was accused cannot bev
regarded as performance of the obligation laid down in Article 6, para -
graph 2, as it did not involve any inquiry into the charges against
Mr. Habré.
86. While the choice of means for conducting the inquiry remains in

the hands of the States parties, taking account of the case in question,v
Article 6, paragraph 2, of the Convention requires that steps must be
taken as soon as the suspect is identified in the territory of the State, in
order to conduct an investigation of that case. That provision must be
interpreted in the light of the object and purpose of the Convention,

which is to make more effective the struggle against torture. The estavb -
lishment of the facts at issue, which is an essential stage in that procvess,
became imperative in the present case at least since the year 2000, when
a complaint was filed in Senegal against Mr. Habré (see paragraph 17
above).
87. The Court observes that a further complaint against Mr. Habré

was filed in Dakar in 2008 (see paragraph 32 above), after the legislative
and constitutional amendments made in 2007 and 2008, respectively,
which were enacted in order to comply with the requirements of Article 5,
paragraph 2, of the Convention (see paragraphs 28 and 31 above). But
there is nothing in the materials submitted to the Court to indicate thavt a

preliminary inquiry was opened following this second complaint. Indeed, v
in 2010 Senegal stated before the ECOWAS Court of Justice that no
proceedings were pending or prosecution ongoing against Mr. Habré in
Senegalese courts.
88. The Court finds that the Senegalese authorities did not immedi -

ately initiate a preliminary inquiry as soon as they had reason to suspevct
Mr. Habré, who was in their territory, of being responsible for acts of
torture. That point was reached, at the latest, when the first complaivnt
was filed against Mr. Habré in 2000.
The Court therefore concludes that Senegal has breached its obligation

under Article 6, paragraph 2, of the Convention.

B. The Alleged Breach of the Obligation Laid Down in Article 7,
Paragraph 1, of the Convention

89. Article 7, paragraph 1, of the Convention provides :

“The State Party in the territory under whose jurisdiction a person
alleged to have committed any offence referred to in Article 4 is found

shall in the cases contemplated in Article 5, if it does not extradite
him, submit the case to its competent authorities for the purpose of
prosecution.”

90. As is apparent from the travaux préparatoires of the Convention,
Article 7, paragraph 1, is based on a similar provision contained in the

36

6 CIJ1033.indb 69 28/11/13 12:50 455 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

dans la convention pour la répression de la capture illicite d’aévronefs,
signée à La Haye le 16 décembre 1970. L’obligation de soumettre l’affaire

aux autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénvale (ci-après
l’«obligation de poursuivre ») a été conçue de manière à laisser à celles-ci
le soin de décider s’il y a lieu ou non d’engager des poursuitevs, dans le
respect de l’indépendance du système judiciaire respectif des Evtats parties.
Les deux conventions précitées soulignent d’ailleurs que ces auvtorités

prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute invfrac -
tion de droit commun de caractère grave en vertu du droit de cet Etatv
(paragraphe 2 de l’article 7 de la convention contre la torture et article 7
de la convention de La Haye de 1970). Il en découle que les autorités
compétentes saisies gardent la maîtrise du déclenchement des povursuites,

en fonction des preuves à leur disposition et des règles pertinentves de la
procédure pénale.
91. L’obligation de poursuivre prévue au paragraphe 1 de l’article 7 est
normalement mise en œuvre, dans le contexte de la convention contre lva
torture, après que l’Etat s’est acquitté des autres obligations prévues dans
les articles précédents, qui lui imposent d’adopter une légivslation adé -

quate pour incriminer la torture, de conférer à ses tribunaux une vcompé-
tence universelle en la matière et d’effectuer une enquête povur établir les
faits. Ces obligations, dans leur ensemble, peuvent être considéréves comme
des éléments d’un même dispositif conventionnel visant à véviter que les
suspects ne puissent échapper à la mise en jeu, s’il y a lieu, vde leur respon-

sabilité pénale. La demande de la Belgique relative à l’applvication du
paragraphe 1 de l’article 7 soulève un certain nombre de questions, quant
à la nature et au sens de l’obligation qu’il contient, à sa vportée temporelle,
ainsi qu’à sa mise en œuvre en l’espèce.

1. La nature et le sens de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7

92. Selon la Belgique, l’Etat est tenu de poursuivre le suspect à partvir
du moment où il se trouve sur son territoire, qu’il ait ou non faivt l’objet
d’une demande d’extradition vers l’un des pays visés à l’article 5, para-
graphe 1 — c’est-à-dire si l’infraction a été commise sur le territovire de cet

Etat ou si l’un de ses ressortissants en est soit l’auteur présvumé, soit la
victime —, ou à l’article 5, paragraphe 3, c’est-à-dire d’autres Etats dont
la compétence pénale est exercée conformément aux lois natiovnales. Dans
les cas prévus à l’article 5, l’Etat peut consentir à l’extradition. Il s’agit là
d’une possibilité ouverte par la convention, et tel serait le sensv de la

maxime aut dedere aut judicare conformément à la convention. Ainsi, si
l’Etat n’opte pas pour l’extradition, son obligation de poursuivvre demeure
entière. Pour la Belgique, ce n’est que si, pour une raison ou unev autre,
l’Etat concerné n’engage pas de poursuites, et qu’une demandve d’extradi-
tion lui a été adressée, qu’il doit procéder à celle-cvi pour ne pas manquer
à l’obligation centrale dictée par la convention.

93. Pour sa part, le Sénégal estime que la convention lui impose certevs
l’obligation de poursuivre M. Habré, ce qu’il aurait entrepris de faire en

37

6 CIJ1033.indb 70 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 455

Convention for the Suppression of Unlawful Seizure of Aircraft, signed
at The Hague on 16 December 1970. The obligation to submit the case to

the competent authorities for the purpose of prosecution (hereinafter tvhe
“obligation to prosecute”) was formulated in such a way as to leavve it to
those authorities to decide whether or not to initiate proceedings, thusv
respecting the independence of States parties’ judicial systems. These two
conventions emphasize, moreover, that the authorities shall take their

decision in the same manner as in the case of any ordinary offence of va
serious nature under the law of the State concerned (Article 7, para -
graph 2, of the Convention against Torture and Article 7 of the Hague
Convention of 1970). It follows that the competent authorities involvedv
remain responsible for deciding on whether to initiate a prosecution, inv

the light of the evidence before them and the relevant rules of criminalv
procedure.
91. The obligation to prosecute provided for in Article 7, paragraph 1,
is normally implemented in the context of the Convention against Tor -
ture after the State has performed the other obligations provided for inv
the preceding articles, which require it to adopt adequate legislation tvo

enable it to criminalize torture, give its courts universal jurisdictionv in the
matter and make an inquiry into the facts. These obligations, taken as av
whole, may be regarded as elements of a single conventional mechanism
aimed at preventing suspects from escaping the consequences of their
criminal responsibility, if proven. Belgium’s claim relating to the avpplica-

tion of Article 7, paragraph 1, raises a certain number of questions
regarding the nature and meaning of the obligation contained therein andv
its temporal scope, as well as its implementation in the present case.

1. The nature and meaning of the obligation laid down in Artic7 le, paragraph1

92. According to Belgium, the State is required to prosecute the suspect
as soon as the latter is present in its territory, whether or not he hasv been
the subject of a request for extradition to one of the countries referrevd to
in Article 5, paragraph 1 — that is, if the offence was committed within the

territory of the latter State, or if one of its nationals is either the valleged
perpetrator or the victim — or in Article 5, paragraph 3, that is, another
State with criminal jurisdiction exercised in accordance with its internval
law. In the cases provided for in Article 5, the State can consent to extradi-
tion. This is a possibility afforded by the Convention, and, accordingv to

Belgium, that is the meaning of the maxim aut dedere aut judicare under
the Convention. Thus, if the State does not opt for extradition, its oblviga -
tion to prosecute remains unaffected. In Belgium’s view, it is onlyv if for
one reason or another the State concerned does not prosecute, and a
request for extradition is received, that that State has to extradite ifv it is to
avoid being in breach of this central obligation under the Convention.

93. For its part, Senegal takes the view that the Convention certainly
requires it to prosecute Mr. Habré, which it claims it has endeavoured to

37

6 CIJ1033.indb 71 28/11/13 12:50 456 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

suivant le processus juridique prévu par ce texte, mais il estime n’vavoir
aucune obligation à l’égard de la Belgique, au titre de la convvention, d’ex -

trader l’intéressé.
94. La Cour considère que le paragraphe 1 de l’article 7 impose à l’Etat
concerné l’obligation de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes
pour l’exercice de l’action pénale, indépendamment de l’evxistence, au pré -
alable, d’une demande d’extradition à l’encontre du suspect.v C’est pour

cela que le paragraphe 2 de l’article 6 oblige l’Etat à procéder immédiate -
ment à une enquête préliminaire, aussitôt que le suspect se vtrouve sur son
territoire. L’obligation de saisine des autorités compétentes, ven vertu du
paragraphe 1 de l’article 7, peut déboucher ou non sur l’engagement de
poursuites en fonction de l’appréciation par celles-ci des élévments de

preuve à leur disposition, relatifs aux charges qui pèsent sur le vsuspect.
95. En revanche, si l’Etat sur le territoire duquel se trouve le suspect est
saisi d’une demande d’extradition dans l’un des cas prévus pvar les disposi -
tions de la convention, il peut se libérer de son obligation de poursvuivre en
faisant droit à la demande d’extradition. Il en résulte que le vchoix entre
l’extradition et l’engagement des poursuites, en vertu de la convevntion, ne

revient pas à mettre les deux éléments de l’alternative sur vle même plan. En
effet, l’extradition est une option offerte par la convention àv l’Etat, alors
que la poursuite est une obligation internationale, prévue par la conven -
tion, dont la violation engage la responsabilité de l’Etat pour favit illicite.

2. La portée temporelle de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7

96. Un membre de la Cour a demandé aux Parties, en premier lieu, si
les obligations incombant au Sénégal en vertu du paragraphe 1 de l’ar -
ticle 7 de la convention s’appliquaient aux infractions prétendument comv -
mises avant le 26 juin 1987, date à laquelle la convention est entrée en

vigueur pour le Sénégal et, en deuxième lieu, si, dans les circvonstances de
la présente affaire, lesdites obligations s’étendaient aux invfractions préten -
dument commises avant le 25 juin 1999, date à laquelle la convention est
entrée en vigueur pour la Belgique (voir paragraphe 19 ci-dessus). Ces
questions se rapportent à l’application dans le temps du paragraphve 1 de

l’article 7 de la convention, en fonction du moment où les infractions sont
présumées avoir été commises et des dates d’entrée en vvigueur de la
convention pour chacune des Parties.
97. Dans leurs réponses, les Parties conviennent que les actes de tor -
ture sont considérés par le droit international coutumier comme devs

crimes internationaux, indépendamment de la convention.
98. En ce qui concerne le premier aspect de la question posée par le
membre de la Cour, sur le point de savoir si la convention s’applique aux
infractions commises avant le 26 juin 1987, la Belgique soutient que la
violation alléguée de l’obligation aut dedere aut judicare s’est produite
après l’entrée en vigueur de la convention pour le Sénégavl, quand bien

même les actes de torture allégués se seraient produits avant cvette date.
En outre, la Belgique fait valoir que le paragraphe 1 de l’article 7 vise à

38

6 CIJ1033.indb 72 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 456

do by following the legal procedure provided for in that instrument, butv
that it has no obligation to Belgium under the Convention to extradite

him.
94. The Court considers that Article 7, paragraph 1, requires the State
concerned to submit the case to its competent authorities for the purposve
of prosecution, irrespective of the existence of a prior request for thev
extradition of the suspect. That is why Article 6, paragraph 2, obliges the

State to make a preliminary inquiry immediately from the time that the
suspect is present in its territory. The obligation to submit the case tvo the
competent authorities, under Article 7, paragraph 1, may or may not
result in the institution of proceedings, in the light of the evidence bvefore
them, relating to the charges against the suspect.

95. However, if the State in whose territory the suspect is present has
received a request for extradition in any of the cases envisaged in the
provisions of the Convention, it can relieve itself of its obligation tov pro-
secute by acceding to that request. It follows that the choice between
extradition or submission for prosecution, pursuant to the Convention,

does not mean that the two alternatives are to be given the same weight.v
Extradition is an option offered to the State by the Convention, whereas
prosecution is an international obligation under the Convention, the viov-
lation of which is a wrongful act engaging the responsibility of the Stavte.

2. The temporal scope of the obligation laid down in Article 7, paragraph 1

96. A Member of the Court asked the Parties, first, whether the obliga -
tions incumbent upon Senegal under Article 7, paragraph 1, of the Con -
vention applied to offences alleged to have been committed before
26 June 1987, the date when the Convention entered into force for

Senegal, and, secondly, if, in the circumstances of the present case, thvose
obligations extended to offences allegedly committed before 25 June 1999,
the date when the Convention entered into force for Belgium (see para -
graph 19 above). Those questions relate to the temporal application of
Article 7, paragraph 1, of the Convention, according to the time when the

offences are alleged to have been committed and the dates of entry into
force of the Convention for each of the Parties.

97. In their replies, the Parties agree that acts of torture are regarded
by customary international law as international crimes, independently ofv

the Convention.
98. As regards the first aspect of the question put by the Member of
the Court, namely whether the Convention applies to offences committedv
before 26 June 1987, Belgium contends that the alleged breach of the obli-
gation aut dedere aut judicare occurred after the entry into force of the
Convention for Senegal, even though the alleged acts occurred before

that date. Belgium further argues that Article 7, paragraph 1, is intended
to strengthen the existing law by laying down specific procedural oblivga-

38

6 CIJ1033.indb 73 28/11/13 12:50 457 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

renforcer le droit existant en énonçant des obligations procéduvrales spé -

cifiques dont l’objet est d’assurer qu’il n’y aura pas d’vimpunité et que,
dans ces conditions, ces obligations de procédure pourraient s’appliquer
à des crimes commis avant l’entrée en vigueur de la convention vpour le
Sénégal. Ce dernier, de son côté, ne nie pas que l’obligation prévue au
paragraphe 1 de l’article7 puisse s’appliquer aux infractionsprétendument

commises avant le 26 juin 1987.
99. Selon la Cour, l’interdiction de la torture relève du droit inter-
national coutumier et elle a acquis le caractère de norme impérativve
(jus cogens).
Cette interdiction repose sur une pratique internationale élargie et vsur

l’opinio juris des Etats. Elle figure dans de nombreux instruments inter-
nationaux à vocation universelle (notamment la Déclaration univervselle
des droits de l’homme de 1948; les conventions de Genève pour la protec -
tion des victimes de guerre de 1949 ; le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques de 1966 ; la résolution 3452/30 de l’Assemblée

générale sur la protection de toutes les personnes contre la tortuvre et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en datev
du 9 décembre 1975), et elle a été introduite dans le droit internev de la
quasi-totalité des Etats ; enfin, les actes de torture sont dénoncés
régulièrement au sein des instances nationales et internationales.v

100. Toutefois, l’obligation de poursuivre les auteurs présumés d’actes
de torture, en vertu de la convention, ne s’applique qu’aux faits vsurvenus
après son entrée en vigueur pour l’Etat concerné. L’articvle 28 de la
convention de Vienne sur le droit des traités, qui reflète le drvoit coutumier
en la matière, dispose que :

«A moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou vne
soit par ailleurs établie, les dispositions d’un traité ne lienvt pas une

partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d’ventrée
en vigueur de ce traité au regard de cette partie ou une situation qui
avait cessé d’exister à cette date. »

La Cour relève que rien dans la convention contre la torture ne révèle une
intention d’obliger un Etat partie à incriminer, en vertu de l’article 4, les
actes de torture intervenus préalablement à son entrée en viguevur pour cet
Etat, ni à établir sa compétence pour de tels actes, conformévment à

l’article 5. Il en découle, selon la Cour, que l’obligation de poursuivre,
prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la convention ne s’applique pas à de
tels actes.
101. Le Comité contre la torture a souligné, en particulier, dans sa
décision rendue le 23 novembre 1989 dans l’affaire O. R., M. M. et M. S.
os
c. Argentine (communications n 1/1988, 2/1988 et 3/1988, décision du
23 novembre 1989, par. 7.5, Documents officiels de l’Assemblée générale,
quarante-cinquième session, supplément n o44, Nations Unies, doc. A/45/44,
annexe V, p. 118) que « les cas de « torture» aux fins de la convention ne
peuvent s’entendre que des cas de torture survenus après l’entrée en

vigueur de la convention». Cependant, lorsque le Comité a examiné le cas

39

6 CIJ1033.indb 74 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 457

tions, the purpose of which is to ensure that there will be no impunity vand
that, in these circumstances, those procedural obligations could apply tvo

crimes committed before the entry into force of the Convention for
Senegal. For its part, the latter does not deny that the obligation provvided
for in Article 7, paragraph 1, can apply to offences allegedly committed
before 26 June 1987.

99. In the Court’s opinion, the prohibition of torture is part of custom-
ary international law and it has become a peremptory norm (jus cogens).

That prohibition is grounded in a widespread international practice
and on the opinio juris of States. It appears in numerous international
instruments of universal application (in particular the Universal Declavra -

tion of Human Rights of 1948, the 1949 Geneva Conventions for the pro-
tection of war victims ; the International Covenant on Civil and Political
Rights of 1966; General Assembly resolution 3452/30 of 9 December 1975
on the Protection of All Persons from Being Subjected to Torture and
Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment), and it

has been introduced into the domestic law of almost all States ; finally,
acts of torture are regularly denounced within national and internationavl
fora.
100. However, the obligation to prosecute the alleged perpetrators of
acts of torture under the Convention applies only to facts having occurrved

after its entry into force for the State concerned. Article 28 of the Vienna
Convention on the Law of Treaties, which reflects customary law on thev
matter, provides :

“Unless a different intention appears from the treaty or is otherwivse
established, its provisions do not bind a party in relation to any act
or fact which took place or any situation which ceased to exist before
the date of the entry into force of that treaty with respect to that
party.”

The Court notes that nothing in the Convention against Torture reveals
an intention to require a State party to criminalize, under Article 4, acts

of torture that took place prior to its entry into force for that State,v or to
establish its jurisdiction over such acts in accordance with Article 5. Con -
sequently, in the view of the Court, the obligation to prosecute, under v
Article 7, paragraph 1, of the Convention does not apply to such acts.

101. The Committee against Torture emphasized, in particular, in its
decision of 23 November 1989 in the case of O. R., M. M. and M. S. v.
Argentina (communications Nos. 1/1988, 2/1988 and 3/1988, decision of
23 November 1989, para. 7.5, Official Documents of the General Assem -
bly, Forty-Fifth Session, Supplement No. 44, UN doc. A/45/44, Ann. V,
p. 112) that “ ‘torture’ for purposes of the Convention can only mean

torture that occurs subsequent to the entry into force of the Conventionv”.
However, when the Committee considered Mr. Habré’s situation, the

39

6 CIJ1033.indb 75 28/11/13 12:50 458 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

de M. Habré, la question de la portée temporelle des obligations conte -

nues dans la convention n’avait pas été soulevée et le Comitvé ne s’est
pas penché d’office sur cette question (Guengueng et autres c. Sénégal
(communication n 181/2001, décision du 17 mai 2006, Nations Unies,
doc. CAT/C/36/D/181/2001)).
102. La Cour conclut que l’obligation de poursuivre incombant au

Sénégal, en vertu du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention, ne vaut
pas pour les actes prétendument commis avant l’entrée en vigueuvr de cet
instrument à son égard, le 26 juin 1987. Elle rappellera toutefois que,
parmi les griefs formulés à l’encontre de M. Habré, figurent nombre d’in -
fractions graves prétendument commises après cette date (voir parva -

graphes 17, 19-21 et 32 ci-dessus). En conséquence, le Sénégal est dans
l’obligation de soumettre les allégations relatives à ces actesv à ses autori-
tés compétentes pour l’exercice de l’action pénale. Bien vque la convention
n’impose pas au Sénégal d’engager des poursuites en ce qui cvoncerne des
actes qui ont été commis avant le 26 juin 1987, rien dans cet instrument

ne l’empêche de procéder ainsi.
103. La Cour en vient maintenant au second aspect de la question
posée par un membre de la Cour, sur le point de savoir quel était vl’effet
de la date d’entrée en vigueur de la convention, pour la Belgique,v sur la
portée de l’obligation de poursuivre. La Belgique soutient que le Sénégal

était toujours tenu par l’obligation de poursuivre M. Habré, après qu’elle
est devenue elle-même partie à cette convention, et qu’elle servait dès lors
en droit d’en invoquer devant la Cour les manquements survenus aprèvs le
25 juillet 1999. Le Sénégal conteste à la Belgique le droit de mettre en

cause sa responsabilité pour des faits qui seraient antérieurs àv cette date.
Il considère que l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7 appar -
tient à «la catégorie des obligations erga omnes divisibles», dans la mesure
où seul l’Etat lésé pouvait en demander la sanction. Le Sévnégal en déduit
que la Belgique ne pouvait se prévaloir du statut d’Etat lésév pour des faits

antérieurs au 25 juillet 1999 et n’était pas à même de réclamer une appli -
cation rétroactive de la convention à son égard.
104. Selon la Cour, la Belgique est en droit de lui demander, à compter
du 25 juillet 1999, date à laquelle elle est devenue partie à la convention,
de se prononcer sur le respect par le Sénégal de son obligation auv titre du

paragraphe 1 de l’article 7. Dans le cas d’espèce, la Cour relève que la
Belgique invoque la responsabilité du Sénégal pour le comportement de
celui-ci à partir de l’an 2000, lorsqu’une plainte a été déposée contre
M. Habré au Sénégal (voir paragraphe 17 ci-dessus).
105. La Cour note que les constatations qui précèdent valent égale -

ment pour l’application dans le temps de l’article 6, paragraphe 2, de la
convention.

3. La mise en œuvre de l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’article 7

106. La Belgique, tout en reconnaissant que le délai d’exécution de v

l’obligation de poursuivre dépend des circonstances de chaque affvaire et

40

6 CIJ1033.indb 76 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 458

question of the temporal scope of the obligations contained in the Con -
vention was not raised, nor did the Committee itself address that questivon

(Guengueng et al. v. Senegal (communication No. 181/2001, decision of
17 May 2006, UN doc. CAT/C/36/D/181/2001)).

102. The Court concludes that Senegal’s obligation to prosecute pursu-
ant to Article 7, paragraph 1, of the Convention does not apply to acts

alleged to have been committed before the Convention entered into force v
for Senegal on 26 June 1987. The Court would recall, however, that the
complaints against Mr. Habré include a number of serious offences alle-
gedly committed after that date (see paragraphs 17, 19-21 and 32 above).
Consequently, Senegal is under an obligation to submit the allegations

concerning those acts to its competent authorities for the purpose of
prosecution. Although Senegal is not required under the Convention to
institute proceedings concerning acts that were committed before 26 June
1987, nothing in that instrument prevents it from doing so.

103. The Court now comes to the second aspect of the question put by

a Member of the Court, namely, what was the effect of the date of entrvy
into force of the Convention, for Belgium, on the scope of the obligatiovn
to prosecute. Belgium contends that Senegal was still bound by the obli -
gation to prosecute Mr. Habré after Belgium had itself become party to
the Convention, and that it was therefore entitled to invoke before the v

Court breaches of the Convention occurring after 25 July 1999. Senegal
disputes Belgium’s right to engage its responsibility for acts allegevd to
have occurred prior to that date. It considers that the obligation provivded
for in Article 7, paragraph 1, belongs to “the category of divisible
erga omnes obligations”, in that only the injured State could call for its

breach to be sanctioned. Senegal accordingly concludes that Belgium was v
not entitled to rely on the status of injured State in respect of acts pvrior to
25 July 1999 and could not seek retroactive application of the Conven -
tion.
104. The Court considers that Belgium has been entitled, with effect

from 25 July 1999, the date when it became party to the Convention, to
request the Court to rule on Senegal’s compliance with its obligation
under Article 7, paragraph 1. In the present case, the Court notes that
Belgium invokes Senegal’s responsibility for the latter’s conduct vstarting
in the year 2000, when a complaint was filed against Mr. Habré in
Senegal (see paragraph 17 above).

105. The Court notes that the previous findings are also valid for the
temporal application of Article 6, paragraph 2, of the Convention.

3. Implementation of the obligation laid down in Article 7, paragraph 1

106. Belgium, while recognizing that the time frame for implementa -
tion of the obligation to prosecute depends on the circumstances of each

40

6 CIJ1033.indb 77 28/11/13 12:50 459 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

en particulier des preuves assemblées, estime que l’Etat sur le tevrritoire
duquel se trouve le suspect ne peut retarder indéfiniment l’exévcution de

l’obligation qui lui incombe de saisir les autorités compétentevs pour
l’exercice de l’action pénale. Les atermoiements de celui-ci povurraient,
selon la Belgique, porter atteinte aussi bien aux droits des victimes quv’à
ceux de l’accusé. Quant aux difficultés financières invoqvuées par le Séné -
gal (voir paragraphes 28-29 et 33 ci-dessus), elles ne sauraient justifier que

celui-ci n’ait rien entrepris pour mener l’enquête et engager lves poursuites.
107. Il en irait de même, selon la Belgique, de la saisine par le Sénévgal
de l’Union africaine en janvier 2006, laquelle ne dispenserait pas ce pays
de s’acquitter de ses obligations au titre de la convention. D’ailvleurs, la
conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africvaine, lors
de sa septième session en juillet 2006 (voir paragraphe 23 ci-dessus), avait

mandaté le Sénégal pour « poursuivre et faire juger, au nom de l’Afrique,
Hissène Habré par une juridiction sénégalaise avec les garanvties d’un pro -
cès juste» (Union africaine, doc. Assembly/AU/DEC.127 (VII), par. 5).
108. Quant aux difficultés d’ordre juridique que le Sénégal auravit ren -
contrées dans l’exécution de ses obligations aux termes de la cvonvention,

la Belgique soutient que le Sénégal ne saurait invoquer son droit vinterne
pour se soustraire à sa responsabilité internationale. En outre, lva Belgique
rappelle que l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO en date duv
18 novembre 2010 (voir paragraphe 35 ci-dessus), qui considère que la
règle de non-rétroactivité des lois pénales pourrait êtrev violée par la modi -

fication du code pénal sénégalais intervenue en 2007 et qui evstime que
la procédure contre Hissène Habré devrait être menée devant une juri-
diction ad hoc à caractère international, ne saurait être invoqué à sonv
encontre. La Belgique souligne que, si le Sénégal se trouve désvormais
confronté à une situation de conflit entre deux obligations intevrnationales
du fait de cette décision, cela résulte de ses propres carences davns la mise

en œuvre de la convention contre la torture.
109. Le Sénégal a pour sa part réitéré, tout au long de la procédure,
son intention de se conformer à l’obligation que lui impose le parva -
graphe 1 de l’article 7 de la convention, en prenant les mesures nécessaires
pour engager des poursuites contre M. Habré. Le Sénégal soutient qu’il

n’a cherché des appuis financiers que pour préparer le procèvs dans de
bonnes conditions, étant donné les singularités de celui-ci, covmpte tenu
du nombre des victimes, de l’éloignement des témoins et de la dvifficulté de
rassembler les preuves. Il prétend n’avoir jamais voulu, par ce biais, justi -
fier l’inexécution de ses obligations conventionnelles. De même, le Séné -

gal n’aurait pas entendu, en saisissant l’Union africaine, se dévcharger de
ses obligations.
110. En outre, le Sénégal relève que l’arrêt de la Cour de jusvtice de la
CEDEAO n’est pas une contrainte d’ordre interne. Tout en gardant à
l’esprit son devoir de respecter son obligation conventionnelle, il nv’en est
pas moins soumis à l’autorité de la décision de cette Cour commu -

nautaire. Ainsi, cette décision aurait enjoint au Sénégal de chvanger le
processus commencé en 2006 et qui devait déboucher sur un procès à

41

6 CIJ1033.indb 78 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 459

case, and in particular on the evidence gathered, considers that the Stavte
in whose territory the suspect is present cannot indefinitely delay per -

forming the obligation incumbent upon it to submit the matter to its
competent authorities for the purpose of prosecution. Procrastination onv
the latter’s part could, according to Belgium, violate both the rightvs of the
victims and those of the accused. Nor can the financial difficulties vinvoked
by Senegal (see paragraphs 28-29 and 33 above) justify the fact that the

latter has done nothing to conduct an inquiry and initiate proceedings.
107. The same applies, according to Belgium, to Senegal’s referral of
the matter to the African Union in January 2006, which does not exempt
it from performing its obligations under the Convention. Moreover, at itvs
seventh session in July 2006 (see paragraph 23 above), the Summit of
African Union Heads of State and Government mandated Senegal “to

prosecute and ensure that Hissène Habré is tried, on behalf of Africa, by
a competent Senegalese court with guarantees for fair trial” (Africavn
Union, doc. Assembly/AU/DEC.127 (VII), para. 5).
108. With regard to the legal difficulties which Senegal claims to have
faced in performing its obligations under the Convention, Belgium con -

tends that Senegal cannot rely on its domestic law in order to avoid itsv
international responsibility. Moreover, Belgium recalls the judgment of v
the ECOWAS Court of Justice of 18 November 2010 (see paragraph 35
above), which considered that Senegal’s amendment to its Penal Code vin
2007 might be contrary to the principle of non-retroactivity of criminal

laws, and deemed that proceedings against Hissène Habré should be con -
ducted before an ad hoc court of an international character, arguing that
this judgment cannot be invoked against it. Belgium emphasizes that, if v
Senegal is now confronted with a situation of conflict between two intver -
national obligations as a result of that decision, that is the result ofv its
own failings in implementing the Convention against Torture.

109. For its part, Senegal has repeatedly affirmed, throughout the pro -
ceedings, its intention to comply with its obligation under Article 7, para -
graph 1, of the Convention, by taking the necessary measures to institute
proceedings against Mr. Habré. Senegal contends that it only sought

financial support in order to prepare the trial under favourable condiv -
tions, given its unique nature, having regard to the number of victims, the
distance that witnesses would have to travel and the difficulty of gathver -
ing evidence. It claims that it has never sought, on these grounds, to
justify the non-performance of its conventional obligations. Likewise,

Senegal contends that, in referring the matter to the African Union, it v
was never its intention to relieve itself of its obligations.
110. Moreover, Senegal observes that the judgment of the ECOWAS
Court of Justice is not a constraint of a domestic nature. While bearingv in
mind its duty to comply with its conventional obligation, it contends thvat
it is nonetheless subject to the authority of that court. Thus, Senegal v

points out that that decision required it to make fundamental changes tov
the process begun in 2006, designed to result in a trial at the nationalv

41

6 CIJ1033.indb 79 28/11/13 12:50 460 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

l’échelle nationale, pour mobiliser les efforts afin de créver un tribunal ad
hoc à caractère international, mécanisme dont la mise en place servait plus

lourde.
111. La Cour considère que les obligations qui incombent au Sénégal v
au titre de la convention ne sauraient être affectées par la dévcision de la
Cour de justice de la CEDEAO.
112. La Cour est d’avis que les difficultés financières soulevéves par le

Sénégal ne peuvent justifier qu’il n’ait pas engagé de vpoursuites contre
M. Habré. D’ailleurs, le Sénégal lui-même affirme qu’il vn’a jamais invoqué
la question de l’appui financier pour justifier un manquement àv une obli -
gation lui incombant. D’autre part, la saisine de l’Union africaine, comme
le Sénégal l’admet lui-même, ne peut justifier le retard pris dans le respect
par celui-ci de ses engagements au titre de la convention. La diligence vque

doivent assurer les autorités de l’Etat du for, dans la conduite dve la procé -
dure, est destinée également à garantir au suspect un traitemenvt équitable
à tous les stades de celle-ci (article 7, paragraphe 3, de la convention).
113. La Cour fait observer que, en vertu de l’article 27 de la conven -
tion de Vienne sur le droit des traités, qui reflète le droit invternational

coutumier, le Sénégal ne peut justifier son manquement à l’vobligation pré -
vue au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention contre la torture en
invoquant son droit interne, notamment les décisions d’incompétence
rendues par les juridictions sénégalaises en 2000 et 2001, et le fait qu’il
n’ait adopté qu’en 2007 la législation nécessaire, conforvmément au para -

graphe 2 de l’article 5 de ladite convention.
114. Le paragraphe 1 de l’article 7 de la convention ne contient aucune
indication quant aux délais d’exécution de l’obligation qu’vil prévoit,
mais le texte implique nécessairement que celle-ci doit s’appliquevr dans
un délai raisonnable, de façon compatible avec l’objet et le but dve la
convention.

115. La Cour considère que l’obligation de l’Etat de poursuivre, prév -
vue au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention, est destinée à per -
mettre la réalisation de l’objet et du but de celle-ci, qui est «v d’accroître
l’efficacité de la lutte contre la torture » (préambule de la convention).
C’est pour cela que les poursuites doivent être engagées sans rvetard.

116. En réponse à une question posée par un membre de la Cour
concernant la date à laquelle aurait eu lieu la violation du paragrapvhe 1
de l’article 7 qu’elle allègue, la Belgique a répondu que cette date pouvaitv
se situer en l’an 2000, lors du dépôt d’une plainte contre Mv. Habré (voir

paragraphe 17 ci-dessus), ou plus tard, en mars 2001, quand la Cour de
cassation a confirmé la décision de la cour d’appel de Dakar,v qui a annulé
la procédure concernant M. Habré pour incompétence des juridictvions
sénégalaises (voir paragraphe 18 ci-dessus).
117. La Cour conclut que l’obligation prévue au paragraphe 1 de l’ar -
ticle 7 imposait au Sénégal de prendre toutes les mesures nécessaires pour

sa mise en œuvre dans les meilleurs délais, en particulier une fois que la
première plainte avait été déposée contre M. Habré en 2000. Le Sénégal

42

6 CIJ1033.indb 80 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 460

level, and to mobilize effort in order to create an ad hoc tribunal of
an international character, the establishment of which would be more

cumbersome.
111. The Court considers that Senegal’s duty to comply with its obliga-
tions under the Convention cannot be affected by the decision of the
ECOWAS Court of Justice.
112. The Court is of the opinion that the financial difficulties raised byv

Senegal cannot justify the fact that it failed to initiate proceedings avgainst
Mr. Habré. For its part, Senegal itself states that it has never sought tvo
use the issue of financial support to justify any failure to comply wivth an
obligation incumbent upon it. Moreover, the referral of the matter to thve
African Union, as recognized by Senegal itself, cannot justify the lattevr’s
delays in complying with its obligations under the Convention. The dili -

gence with which the authorities of the forum State must conduct the
proceedings is also intended to guarantee the suspect fair treatment at vall
stages of the proceedings (Article 7, paragraph 3, of the Convention).
113. The Court observes that, under Article 27 of the Vienna Conven -
tion on the Law of Treaties, which reflects customary law, Senegal cannot

justify its breach of the obligation provided for in Article 7, paragraph 1,
of the Convention against Torture by invoking provisions of its internalv
law, in particular by invoking the decisions as to lack of jurisdiction vren -
dered by its courts in 2000 and 2001, or the fact that it did not adopt vthe
necessary legislation pursuant to Article 5, paragraph 2, of that Conven -

tion until 2007.
114. While Article 7, paragraph 1, of the Convention does not contain
any indication as to the time frame for performance of the obligation fovr
which it provides, it is necessarily implicit in the text that it must bve
implemented within a reasonable time, in a manner compatible with the
object and purpose of the Convention.

115. The Court considers that the obligation on a State to prosecute,
provided for in Article 7, paragraph 1, of the Convention, is intended to
allow the fulfilment of the Convention’s object and purpose, which vis “to
make more effective the struggle against torture” (Preamble to thev Con -
vention). It is for that reason that proceedings should be undertaken

without delay.
116. In response to a question put by a Member of the Court concern -
ing the date of the violation of Article 7, paragraph 1, alleged by Belgium,
it replied that that date could fall in the year 2000, when a complaint
against Mr. Habré was filed (see paragraph 17 above), or later, in

March 2001, when the Court of Cassation confirmed the decision of the
Dakar Court of Appeal, annulling the proceedings in respect of Mr. Habré
on the ground that the Senegalese courts lacked jurisdiction (see para -
graph 18 above).
117. The Court finds that the obligation provided for in Article 7,
paragraph 1, required Senegal to take all measures necessary for its imple -

mentation as soon as possible, in particular once the first complaint vhad
been filed against Mr. Habré in 2000. Having failed to do so, Senegal has

42

6 CIJ1033.indb 81 28/11/13 12:50 461 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

ne l’ayant pas fait, il a manqué, et continue de manquer, aux oblivgations
qui lui incombent au titre du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention.

V. Les remèdes

118. La Cour relève que la Belgique, dans ses conclusions finales, prie vla
Cour de dire et de juger, premièrement, que le Sénégal a violév ses obliga -

tions internationales en n’ayant pas introduit dans son droit internev et en
temps utile les dispositions nécessaires permettant aux autorités vjudiciaires
sénégalaises d’exercer la compétence universelle prévue avu paragraphe 2 de
l’article 5 de la convention contre la torture, et qu’il a violé et viole sevs
obligations internationales découlant du paragraphe 2 de l’article 6 et du
paragraphe 1 de l’article 7 de la convention en s’abstenant de poursuivre

pénalement M. Habré pour les crimes qu’il aurait commis, ou, à défaut, de
l’extrader vers la Belgique aux fins de telles poursuites pénalevs. Deuxième -
ment, la Belgique prie la Cour de dire et de juger que le Sénégal est tenu de
mettre fin à ces faits internationalement illicites en soumettant svans délai le
«dossier Hissène Habré » à ses autorités compétentes pour l’exercice de

l’action pénale, ou, à défaut, en extradant M. Habré sans plus attendre
vers la Belgique (voir paragraphe 14 ci-dessus).
119. La Cour rappelle que le fait que le Sénégal n’ait adopté qu’ven
2007 les mesures législatives nécessaires à l’engagement desv poursuites sur
la base de la compétence universelle a retardé la mise en œuvrev de ses

autres obligations prévues par la convention. La Cour rappelle égavlement
que le Sénégal a manqué à son obligation, au titre du paragrvaphe 2 de
l’article 6, de procéder à une enquête préliminaire au sujet des crimevs de
torture qui auraient été commis par M. Habré, ainsi qu’à l’obligation, au
titre du paragraphe 1 de l’article 7, de soumettre l’affaire à ses autorités
compétentes pour l’exercice de l’action pénale.

120. Ces dispositions conventionnelles visent à éviter l’impunitév des
auteurs présumés d’actes de torture, en faisant en sorte qu’vils ne puissent
pas trouver refuge auprès de l’un quelconque des Etats parties. L’vEtat sur
le territoire duquel se trouve le suspect a certes la possibilité d’extrader ce
dernier vers un pays qui en a fait la demande, mais à condition que cve soit

vers l’un des Etats prévus à l’article 5 de la convention, qui est compétent,
à un titre ou à un autre, pour le poursuivre et le juger.
121. La Cour souligne que, en manquant à ses obligations au titre du
paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’article 7 de la conven -
tion, le Sénégal a engagé sa responsabilité internationale. Dès lors, s’agis -

sant d’un fait illicite à caractère continu, il est tenu d’y mettre fin, en vertu
du droit international général en matière de responsabilité vde l’Etat pour
fait internationalement illicite. Le Sénégal doit ainsi prendre savns autre
délai les mesures nécessaires en vue de saisir ses autorités covmpétentes
pour l’exercice de l’action pénale, s’il n’extrade pas M.v Habré.

*
* *

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6 CIJ1033.indb 82 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 461

breached and remains in breach of its obligations under Article 7, para -
graph 1, of the Convention.

V. Remedies

118. The Court notes that, in its final submissions, Belgium requests the
Court to adjudge and declare, first, that Senegal breached its internavtional

obligations by failing to incorporate in due time into its domestic law vthe
provisions necessary to enable the Senegalese judicial authorities to exver -
cise the universal jurisdiction provided for in Article5, paragraph 2, of the
Convention against Torture, and that it has breached and continues to
breach its international obligations under Article 6, paragraph 2, and
Article 7, paragraph 1, of the Convention by failing to bring criminal pro -

ceedings against Mr. Habré for the crimes he is alleged to have committed,
or, otherwise, to extradite him to Belgium for the purposes of such criminal
proceedings. Secondly, Belgium requests the Court to adjudge and declarev
that Senegal is required to cease these internationally wrongful acts byv
submitting without delay the “Hissène Habré case” to its comvpetent

authorities for the purpose of prosecution, or, failing that, by extradivting
Mr. Habré to Belgium without further ado (see paragraph 14 above).
119. The Court recalls that Senegal’s failure to adopt until 2007 the
legislative measures necessary to institute proceedings on the basis of vuni -
versal jurisdiction delayed the implementation of its other obligations v

under the Convention. The Court further recalls that Senegal was in
breach of its obligation under Article 6, paragraph 2, of the Convention
to make a preliminary inquiry into the crimes of torture alleged to
have been committed by Mr. Habré, as well as of the obligation under
Article 7, paragraph 1, to submit the case to its competent authorities
for the purpose of prosecution.

120. The purpose of these treaty provisions is to prevent alleged perpe -
trators of acts of torture from going unpunished, by ensuring that they v
cannot find refuge in any State party. The State in whose territory thve
suspect is present does indeed have the option of extraditing him to a
country which has made such a request, but on the condition that it is tvo

a State which has jurisdiction in some capacity, pursuant to Article 5 of
the Convention, to prosecute and try him.
121. The Court emphasizes that, in failing to comply with its obliga -
tions under Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of the Con-
vention, Senegal has engaged its international responsibility. Consequenvtly,

Senegal is required to cease this continuing wrongful act, in accordancev
with general international law on the responsibility of States for intervna -
tionally wrongful acts. Senegal must therefore take without further delavy
the necessary measures to submit the case to its competent authorities fvor
the purpose of prosecution, if it does not extradite Mr. Habré.

*
* *

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6 CIJ1033.indb 83 28/11/13 12:50 462 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

122. Par ces motifs,

La Cour,

1) A l’unanimité,

Dit qu’elle a compétence pour connaître du différend entre levs Parties
concernant l’interprétation et l’application de l’article 6, paragraphe 2, et
de l’article 7, paragraphe 1, de la convention des Nations Unies contre la

torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradanvts
du 10 décembre 1984, dont le Royaume de Belgique a saisi la Cour par
requête déposée au Greffe le 19 février 2009 ;

2) Par quatorze voix contre deux,

Dit qu’elle n’a pas compétence pour connaître des demandes du Rvoyaume
de Belgique relatives à des manquements allégués, par la Répvublique du
Sénégal, à des obligations relevant du droit international coutvumie;r

pour : M.Tomka,président ; M.Sepúlveda-Amor,vice-président ; MM.Owada,
Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood,
M mesXue, Donoghue, M. Gaja, M me Sebutinde, juges ; M.Kirsch, juge

ad hoc ;
contre : M.Abraham, juge ; M.Sur, juge ad hoc ;

3) Par quatorze voix contre deux,

Dit que les demandes du Royaume de Belgique fondées sur l’article 6,
paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 1, de la convention des Nations

Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainvs
ou dégradants du 10 décembre 1984 sont recevables ;

pour : M.Tomka,président ; M.Sepúlveda-Amor,vice-président ; MM.Owada,
Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf,
Greenwood, M meDonoghue, M. Gaja, M meSebutinde, juges ; M.Kirsch,
juge ad hoc;

contre : Mme Xue, juge ; M.Sur, juge ad hoc ;

4) Par quatorze voix contre deux,

Dit que la République du Sénégal, en ne procédant pas immédivatement
à une enquête préliminaire en vue d’établir les faits relvatifs aux crimes qui

auraient été commis par M. Hissène Habré, a manqué à l’obligation que
lui impose l’article 6, paragraphe 2, de la convention des Nations Unies
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou

dégradants du 10 décembre 1984 ;
pour: M.Tomka, président ; M.Sepúlveda-Amor,vice-président ; MM.Owada,

Abmeham, Keith, Bennouna, Smetnikov, Cançado Trindade, Greenwood,
M Donoghue, M. Gaja, M Sebutinde, juges; MM. Sur, Kirsch, juges
ad hoc ;
contre: M. Yusuf, M me Xue, juges ;

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6 CIJ1033.indb 84 28/11/13 12:50 obligation to prosecuvte or extradite (judgmevnt) 462

122. For these reasons,

The Court,

(1) Unanimously,
Finds that it has jurisdiction to entertain the dispute between the

Parties concerning the interpretation and application of Article 6,
paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of the United Nations Con-
vention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading

Treatment or Punishment of 10 December 1984, which the Kingdom of
Belgium submitted to the Court in its Application filed in the Registrvy
on 19 February 2009 ;

(2) By fourteen votes to two,

Finds that it has no jurisdiction to entertain the claims of the Kingdom
of Belgium relating to alleged breaches, by the Republic of Senegal, of v
obligations under customary international law ;

in favour :President Tomka ;Vice-PresidentSepúlveda-Amor ;Judges Owada,
Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, Xue,
Donoghue, Gaja, Sebutinde; Judge ad hoc Kirsch ;

against : Judge Abraham ;Judge ad hoc Sur ;

(3) By fourteen votes to two,

Finds that the claims of the Kingdom of Belgium based on Article 6,
paragraph 2, and Article 7, paragraph 1, of the United Nations Conven -
tion against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment
or Punishment of 10 December 1984 are admissible ;

in favour :President Tomka ;Vice-President Sepúlveda-Amor ;Judges Owada,
Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf,
Greenwood, Donoghue, Gaja, Sebutinde; Judge ad hoc Kirsch ;

against : Judge Xue ;Judge ad hoc Sur ;

(4) By fourteen votes to two,

Finds that the Republic of Senegal, by failing to make immediately a
preliminary inquiry into the facts relating to the crimes allegedly commvit -
ted by Mr. Hissène Habré, has breached its obligation under Article 6,
paragraph 2, of the United Nations Convention against Torture

and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment of
10 December 1984 ;

in favour : President Tomka ; Vice-President Sepúlveda-Amor ; Judges
Owada, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade,
Greenwood, Donoghue, Gaja, Sebutinde ; Judges ad hoc Sur, Kirsch ;

against : Judges Yusuf, Xue ;

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6 CIJ1033.indb 85 28/11/13 12:50 463 obligation de poursuivvre ou d’extrader (arrêvt)

5) Par quatorze voix contre deux,

Dit que la République du Sénégal, en ne soumettant pas l’affavire à ses
autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale vcontre M. Hissène
Habré, a manqué à l’obligation que lui impose l’article 7, paragraphe 1,

de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 ;

pour : M.Tomka,président ; M.Sepúlveda-Amor,vice-président ; MM.Owada,
Abraham, Keith,meennouna, Skotnikov, Cançmeo Trindade, Yusuf,
Greenwood, M Donoghue, M. Gaja, M Sebutinde, juges ; M.Kirsch,
juge ad hoc;
contre : M me Xue, juge ; M.Sur, juge ad hoc ;

6) A l’unanimité,

Dit que la République du Sénégal doit, sans autre délai, soumetvtre le
cas de M. Hissène Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de

l’action pénale, si elle ne l’extrade pas.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de

la Paix, à La Haye, le vingt juillet deux mille douze, en trois exempvlaires,
dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres vseront trans
mis, respectivement, au Gouvernement du Royaume de Belgique et au
Gouvernement de la République du Sénégal.

Le président,

(Signé) Peter Tomka.

Le greffier,
(Signé) Philippe Couvreur.

M. le juge Owada joint une déclaration à l’arrêt ; MM. les juges Abra-

ham, Skotnikov, Cançado Trindade et Yusuf joignent à l’arrêt les
exposés de leur opinion individuelle ; M me la juge Xue joint à l’arrêt l’ex -
posé de son opinion dissidente ; M me la juge Donoghue joint une déclara-
me
tion à l’arrêt; M la juge Sebutinde joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
individuelle; M. le juge ad hoc Sur joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
dissidente.

(Paraphé) P.T.
(Paraphé) Ph.C.

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(5) By fourteen votes to two,
Finds that the Republic of Senegal, by failing to submit the case

of Mr. Hissène Habré to its competent authorities for the purpose of
prosecution, has breached its obligation under Article 7, paragraph 1,
of the United Nations Convention against Torture and Other Cruel,
Inhuman or Degrading Treatment or Punishment of 10 December 1984 ;

in favour : President Tomka ; Vice-President Sepúlveda-Amor ; Judges
Owada, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade,
Yusuf, Greenwood, Donoghue, Gaja, Sebutinde ; Judge ad hoc Kirsch ;

against : Judge Xue ;Judge ad hoc Sur ;

(6) Unanimously,

Finds that the Republic of Senegal must, without further delay, submit
the case of Mr. Hissène Habré to its competent authorities for the pur -
pose of prosecution, if it does not extradite him.

Done in French and in English, the French text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this twentieth day of July, two thousand

and twelve, in three copies, one of which will be placed in the archivesv of
the Court and the others transmitted to the Government of the Kingdom
of Belgium and the Government of the Republic of Senegal, respectively.

(Signed) Peter Tomka,
President.

(Signed) Philippe Couvreur,

Registrar.

Judge Owada appends a declaration to the Judgment of the Court ;
Judges Abraham, Skotnikov, Cançado Trindade and Yusuf append
separate opinions to the Judgment of the Court ; Judge Xue appends a
dissenting opinion to the Judgment of the Court ; Judge Donoghue
appends a declaration to the Judgment of the Court ; Judge Sebutinde

appends a separate opinion to the Judgment of the Cour;tJudge ad hocSur
appends a dissenting opinion to the Judgment of the Court.

(Initialled) P.T.

(Initialled) Ph.C.

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Arrêt du 20 juillet 2012

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