Résumé de l'avis consultatif du 9 juillet 2004

Document Number
1677
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Number (Press Release, Order, etc)
2004/2
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Résumé
Document non officiel

Résumé 2004/2
Le 9 juillet 2004

Conséquences juridiques de l’édification d’un mur
dans le territoire palestinien occupé
(Requête pour avis consultatif)

Résumé de l’avis consultatif du 9 juillet 2004

Historique de la procédure (par. 1-12)

La Cour rappelle tout d’abord que le 10décembre2003 le Secrétaire général de
l’Organisation des NationsUnies a officiellement communiqué à la Cour la décision prise par

l’Assemblée générale de lui soumettre la qu estion pour avis consultatif énoncée dans sa
résolutionES-10/14, adoptée le 8décembre2003 lors de sa dixième session extraordinaire
d’urgence. La question est la suivante :

«Quelles sont en droit les conséquences de l’édification du mur qu’Israël,
puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y
compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans
le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit
international, notamment la quatrième convention de Genève de 1949 et les

résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée
générale ?»

La Cour donne ensuite un bref aperçu de l’historique de la procédure.

Questions de compétence (par. 13-42)

Au début de son raisonnement, la Cour fait observer que, lorsqu’elle est saisie d’une
demande d’avis consultatif, elle doit commencer par déterminer si elle a compétence pour donner

l’avis demandé et, dans l’affi rmative, s’il existe une quelcon que raison pour elle de refuser
d’exercer une telle compétence.

La Cour se penche en premier lieu sur la question de savoir si elle a compétence pour donner
l’avis consultatif. Elle relève premièrement que la compétence de la Cour en la matière est fondée

sur le paragraphe1 de l’article 65 de son Statut, aux termes duque l la Cour «peut donner un avis
consultatif sur toute question juridique, à la demnde de tout organe ou institution qui aura été
autorisé par la Charte des Nations Unies ou conf ormément à ses dispositions à demander cet avis»,
et deuxièmement que l’Assemblée générale, qui demande l’avis consultatif, est autorisée à le faire
en vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte, qui dispose que «[l]’Assemblée générale ou le

Conseil de sécurité peut demander à la Cour intern ationale de Justice un avis consultatif sur toute - 2 -

question juridique». Comme elle l’a fait parfois dans le passé, la Cour se penche ensuite sur la
relation entre la question qui fait l’objet de la requête pour avis consulta tif et les activités de

l’Assemblée. Elle observe à ce sujet que l’article 10 de la Charte a conféré à l’Assemblée générale
une compétence à l’égard de «toutes questions ou affaires» entrant dans le cadre de la Charte, et
que le paragraphe2 de l’article 11 lui a spécifiquement donné compétence à l’égard de «toutes
questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été

saisie par l’une quelconque des Nations Unies…» et pour faire des recommandations sous certaines
conditions posées dans ces deux articles. Elle note que la ques tion de la construction du mur dans
le territoire palestinien occupé a été soumise à l’Assemblée générale par un certain nombre d’Etats
Membres dans le cadre de sa dixième session ex traordinaire d’urgence, convoquée pour examiner

ce que l’Assemblée, dans sa résolutionES-10/2 du 25avril1997, avait considéré comme
constituant une menace à la paix et à la sécurité internationales.

Après avoir rappelé la chronologie des évén ements qui ont conduit à l’adoption de la

résolutionES-10/14, la Cour aborde la première question de compétence soulevée en la présente
espèce. Israël a prétendu que, compte tenu du rôle actif joué par le Conseil de sécurité à l’égard de
la situation au Moyen-Orient, y compris la qu estion palestinienne, l’Assemblée générale avait
outrepassé la compétence que lui confère la Charte, sa demande d’avis consultatif n’ayant pas été

conforme au paragraphe1 de l’ar ticle12 de la Charte, qui dispo se que: «Tant que le Conseil de
sécurité remplit, à l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, les fonctions qui lui sont
attribuées par la présente Charte, l’Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce

différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande.» La Cour, tout
en faisant observer qu’une requête pour avis consultatif ne constitue pas une «recommandation» de
l’Assemblée générale «sur [un] di fférend ou [une] situation», au sens de l’article 12, n’en juge pas
moins opportun d’examiner le sens qu’il convient de donner à cet article , compte tenu de la

pratique des NationsUnies. Elle note que, en ve rtu de l’article 24 de la Charte, le Conseil de
sécurité a «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales» et
que le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale interprétèrent et appliquèrent l’un et l’autre,
dans un premier temps, l’article12 comme faisant obstacle à ce que l’Assemblée puisse formuler

des recommandations sur une question relative au maintien de la paix et de la sécurité
internationales restant inscrite à l’ordre du jour du Conseil, mais que cette interprétation de
l’article 12 a évolué par la suite. La Cour prend acte d’une interprétation de ce texte donnée par le
conseiller juridique de l’Organisation des NationsUnies lors de la vingt-troisième session de

l’Assemblée générale et d’une tendance croissante à voir l’Assemblée généra le et le Conseil de
sécurité examiner parallèlement une même question relative au maintien de la paix et de la sécurité
internationales. Elle considère que la pratique acceptée de l’Assemblée, telle qu’elle a évolué, est
compatible avec le paragraphe1 de l’article12; elle est en conséquence d’avis que l’Assemblée

générale, en adoptant la résolution ES-10/14 portant demande d’un avis consultatif de la Cour, n’a
pas enfreint les dispositions du pa ragraphe1 de l’article12 de la Charte. Elle conclut que, en
présentant la demande d’avis consultatif, l’Assemblée générale n’a pas outrepassé sa compétence.

La Cour rappelle qu’il a cependant été soutenu devant elle que la demande ne satisfaisait pas
aux conditions essentielles énoncées dans la résolution377A(V), au titre de laquelle la
dixième session extraordinaire d’urgence a été convoquée et a poursuivi ses travaux.

Aux termes de la résolution 377 A (V) :

«dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un
acte d’agression et où, du fait que l’unanimité n’a pas pu se réaliser parmi ses

membres permanents, le Conseil de sécur ité manque à s’acquitter de sa responsabilité
principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’Assemblée
générale examinera immédiatement la question afin de faire aux Membres les
recommandations appropriées sur les mesures collectives à prendre…». - 3 -

La Cour entreprend de déterminer si les c onditions énoncées dans cette résolution étaient
effectivement remplies lors de la convocation de la dixième session extraordinaire d’urgence de

l’Assemblée générale, en particu lier lorsque celle-ci a décidé de demander un avis consultatif à la
Cour.

Au vu de la série d’événements décrits par la Cour, celle-ci constate que, lorsque la dixième

session extraordinaire d’urgence fut convoquée en 1997, le Conseil s’était effectivement trouvé, en
raison du vote négatif d’un memb re permanent, dans l’incapac ité de prendre une décision
concernant l’implantation de certaines colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé
et que, comme l’indique la résolutionES-10/2, il existait une menace à la paix et à la sécurité

internationales. La Cour constate en outre que la dixième session extraordinaire d’urgence,
convoquée à nouveau le 20 octobre 2003, le fut sur la même base qu’en 1997, après le rejet par le
Conseil de sécurité, le 14octobr e2003, d’un projet de résolutio n portant sur la construction par
Israël du mur dans le territoire palestinien o ccupé, du fait une nouvelle fois du vote négatif d’un

membre permanent. La Cour considère que le Conseil de sécurité a là encore manqué à agir au
sens de la résolution 377 A (V). Il ne semble pas à la Cour que la situation à cet égard ait évolué
entre le 20octobre2003 et le 8décembre2003, le Conseil de sécurité n’ayant ni débattu de la
construction du mur, ni adopté une quelconque résolution sur ce point. La Cour estime donc que, à

la date du 8décembre2003, le Conseil n’était pas revenu sur le vote négatif du 14octobre2003.
La Cour conclut que, au cours de cette période, la dixième session extraordinaire d’urgence a été
dûment convoquée à nouveau et pouvait régulièrement, en vertu de la résolution377A(V), être

saisie de la question dont la Cour doit aujourd’hui connaître.

La Cour souligne aussi que, au cours de cette session extraordinaire d’urgence, l’Assemblée
générale pouvait adopter toute résolution ayant trait à la question pour laquelle avait été convoquée
la session, et entrant par ailleurs dans les comp étences de l’Assemblée, y compris une résolution

demandant un avis à la Cour. Qu’il n’ait pas été proposé au Conseil de sécurité de solliciter un tel
avis est sans pertinence à cet égard.

Abordant les autres irrégularités procédurales dont serait enta
chée la dixième session

extraordinaire d’urgence, la Cour ne considèr e pas que le fait que cette session ait présenté un
caractère «continu» ⎯ ayant été convoquée en avril 1997 et convoquée à nouveau onze fois depuis
lors ⎯ ait quelque pertinence que ce soit en ce qui concerne la validité de la demande de

l’Assemblée générale. En réponse à l’argum ent avancé par Israël selon lequel la nouvelle
convocation de la dixième session extraordinai re d’urgence était inappropriée, une session
ordinaire de l’Assemblée générale étant alors en cour s, la Cour observe que même si, à l’origine, il
a pu ne pas sembler approprié que l’Assembl ée générale tienne simultanément une session

extraordinaire d’urgence et une session ordinaire, aucune règle constitutionnelle de l’Organisation
n’a été identifiée, dont la méconnaissance aurait rendu nulle la résolution portant adoption de la
demande d’avis consultatif en l’espèce. Enfin, la Cour relève que la dixième session extraordinaire

d’urgence a été convoquée conformément à l’alinéab) de l’article9 du règlement intérieur de
l’Assemblée générale, et que les séances pertinentes ont été convoquées selon les règles en vigueur.

La Cour aborde une autre question soulevée à l’égard de sa compétence, à savoir que la

demande d’avis consultatif émanant de l’Assemb lée générale ne soulèverait pas une «question
juridique» au sens du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte et du paragraphe 1 de l’article 65 du
Statut de la Cour.

En ce qui concerne le manque de clarté a llégué des termes employés dans la requête de

l’Assemblée générale et son incidence sur la «nat ure juridique» de la question soumise à la Cour,
celle-ci observe tout d’abord que cette question vi se les conséquences juridiques d’une situation de
fait donnée, compte tenu des règles et des princi pes du droit international, notamment de la

convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du
12août1949 (ci-après dénommée la «quatrième convention de Genève»), et des résolutions
consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale. La Cour est d’avis que - 4 -

cette question a bien un caractère juridique. Elle fait aussi observer qu’un manque de clarté dans le
libellé d’une question ne saurait priver la Cour de sa compétence. Tout au plus, du fait de ces

incertitudes, la Cour devra-t-elle préciser l’in terprétation à donner à la question, ce qu’elle a
souvent fait. Elle fera donc ce qu’elle a souvent fait par le passé, c’est-à-dire «déterminer les
principes et règles existants, les interpréter et les appliquer…, apportant ainsi à la question posée
une réponse fondée en droit» (Licéité de la me nace ou de l’emploi d’ar mes nucléaires, avis

consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p.234, par.13). La Cour souligne que, en l’espèce, si
l’Assemblée générale prie la C our de dire «[q]uelles sont en droit les conséquences» de la
construction du mur, l’emploi de ces termes implique nécessairement de déterminer si cette
construction viole ou non certaines règles et certains principes de droit international.

La Cour ne considère pas que la nature prétendument abstraite de la question qui lui est
posée soulève un problème de compétence. Même lo rsque, dans l’affaire de la Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires , cet aspect fut soulevé sous l’angle de l’opportunité

judiciaire plutôt que sous celui de la compéten ce, la Cour déclara que l’allégation selon laquelle
elle ne pourrait connaître d’une question posée en te rmes abstraits n’était qu’«une pure affirmation
dénuée de toute justification», et qu’elle pouva it «donner un avis consultatif sur toute question
juridique, abstraite ou non» (C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 236, par. 15).

La Cour considère qu’elle ne saurait par aille urs accepter le point de vue, également avancé
au cours de la procédure, selon lequel elle n’aurait pas compétence en raison du caractère
«politique» de la question posée. Ainsi qu’il ressort à cet égard de sa jurisprudence constante, la

Cour estime que le fait qu’une question juridiqu e présente également des aspects politiques, «ne
suffit pas à la priver de son caractère de «question juridique» et à «enlever à la Cour une
compétence qui lui est expressément conférée par son Statut» et la Cour ne saurait refuser un
caractère juridique à une question qui l’invite à s’acquitter d’une tâche es sentiellement judiciaire»

(Licéité de la menace de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.)

La Cour conclut en conséquence qu’elle a compétence pour donner l’avis consultatif
demandé par la résolution ES-10/14 de l’Assemblée générale.

Pouvoir discrétionnaire de la Cour d’exercer sa compétence (par. 43-65)

La Cour note qu’il a cependant été soutenu qu’elle devrait refuser d’exercer sa compétence
en raison de la présence, dans la requête de l’Assemblée générale, d’un certain nombre d’éléments

qui rendraient l’exercice par la Cour de sa compétence malvenu et étranger à sa fonction judiciaire.

La Cour commence par rappeler que le paragr aphe1 de l’article65 de son Statut, selon
lequel «[l]a Cour peut donner un avis consultatif…» (c’est la Cour qui souligne), devait être

interprété comme reconnaissant à la Cour le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis
consultatif même lorsque les conditions pour qu’elle soit compétente sont remplies. Elle n’en
garde pas moins présent à l’esprit que sa réponse à une demande d’avis consultatif «constitue [sa]
participation … à l’action de l’Organisation et [que], en principe, elle ne devrait pas être refusée».

Il s’ensuit que, compte tenu de ses responsabilités en tant qu’«organe judiciaire principal des
NationsUnies» (article92 de la Charte), la Cour ne devrait pas en principe refuser de donner un
avis consultatif, et seules des «raisons décisives» devraient l’amener à opposer un tel refus.

Selon le premier argument avancé à cet effet de vant elle, la Cour ne devrait pas exercer sa
compétence en l’espèce, au motif que la demande concernerait un différend entre Israël et la
Palestine à l’égard duquel Israël n’a pas accepté la juridiction de la Cour. Ainsi, l’objet de la

question posée par l’Assemblée générale ferait «partie intégrante du différend israélo-palestinien
plus large qui concerne des questions liées au terrori sme, à la sécurité, aux frontières, aux colonies
de peuplement, à Jérusalem et à d’autres questions connexes». La Cour relève à cet égard que
l’absence de consentement à la juridiction contentieuse de la Cour de la part des Etats intéressés est - 5 -

sans effet sur la compétence qu’a celle-ci de donner un avis consultatif, mais elle rappelle sa
jurisprudence selon laquelle le défaut de consen tement d’un Etat intéressé pourrait rendre le

prononcé d’un avis consultatif inco mpatible avec le caractère judiciaire de la Cour. Tel serait le
cas si accepter de répondre aurait pour effet de tour ner le principe selon lequel un Etat n’est pas
tenu de soumettre un différend au règlement judiciaire s’il n’est pas consentant.

S’agissant de la requête pour avis consultatif dont elle est saisie, la Cour prend acte du fait
qu’Israël et la Palestine ont exprimé des vues radicalement opposées sur les conséquences
juridiques de l’édification du mur par Israël, sur lesquelles la Cour a été priée de se prononcer dans
le cadre de l’avis qu’elle rendra it. Toutefois, ainsi que la Cour l’a elle-même noté, «[p]resque

toutes les procédures consultatives ont été marquées par des divergences de vues». En outre, la
Cour n’estime pas que la question qui fait l’objet de la requête de l’Assemblée générale puisse être
considérée seulement comme une question bilatérale en tre Israël et la Palestine. Compte tenu des
pouvoirs et responsabilités de l’Organisation d es NationsUnies à l’ég ard des questions se

rattachant au maintien de la paix et de la sécur ité internationales, la Cour est d’avis que la
construction du mur doit être regardée comme intéressant directemen t l’Organisation des
NationsUnies en général et l’Assemblée géné rale en particulier. La responsabilité de
l’Organisation à cet égard trouve également son or igine dans le mandat et dans la résolution

relative au plan de partage de la Palestine. Cette responsabilité a été décrite par l’Assemblée
générale comme «une responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la question de
Palestine jusqu’à ce qu’elle soit réglée sous tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le

respect de la légitimité internationale» (résolution57/107 de l’A ssemblée générale, en date du
3 décembre 2002). L’objet de la requête dont la Cour est saisie est d’obtenir de celle-ci un avis que
l’Assemblée générale estime utile pour exercer comme il convient ses fonctions. L’avis est
demandé à l’égard d’une question qui intéresse tout particulièrement les NationsUnies, et qui

s’inscrit dans un cadre bien plus large que celui d’ un différend bilatéral. Dans ces conditions, la
Cour estime que rendre un avis n’aurait pas pour effe t de tourner le principe du consentement au
règlement judiciaire et qu’elle ne saurait dès lors, dans l’exerci ce de son pouvoir discrétionnaire,
refuser de donner un avis pour ce motif.

La Cour aborde alors un autre argument avancé pour étayer la thèse selon laquelle elle
devrait refuser d’exercer sa compétence : selon cet argument, un avis consultatif de la Cour sur la
licéité du mur et les conséquences juridiques de son édification pourrait faire obstacle à un

règlement politique négocié du conflit israélo-palestinien. En particulier, selon cette thèse, une
telle opinion pourrait porter atteinte à la «feuille de route», qui prescrit à Israël et à la Palestine le
respect d’un certain nombre d’obligations au cours des différentes phases qui y sont prévues. La
Cour fait observer qu’elle n’ignore pas que la «f euille de route», entérinée par le Conseil de

sécurité dans sa résolution1515 (2003), constitue un cadre de négociation visant au règlement du
conflit israélo-palestinien, mais que l’influence que l’avis de la Cour pourrait avoir sur ces
négociations n’apparaît pas de façon évidente : les participants à la présente procédure ont exprimé
à cet égard des vues divergentes. La Cour estim e qu’elle ne saurait considérer ce facteur comme

une raison décisive de refuser d’exercer sa compétence.

Certains participants ont par ailleurs affi rmé devant la Cour que la question de la
construction du mur n’était qu’un aspect de l’ensem ble du conflit israléo-pa lestinien, à l’examen

duquel la présente procédure ne saurait servir de cadre approprié. Toutefois, la Cour estime que
cela ne saurait justifier qu’elle refuse de répondre à la question posée: elle est consciente que la
question du mur fait partie d’un ensemble et elle pr endrait en considération cette circonstance. En
même temps, la question que l’Assemblée générale a choisi de lui soumettre pour avis est limitée

aux conséquences juridiques de la construction du mur, et la Cour ne tiendrait compte d’autres
éléments que dans la mesure où ceux-ci seraient nécessaires aux fins de l’examen de cette question.

Il a encore été soutenu que la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence parce qu’elle ne

dispose pas des faits et des éléments de preuve nécessaires pour lui permettre de formuler des
conclusions. Selon Israël, si la Cour décidait de donner l’avis demandé, elle en serait réduite à des - 6 -

conjectures sur des faits essentiels et à des hypot hèses sur des arguments de droit. La Cour
souligne que, en l’espèce, elle a à sa dispositi on le rapport du Secrétaire général, ainsi qu’un

dossier volumineux soumis par celui-ci à la Cour, qui contient des informations détaillées non
seulement quant au tracé du mur mais aussi quant aux conséquences humanitaires et
socio-économiques de celui-ci sur la population pa lestinienne. Le dossier inclut de nombreux
rapports fondés sur des visites effectuées sur le te rrain par des rapporteurs spéciaux et des organes

compétents des NationsUnies. Nombre d’autres participants ont en outre présenté à la Cour des
exposés écrits qui renferment des informations pertinentes pour une réponse à la question posée par
l’Assemblée générale. La Cour not e en particulier que l’exposé écrit d’Israël, bien que se limitant
aux questions de compétence et d’opportunité ju diciaire, comporte des observations concernant

d’autres sujets, y compris les préoccupations d’Israël en matière de sécurité, et est accompagné
d’annexes correspondantes; et que de nombre ux autres documents émanant du Gouvernement
israélien et concernant ces mêmes sujets relèvent du domaine public.

La Cour estime donc qu’elle dispose de rensei gnements et d’éléments de preuve suffisants
pour lui permettre de donner l’avis consultatif demandé par l’Assembl ée générale. Par ailleurs, la
circonstance que d’autres pourraient évaluer et in terpréter ces faits de manière subjective ou
politique ne saurait au demeurant constituer un mo tif pour qu’une cour de justice s’abstienne

d’assumer sa tâche judiciaire. Il n’y a donc pas, en l’espèce, insuffisance d’éléments d’information
qui constituerait une raison décisive pour la Cour de refuser de donner l’avis sollicité.

Il a en outre été soutenu que la Cour devra it refuser de donner l’avis consultatif demandé sur

les conséquences juridiques de l’édification du mu r, parce que pareil avis consultatif ne serait
d’aucune utilité : l’Assemblée générale n’aurait pas besoin d’un tel av is de la Cour, parce qu’elle a
déjà déclaré la construction du mur illégale, qu’e lle a déjà déterminé les conséquences juridiques
de cette construction en exigeant qu’Israël l’arrête et revienne sur le projet, et parce que, en outre,

l’Assemblée générale n’a jamais fait clairement connaître ce qu’elle entendait faire de l’avis
demandé. La Cour fait observer que, ainsi qu’il resso rt de sa jurisprudence, les avis consultatifs
servent à fournir aux organes qui les sollicitent les éléments de caractère juridique qui leur sont

nécessaires dans le cadre de leurs activités. Elle rappelle ce qu’elle a déclaré dans son avis
consultatif sur la Licéité de la mena ce ou de l’emploi d’armes nucléaires : «il n’appartient pas à la
Cour de prétendre décider si l’Assemblée a ou non besoin d’un avis consultatif pour s’acquitter de
ses fonctions. L’Assemblée générale est habilitée à décider elle-même de l’utilité d’un avis au

regard de ses besoins propres.» Il s’ensuit donc que la Cour ne saurait refuser de répondre à la
question posée au motif que son avis ne serait d’au cune utilité. La Cour ne peut substituer sa
propre appréciation de l’utilité de l’avis demandé à celle de l’organe qui le sollicite, en l’occurrence
l’Assemblée générale. En outre, et en tout état de cause, la Cour estime que l’Assemblée générale

n’a pas encore procédé à la détermination de toutes les conséquences possibles de sa propre
résolution. La tâche de la Cour consisterait à déterminer l’ensemble des conséquences juridiques
de l’édification du mur, alors que l’Assemblée générale ⎯et le Conseil de sécurité ⎯ pourraient

ensuite tirer des conclusions de ces déterminations de la Cour.

Enfin, Israël a avancé un autre argument c oncernant l’opportunité de donner un avis
consultatif en l’espèce, selon lequel la Palestine, co mpte tenu de la responsabilité qui est la sienne
dans les actes de violence auxquels le mur vise à parer, commis contre Israël et sa population, ne

saurait demander à la Cour de remédier à une s ituation résultant de ses propres actes illicites. Dès
lors, conclut Israël, la bonne foi et le principe des «mains propres» constituent une raison décisive
qui devrait conduire la Cour à refuser d’accéder à la demande de l’Assemblée générale. De l’avis

de la Cour, cet argument est dénué de pertin ence. La Cour souligne, comme elle l’a fait
précédemment, que c’est l’Assemblée générale qui a sollicité un avis consultatif, et qu’un tel avis
serait donné à l’Assemblée générale et non à un Etat ou une entité déterminés.

* - 7 -

A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle a compétence pour donner un avis sur
la question qui lui a été posée par l’Assemblée géné rale, et qu’il n’existe aucune raison décisive

pour qu’elle use de son pouvoir discrétionnaire de ne pas donner cet avis.

Portée de la question posée à la Cour (par. 66-69)

La Cour passe alors à l’examen de la question qui lui a été adressée par l’Assemblée
générale par la résolution ES-10/14 (voir ci-dessus). La Cour explique qu’elle a choisi d’employer
le terme «mur», à l’instar de l’Assemblée générale, parce que les autres termes utilisés ⎯ «clôture»

ou «barrière» ⎯, pris dans leur acception physique, ne sont pas plus exacts. Elle relève en outre
que la requête de l’Assemblée générale a trait aux conséquences juridiques de l’édification du mur
«dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est» et
considère qu’elle n’est pas appelée à examiner le s conséquences juridiques de la construction des

parties du mur qui se trouvent sur le territoire même d’Israël.

Contexte historique (par. 70-78)

En vue de préciser les conséquences juridiques de l’édification du mur dans le territoire
palestinien occupé, la Cour doit au préalable déterminer si l’édification de ce mur est ou non
contraire au droit international. A cette fin, elle effectue tout d’abord une brève analyse historique

du statut du territoire en cause, depuis l’époque où la Palestine, ayant fait partie de l’Empire
ottoman, fut, à l’issue de la première guerre mondiale, placée sous un mandat «A» confié à la
Grande-Bretagne par la Société des Nations. Au cours de cette analyse, la Cour mentionne les
hostilités de 1948-1949 et la ligne de démarcation de l’armistice entre Israël et les forces arabes,

fixée par une convention générale d’armistice conclue le 3avril1949 entre Israël et la Jordanie,
appelée «Ligne verte». A l’issue de cette analyse, la Cour note que les territoires situés entre la
Ligne verte et l’ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël
en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la Jordanie. Elle fait observer que, selon le

droit international coutumier, il s’agissait donc de territoires occupés dans le squels Israël avait la
qualité de puissance occupante. Les événements survenus depuis lors dans ces territoires n’ont rien
changé à cette situation. La Cour conclu t que l’ensemble de ces territoires (y compris

Jérusalem-Est) demeurent des territo ires occupés et qu’Israël y a c onservé la qualité de puissance
occupante.

Description du mur (par. 79-85)

La Cour décrit ensuite, sur la base des info rmations contenues dans un rapport du Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies et dans l’exposé écrit présenté à la Cour par le
Secrétaire général, les ouvrages construits ou en cours de construction sur ce territoire.

Règles et principes pertinents du droit international (par. 86-113)

La Cour aborde alors la détermination des règles et principes de droit international qui sont
pertinents pour l’appréciation de la licéité des mesures prises par Israël. Elle fait observer que ces
règles et principes figurent dans la Charte des Nati ons Unies et certains autres traités, dans le droit
international coutumier et dans les résolutions pertinentes adoptées en vertu de la Charte par

l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Elle est consciente, toutefois, que des doutes ont
été exprimés par Israël en ce qui concerne l’app licabilité dans le territoire palestinien occupé de
certaines règles de droit international humanitair e et des conventions relatives aux droits de
l’homme. - 8 -

Charte des Nations Unies et résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale (par. 87-88)

La Cour rappelle tout d’abord le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies,
qui dispose :

«Les Membres des NationU s nies s’ abstiennent, dans leurs relations

internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de tout autre manière
incompatible avec les buts des Nations Unies»

et la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, intitulée «Déclaration relative aux principes
du droit international touchant les relations ami cales et la coopération entre Etats» (ci-après
dénommée la «résolution2625 (XXV)»), dans laquelle l’Assemblée a souligné que «[n]ulle
acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme

légale.» Comme la Cour l’a dit dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) , les principes énoncés dans la Charte au
sujet de l’usage de la force reflètent le droit international coutumier (voir C.I.J. Recueil 1986 ,
p. 98-101, par. 187-190); la Cour observe que cela vaut également pour ce qui en est le corollaire,

l’illicéité de toute acquisition de territoire résultant de la menace ou de l’emploi de la force.

Quant au principe du droit des peuples à dispo ser d’eux-mêmes, la Cour fait observer qu’il a
été consacré dans la Charte des NationsUnies et réaffirmé par la résolution2625(XXV) de

l’Assemblée générale déjà mentionnée, selon laquelle «[t]out Etat a le devoir de s’abstenir de
recourir à toute mesure de coercition qui priverait de leur droit à l’autodétermination … les peuples
mentionnés [dans ladite résolution]». L’article 1er commun au pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et au pacte inte rnational relatif aux dro its civils et politiques

réaffirme le droit de tous les peuples à disposer d’ eux-mêmes et fait obligation aux Etats parties de
faciliter la réalisation de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions de la Charte des
Nations Unies. La Cour rappelle sa jurisprudence antérieure, qui soulignait que l’évolution actuelle
du «droit international à l’égard des territoires non autonomes, tel qu’il est consacré par la Charte

des NationsUnies, a fait de l’autodétermination un principe applicable à tous ces territoires», et
que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit opposable erga omnes.

Droit international humanitaire (par. 89-101)

Pour ce qui concerne le droit international humanitaire, la Cour rappelle en premier lieu
qu’Israël n’est pas partie à la quatrième conventio n de La Haye de 1907 à laquelle le règlement est
annexé. Elle estime cependant que les dispositions du règlement de La Haye de 1907 ont acquis un

caractère coutumier, comme d’ailleurs tous les pa rticipants à la procédure devant la Cour le
reconnaissent. Elle observe en outre que, confor mément à l’article 154 de la quatrième convention
de Genève, le règlement de La Haye a été complé té en ses sections II et III par les dispositions de
ladite convention. La section III dudit règlement, qui concerne «l’autorité militaire sur le territoire

de l’Etat ennemi», est particulièrement pertinente en l’espèce.

S’agissant en second lieu de la quatrième conve ntion de Genève, la Cour prend acte que des
points de vue divergents ont été exprimés par les participants à la procé dure devant la Cour.

Contrairement à la grande majorité des participants , Israël conteste en effet l’applicabilité de jure
de la convention au territoire palestinien occupé. La Cour rappelle que la quatrième convention de
Genève a été ratifiée par Israël le 6juillet1951 et qu’Israël est partie à cette convention; que la
Jordanie y est aussi partie depuis le 29 mai 1951; et qu’aucun des deux Etats n’a formulé de réserve

pertinente au cas particulier. La Cour observe que les autorités israéliennes ont déclaré à plusieurs
reprises qu’en fait elles appliquaient de manièr e générale les dispositions humanitaires de la
quatrième convention de Genève dans les territoires occupés. Toutefois, selon la thèse israélienne,

cette convention ne serait pas applicable de ju re dans ces territoires car, conformément au
deuxième alinéa de son article2, elle s’appliquerait seulement en cas d’occupation de territoires - 9 -

relevant de la souveraineté d’un Etat contractant partie à un conflit armé. Israël expose que les
territoires occupés par lui à la suite du conflit de1967 ne relevaient pa s auparavant de la

souveraineté jordanienne.

La Cour fait observer que, selon le premier alin éa de l’article2 de la quatrième convention
de Genève, dès lors que deux conditions sont remplies, à savoir l’existence d’un conflit armé (que

l’état de guerre ait ou non été reconnu) et la survenance de ce conflit entre deux parties
contractantes, la convention s’appl ique, en particulier dans tout te rritoire occupé au cours d’un tel
conflit par l’une des parties contractantes. Le deuxième alinéa de l’article2, qui mentionne
«l’occupation du territoire d’une Haute Partie contr actante», n’a pas pour objet de restreindre le

champ d’application de la convention ainsi fixé par l’alinéa premier, en excluant de ce champ
d’application les territoires qui ne relèveraient pas de la souveraineté de l’une des parties
contractantes, mais seulement de préciser que, même si l’occupation opérée au cours du conflit a eu
lieu sans rencontrer de résistance militaire, la convention demeure applicable.

Cette interprétation reflète l’intention des aute urs de la quatrième convention de Genève de
protéger les personnes civiles se trouvant d’une manière ou d’une autre au pouvoir de la puissance
occupante, indépendamment du statut des territoires occupés, et elle est confirmée par les travaux

préparatoires de la convention. Les Etats parties à la quatrième convention de Genève, lors de la
conférence qu’ils ont tenue le 15 juillet 1999, ont retenu cette interprétation, qui a aussi été adoptée
par le CICR, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. La Cour mentionne enfin un arrêt de
la Cour suprême d’Israël, en date du 30 mai 2004, allant dans le même sens.

Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la quatrième conve ntion de Genève est
applicable dans les territoires palestiniens qui étaient, avant le conflit de 1967, à l’est de la Ligne
verte, et qui ont à l’occasion de ce conflit été occupé s par Israël, sans qu’il y ait lieu de rechercher

quel était auparavant le statut exact de ces territoires.

Instruments relatifs aux droits de l’homme (par. 102-113)

Les participants à la procédure devant la C our sont également divisés en ce qui concerne
l’applicabilité dans le territoire palestinien occupé des conventions internationales concernant les
droits de l’homme auxquelles Israël est partie. A l’ annexe I au rapport du Secrétaire général, il est
précisé :

«4. Israël conteste que le pacte internati onal relatif aux droits civils et politiques
et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qu’il a
signés l’un et l’autre, soient applicables au territoire palestinien occupé. Il affirme que

le droit humanitaire est le type de protection qui convient dans un conflit tel que celui
qui existe en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, tandis que les instruments relatifs
aux droits de l’homme ont pour objet d’assurer la protection des citoyens vis-à-vis de
leur propre gouvernement en temps de paix.»

Israël a ratifié le 3 octobre 1991 le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels du 19décembre1966, le pacte international relatif aux droits civils et politiques du
même jour, ainsi que la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant du

20 novembre 1989.

S’agissant de la question des rapports entre droit international humanitaire et droit relatif aux
droits de l’homme, la Cour comme nce par rappeler la conclusion à la quelle elle est parvenue dans

une affaire antérieure, à savoir que la protection offe rte par le pacte international relatif aux droits
civils et politiques ne cesse pas en temps de guerre (C.I.J.Recueil1996 (I) , p.240, par.25). De
manière plus générale, elle estime que la protecti on offerte par les conventions régissant les droits
de l’homme ne cesse pas en cas de conflit armé, si ce n’est par l’effet de clauses dérogatoires du

type de celle figurant à l’article 4 du pacte internati onal relatif aux droits civils et politiques. Elle - 10 -

note que trois situations peuvent dès lors se présenter: certains droits peuvent relever
exclusivement du droit international humanitaire; d’autres peuvent relever exclusivement des droits

de l’homme; d’autres enfin peuvent relever à la fo is de ces deux branches du droit international.
Pour répondre à la question qui lui est posée, la C our aura en l’espèce à prendre en considération
les deux branches du droit international précitées, à savoir les droits de l’homme et, en tant que lex
specialis, le droit international humanitaire.

Reste à déterminer si les deux pactes internati onaux et la convention relative aux droits de
l’enfant sont applicables sur le seul territoire des Etats parties, ou s’ils sont également applicables
hors de ce territoire et, si oui, dans quelles circons tances. Après avoir examiné les dispositions des

deux pactes internationaux, à la lumière des travaux préparatoires pertinents et de la position prise
par Israël dans ses rapports au Comité des droits de l’homme et au Comité des droits économiques,
sociaux et culturels, la Cour conclut que ces instruments sont applicables aux actes d’un Etat
agissant dans l’exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire. Pour ce qui concerne

le pacte international relatif aux droits économique s, sociaux et culturels, Israël est aussi dans
l’obligation de ne pas faire obstacle à l’exercice de ces droits dans les domaines où compétence a
été transférée à des autorités palestiniennes. La Cour conclut en outre que la convention relative
aux droits de l’enfant est aussi applicable dans le territoire palestinien occupé.

Violation des règles pertinentes (par. 114-142)

La Cour entreprend ensuite de rechercher si la construction du mur a porté atteinte aux règles
et principes de droit international qui sont pertinents pour répondre à la question posée par
l’Assemblée générale.

Incidence sur le droit du peuple palestinien à l’autodétermination (par. 115-122)

La Cour relève à cet égard les affirmations de la Palestine et d’autres participants selon
lesquelles la construction du mur est «une tent ative d’annexion du territoire qui constitue une

transgression du droit international» et «contrevi ent au principe interdisant l’acquisition de
territoire par le recours à la force» et selon lesquelles «l’annexion de facto de terres constitue une
atteinte à la souveraineté territoriale et en conséquence au droit des Palestiniens à
l’autodétermination». Elle relève aussi que, pour sa part, Israël expose que le mur a pour seul objet

de permettre de lutter efficacement contre le te rrorisme en provenance de Cisjordanie et qu’il a
déclaré à plusieurs reprises que l’édification de la barrière a un caractère temporaire.

La Cour rappelle que tant l’Assemblée générale que le Conseil de sécurité se sont référés, à

propos de la Palestine, à la règle coutumière de «l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par
la guerre». S’agissant du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Cour observe
que l’existence d’un «peuple palestinien» ne saurait plus faire débat et qu’elle a été reconnue par
Israël, au même titre que les «droits légitimes» de ce peuple. De l’avis de la Cour, parmi ces droits

figure le droit à l’autodétermination, comme l’Assemblée générale l’a d’ailleurs reconnu à
plusieurs occasions.

La Cour observe que le tracé du mur tel qu’ il a été fixé par le Gouvernement israélien

incorpore dans la «zone fermée» (la partie de la Cisjordanie comprise entre la Ligne verte et le
mur) environ 80% des colons installés dans le territoire palestinien o ccupé et qu’il a été fixé de
manière à inclure dans la zone la plus grande partie des colonies de peuplement installées par Israël
dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est). Les informations fournies à la

Cour montrent qu’à partir de 1977 Israël a mené une politique et développé des pratiques consistant
à établir des colonies de peuplement dans le te rritoire palestinien occupé, contrairement aux
prescriptions du sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, qui dispose :
«La puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa

propre population civile dans le te rritoire occupé par elle.» Le Conseil de sécurité a considéré que - 11 -

cette politique et ces pratiques «n’ont aucune validité en droit» et constituent une «violation
flagrante» de la convention. La Cour conclut que les colonies de peuplement installées par Israël

dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est) l’ont été en méconnaissance du droit
international.

Tout en prenant acte de l’assurance donnée par Israël que la construction du mur n’équivaut

pas à une annexion et que le mur est de nature temporaire, la Cour estim e que la construction du
mur et le régime qui lui est associé créent sur le terrain un «fait accompli» qui pourrait fort bien
devenir permanent, auquel cas, et nonobstant la d escription officielle qu’Israël donne du mur, la
construction de celui-ci équivaudrait à une annexion de facto.

La Cour estime par ailleurs que le tracé choi si pour le mur consacre sur le terrain les
mesures illégales prises par Israël et déplorées par le Conseil de sécurité en ce qui concerne
Jérusalem et les colonies de peuplement. La c onstruction du mur risque également de conduire à

de nouvelles modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé,
dans la mesure où elle occasionne le départ de populations palestiniennes de certaines zones. Cette
construction, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse ainsi un obstacle grave à
l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation

incombant à Israël de respecter ce droit.

Dispositions pertinentes du droit international hum anitaire et des instruments relatifs aux droits

de l’homme (par. 123-137)

La construction du mur pose en outre plus ieurs problèmes au regard des dispositions
pertinentes du droit international humanitaire et des conventions relatives aux droits de l’homme.

Tout d’abord, la Cour énumère et cite plus ieurs de ces dispositions applicables au territoire
palestinien occupé, notamment certains articles du rè glement de La Haye de 1907, de la quatrième
convention de Genève, du pacte international rela tif aux droits civils et politiques, du pacte

international relatif aux droits économiques, so ciaux et culturels et de la convention des
Nations Unies relative aux droits de l’enfant. A ce t égard, la Cour se réfère aussi aux obligations
visant les garanties d’accès aux lieux saints chrétiens, juifs et musulmans.

Il ressort des informations fournies à la Cour, et notamment du rapport du Secrétaire général,
que la construction du mur a entraîné la destru ction ou la réquisition de propriétés dans des
conditions contraires aux prescriptions des articles 46 et 52 du règlement de La Haye de 1907 et de
l’article 53 de la quatrième convention de Genève.

Cette construction, la création d’une zone fermée entre la Ligne verte et le mur, et la
constitution d’enclaves ont par ailleurs apporté d es restrictions importantes à la liberté de
circulation des habitants du territoire palestinien occupé (à l’exception des ressortissants israéliens

et assimilés). Il en est aussi résulté de sérieuses répercussions pour la production agricole et, pour
les populations concernées, des difficultés croi ssantes d’accès aux services de santé, ainsi qu’aux
établissements scolaires et à l’approvisionnement primaire en eau.

De l’avis de la Cour, la cons truction du mur priverait également un nombre significatif de
Palestiniens de leur droit de «choisir librement [l eur] résidence». En outre, puisque la construction
du mur et le régime qui lui est associé ont déjà obligé un nombre significatif de Palestiniens à
quitter certaines zones ⎯processus qui se poursuivra avec l’édification de nouveaux tronçons du

mur ⎯, cette construction, combinée à l’établissement des colonies de peuplement mentionné au
paragraphe120 de l’avis, tend à modifier la co mposition démographique du territoire palestinien
occupé. - 12 -

Au total, de l’avis de la Cour, la constr uction du mur et le régime qui lui est associé
entravent la liberté de circulation des habitants du territoire palestinien o ccupé (à l’exception des

ressortissants israéliens et assimilés) telle que gara ntie par le paragraphe 1 de l’article 12 du pacte
international relatif aux droits civils et politi ques. Ils entravent égal ement l’exercice par les
intéressés des droits au travail, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant tels que
proclamés par le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la

convention des NationsUnies relative aux droits de l’enfant. Enfin, la construction du mur et le
régime qui lui est associé, en contribuant a ux changements démographiques mentionnés, sont
contraires au sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève et aux résolutions
du Conseil de sécurité pertinentes déjà citées.

La Cour examine ensuite certaines dispositions du droit international humanitaire applicable
permettant de tenir compte dans certains cas des impératifs militaires, dispositions qui, selon la
Cour, peuvent être invoquées dans des territoir es occupés même après la fin générale des

opérations militaires ayant conduit à l’occupation de ces territoires; elle fait observer, toutefois, que
seul l’article53 de la quatrième convention de Genève contient une disposition de ce type, et, en
conséquence, au vu du dossier, la Cour n’est pas convaincue que les destructions opérées
contrairement à l’interdiction édictée à cet article 53 aient été rendues «absolument nécessaires par

des opérations militaires», auquel cas elles relèveraient de cette exception.

De la même manière, la Cour examine cer taines dispositions tirées de conventions relatives
aux droits de l’homme permettant de déroger aux droits garantis par celles-ci, mais elle conclut, au

vu des informations dont elle dispose, que les conditions posées dans ces dispositions ne sont pas
remplies en l’espèce.

Au total, la Cour, au vu du dossier, n’est pas convaincue que la poursuite des objectifs de

sécurité avancés par Israël nécessitait l’adoption du tracé choisi pour le mur. Le mur tel que tracé
et le régime qui lui est associé portent atteinte de manière grave à de nombreux droits des
Palestiniens habitant dans le territoire occupé par Israël sans que les atteintes résultant de ce tracé
puissent être justifiées par des impératifs militair es ou des nécessités de sécurité nationale ou

d’ordre public. La construction d’ un tel mur constitue dès lors une vi olation par Israël de diverses
obligations qui lui incombent en vertu des instruments applicables de droit international
humanitaire et des droits de l’homme.

Légitime défense et état de nécessité (par. 138-141)

La Cour rappelle qu’à l’annexeI du rapport du Secrétairegénéral, il est cependant précisé

que, selon Israël, «la construction du mur est c onforme à l’article51 de la Charte des
NationsUnies, ainsi qu’à son droit inhérent de lé gitime défense et aux résolutions1368(2001) et
1373 (2001) du Conseil de sécurité».

La Cour note que l’article 51 de la Charte reconnaît l’existence d’un droit naturel de légitime
défense en cas d’agression armée par un Etat contre un autre Etat. Toutefois Israël ne prétend pas
que les violences dont il est victime soient imputables à un Etat étranger. La Cour note par ailleurs
qu’Israël exerce son contrôle sur le territoire pa lestinien occupé et que, comme Israël l’indique

lui-même, la menace qu’il invoque pour justifie r la construction du mur trouve son origine à
l’intérieur de ce territoire, et non en dehors de cel ui-ci. Cette situation est donc différente de celle
envisagée par les résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité, et de ce fait Israël
ne saurait en tout état de cause invoquer ces résolu tions au soutien de sa prétention à exercer un

droit de légitime défense. En conséquence, la Cour conclut que l’article51 de la Charte est sans
pertinence au cas particulier. - 13 -

La Cour se demande par ailleurs si Israël pourrait se prévaloir d’un état de nécessité
permettant d’exclure l’illicéité de la constructi on du mur. A cet égard, citant sa décision en

l’affaire relative au Projet Gab číkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), elle observe que l’état de
nécessité constitue une cause, reconnue par le dro it international coutumier, qui «ne peut être
invoqué[e] qu’à certaines conditions, strictement dé finies, qui doivent être cumulativement
réunies» (C.I.J. Recueil 1997, p. 40, par. 51), l’une de ces conditions étant que le fait incriminé doit

constituer pour l’Etat le seul moyen de protég er un intérêt essentiel contre un péril grave et
imminent. Au vu du dossier, la Cour n’est pas convaincue que la construction du mur selon le tracé
retenu était le seul moyen de protéger les intérêts d’Israël contre le péril dont il s’est prévalu pour

justifier cette construction. Si Israël a le dr oit, et même le devoir, de répondre aux actes de
violence, nombreux et meurtriers, visant sa populati on civile, en vue de protéger la vie de ses
citoyens, les mesures prises n’en doivent pas mo ins demeurer conformes au droit international
applicable. Israël ne saurait se prévaloir du dr oit de légitime défense ou de l’état de nécessité,

comme excluant l’illicéité de la construction du mur. En conséquence, la Cour juge que la
construction du mur et le régime qui lui est associé sont contraires au droit international.

Conséquences juridiques des violations (par. 143-160)

La Cour examine ensuite les conséquences des violations par Israël des obligations
internationales lui incombant. Après avoir rappe lé les arguments avancés à cet égard par divers
participants à la procédure, la Cour constate que la responsabilité d’Israël est engagée selon le droit

international. Elle examine alors ces conséquences juridiques en opérant une distinction entre,
d’une part, celles qui en découlent pour Israël et, d’autre part, celles qui en découlent pour les
autres Etats et, le cas échéant, pour l’Organisation des Nations Unies.

Conséquences juridiques de ces violations pour Israël (par. 149-154)

La Cour note qu’Israël est tout d’abord tenu de respecter les obligations internationales

auxquelles il a contrevenu par la construction du mur en territoir e palestinien occupé. En
conséquence, Israël doit observer l’obligatio n qui lui incombe de respecter le droit à
l’autodétermination du peuple palestinien et les obligations auxque lles il est tenu en vertu du droit
international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme. Par ailleurs, il doit

assurer la liberté d’accès aux Lieux saints passés sous son contrôle à la suite du conflit de 1967.

La Cour observe qu’Israël a également l’oblig ation de mettre un terme à la violation de ses
obligations internationales, telle qu’elle résulte de la constructi on du mur en territoire palestinien

occupé. Israël a en conséquence l’obligation de cesser immédiatement les travaux d’édification du
mur qu’il est en train de construire dans le territo ire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et
sur le pourtour de Jérusalem-Est. De l’avis de la Cour, la cessation par Israël des violations de ses
obligations internationales implique le démantèlement immédiat des portions de cet ouvrage situées

dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’ intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est.
L’ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de l’édification du mur et de la
mise en place du régime qui lui est associé doivent immédiatement être abrogés ou privés d’effet,
sauf s’ils demeurent pertinents dans le contexte de l’obligation de répara tion à laquelle Israël est

tenu.

La Cour constate par ailleurs qu’Israël a l’ obligation de réparer tous les dommages causés à
toutes les personnes physiques ou morales concerné es. La Cour rappelle la jurisprudence bien

établie, selon laquelle « [l]e principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte illicite,...est
que la réparation doit, autant que possible, e ffacer toutes les conséquences de l’acte illicite et
rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis». Israël est

en conséquence tenu de restituer les terres, les vergers, les oliveraies et les autres biens immobiliers
saisis à toute personne physique ou morale en vu e de l’édification du mur dans le territoire - 14 -

palestinien occupé. Au cas où une telle restitution s’avérerait matériellement impossible, Israël
serait tenu de procéder à l’indemnisation des personnes en question pour le préjudice subi par elles.

De l’avis de la Cour, Israël est également te nu d’indemniser, conformément aux règles du droit
international applicables en la matière, toutes les personnes physiques ou morales qui auraient subi
un préjudice matériel quelconque du fait de la construction de ce mur.

Conséquences juridiques pour les autres Etats (par. 154-159)

La Cour fait remarquer qu’au rang des obliga tions internationales violées par Israël figurent

des obligations erga omnes. Comme la Cour l’a précisé dans l’affaire de la Barcelona Traction , de
telles obligations, par leur nature même, «concerne nt tous les Etats» et, «[v]u l’importance des
droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces
droits soient protégés» (Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt,

C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 33). Les obligations erga omnes violées par Israël sont l’obligation
de respecter le droit du peuple palestinien à l’au todétermination ainsi que certaines des obligations
qui sont les siennes en vertu du droit inte rnational humanitaire. S’agissant du droit à
l’autodétermination, la Cour rappelle ses conclusions en l’affaire du Timor oriental et la

résolution2625 (XXV) de l’Assemblée générale. Elle rappelle qu’un grand nombre de règles du
droit humanitaire «constituent des principes intran sgressibles du droit international coutumier»
(C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79) et constate qu’elles incorporent des obligations revêtant par
essence un caractère erga omnes. Elle souligne en outre l’obligation incombant aux Etats parties à

la quatrième convention de Genève d’en «faire respecter» les dispositions.

Vu la nature et l’importance des droits et obligations en cause, la Cour est d’avis que tous les
Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du

mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est.
Ils sont également dans l’obligation de ne pas pr êter aide ou assistance au maintien de la situation
créée par cette construction. Il appartient par aille urs à tous les Etats de veiller, dans le respect de
la Charte des Nations Unies et du droit international, à ce qu’il soit mis fin aux entraves, résultant

de la construction du mur, à l’exer cice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination.
En outre, tous les Etats parties à la convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre, du 12août1949, ont l’ obligation, dans le respect de la Charte des
NationsUnies et du droit international, de fair e respecter par Israël le droit international

humanitaire incorporé dans cette convention.

L’Organisation des Nations Unies (par. 160)

La Cour est enfin d’avis que l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée
générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis consultatif,
examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite
découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé.

*

La Cour estime que la construction du mur par Israël dans le territoire palestinien occupé est
contraire au droit international et doit être repl acée dans un contexte plus général. Depuis1947,
année de l’adoption de la résolution 181 (II) de l’Assemblée générale et de la fin du mandat pour la

Palestine, se sont multipliés sur le territoire de l’ancien mandat les conflits armés, les actes de
violence indiscriminés et les mesures de répression. La Cour relève qu’aussi bien Israël que la
Palestine ont l’obligation de respecter de manièr e scrupuleuse le droit international humanitaire,

dont l’un des buts principaux est de protéger la vi e des personnes civiles. Des actions illicites ont - 15 -

été menées et des décisions unilatérales ont été prises par les uns et pa
r les autres alors que, de
l’avis de la Cour, seule la mise en Œuvre de bonne foi de toutes les résolutions pertinentes du

Conseil de sécurité, en particulier les résolutions 242 (1967) et338 (1973), est susceptible de
mettre un terme à cette situation tragique. La «feu ille de route» approuvée par la résolution 1515
(2003) du Conseil de sécurité constitue l’effort le plus récent en vue de provoquer des négociations
à cette fin. La Cour croit de son devoir d’appele r l’attention de l’Assemblée générale, à laquelle

cet avis est destiné, sur la nécessité d’encourager ces efforts en vue d’aboutir le plus tôt possible,
sur la base du droit international, à une solu tion négociée des problèmes pendants et à la
constitution d’un Etat palestinien vivant côte à cô te avec Israël et ses autres voisins, et d’assurer à
chacun dans la région paix et sécurité.

*

Le texte intégral du dernier paragraphe (par. 163) est libellé comme suit :

mcotis,

L A C OUR ,

1) A l’unanimité,

Dit qu’elle est compétente pour répondre à la demande d’avis consultatif;

2) Par quatorze voix contre une,

Décide de donner suite à la demande d’avis consultatif;

POUR : M. Shi, président ; M. Ranjeva, vice-président ; MM.Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, MmeHiggins , MM.Parra-Aranguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

CONTRE : M. Buergenthal, juge;

3) Répond de la manière suivante à la question posée par l’Assemblée générale :

A. Par quatorze voix contre une,

L’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire
dans le territoire palestinien occupé, y co mpris à l’intérieur et sur le pourtour de
Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international;

POUR : M. Shi, président ; M. Ranjeva, vice-président ; MM.Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, MmeHiggins , MM.Parra-Aranguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

CONTRE : M. Buergenthal, juge;

B. Par quatorze voix contre une,

Israël est dans l’obligation de me ttre un terme aux violations du droit
international dont il est l’auteur; il est tenu de cesser immédiatement les travaux

d’édification du mur qu’il est en train de c onstruire dans le territoire palestinien
occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, de démanteler
immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire et d’abroger immédiatement ou de

priver immédiatement d’effet l’ensemble des actes législatifs et réglementaires qui s’y
rapportent, conformément au paragraphe 151 du présent avis; - 16 -

POUR : M. Shi, président ; M. Ranjeva, vice-président ; MM.Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, MmeHiggins , MM.Parra-Aranguren, Kooijmans,

Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

CONTRE : M. Buergenthal, juge;

C. Par quatorze voix contre une,

Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la
construction du mur dans le territoire palestin ien occupé, y compris à l’intérieur et sur

le pourtour de Jérusalem-Est;

POUR : M. Shi, président ; M. Ranjeva, vice-président ; MM.Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, MmeHiggins , MM.Parra-Aranguren, Kooijmans,

Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

CONTRE : M. Buergenthal, juge;

D. Par treize voix contre deux,

Tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite
découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien
de la situation créée par cette construction;tous les Etats parties à la quatrième

convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre, du 12août1949, ont en outre l’obliga tion, dans le respect de la Charte des
Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit
international humanitaire incorporé dans cette convention;

POUR : M. Shi, président ; M. Ranjeva, vice-président ; MM.Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, MmH e iggins, MMP.arra-Aranguren, Rezek,

Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

CONTRE : MM. Kooijmans, Buergenthal, juges;

E. Par quatorze voix contre une,

L’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le
Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis consultatif,
examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la

situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé.

POUR : M. Shi, président ; M. Ranjeva, vice-président ; MM.Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, MmeHiggins , MM.Parra-Aranguren, Kooijmans,

Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

CONTRE : M. Buergenthal, juge.»

___________ COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Résumé
Document non officiel

Annexes au résumé 2004/2

Opinion individuelle de M. le juge Koroma

Dans son opinion individuelle, le juge Koroma indique que, tout en souscrivant à la décision

de la Cour selon laquelle le mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le
territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le
régime qui lui est associé sont contraires au droit international, il estime que les points suivants
méritent d’être soulignés.

Selon lui, l’édification du mur — qui a entraîné l’annexion de portions du territoire occupé et
la dépossession d’un certain nombre de Palestiniens de leurs terres— est contraire au droit
international (notamment au principe interdisant l’acquisition de territoire par la force), au droit
relatif aux droits de l’homme et au droit intern ational humanitaire, en ve rtu desquels les droits

qu’exerce une puissance occupante dans un territoire occupé et sur ses habitants sont de nature
limitée; ces droits n’équivalent pas à des droits so uverains qui autoriseraient l’occupant à apporter
au statut de ce territoire des modifications tell es que la construction du mu r. En d’autres termes,
lorsque, par son action, une puissance occupante modi fie unilatéralement le statut d’un territoire

qu’elle occupe militairement, elle viole le droit existant.

Sur la question de la compétence, le juge Koroma déclare que, même s’il est concevable
qu’il y ait des points de vue juridiques très divers sur la question dont est saisie la Cour, il est

d’avis que, à la lumière de la Charte des Nations Unies, du Statut de la Cour et de la jurisprudence
de celle-ci, l’objection à la compétence de la C our pour connaître des problèmes soulevés dans la
question posée à la Cour n’est pas fondée. A so n avis, l’objection reposant sur l’opportunité
judiciaire ⎯ un aspect que la Cour a amplement examin é sous l’angle de la bonne administration

de la justice ⎯ n’est pas fondée non plus. Selon le juge, non seulement la question dont est saisie
la Cour est une question éminemment juridique à laquelle il est possible d’apporter une réponse
juridique, mais aucune preuve décisive n’a été pr oduite pour persuader la Cour de décliner sa
compétence consultative.

Il convient de mettre en exergue de la même ma nière la conclusion de la Cour concernant le
droit à l’autodétermination du peuple palestinien, y compris l’établissement de son propre Etat par
celui-ci, comme l’envisage la résolution 181 (II), et la conclusion selon laquelle la construction du
mur serait un obstacle à la réalisation de ce droit.

Le juge Koroma souligne également le fait que les conclusions de la Cour font autorité,
certaines reposant sur les principes de jus cogens et revêtant un caractère erga omnes.

Tout aussi important est l’appel lancé aux pa rties au conflit pour qu’elles respectent, durant

les hostilités en cours, les principes du droit humanitaire, notamment la quatrième convention de
Genève.

Enfin, le juge déclare que, la Cour s’ét ant prononcée, il incombe à présent à l’Assemblée

générale d’utiliser ces conclusions de manière à a pporter une solution juste et pacifique au conflit
israélo-palestinien, un conflit qui non seulement dure depuis trop longtemps mais cause également - 2 -

d’énormes souffrances aux personnes directem ent concernées et envenime les relations
internationales en général. - 3 -

Opinion individuelle de Mme le juge Higgins

Dans son opinion individuelle, le juge Higgins, qui a voté avec la Cour en faveur de chacun
des points du dispositif, développe sa position sur certains des problèmes rencontrés par la Cour,

lorsque celle-ci a eu à se prononcer sur la question de savoir si elle devait exercer ou non le pouvoir
discrétionnaire qu’elle a de refuser de répondre à la question qui lui a été posée. Selon elle, une
condition énoncée par la Cour dans l’avis consultatif sur le Sahara occidental ne se trouve pas
remplie, à savoir que, lorsque deux Etats ont un différend, l’Assemblée gé nérale ne devrait pas

demander d’avis consultatif «afin d’exercer plus ta rd, sur la base de l’avis rendu par la Cour, ses
pouvoirs et ses fonctions en vue de régler pacifiquement ce différend ou cette controverse»
(C.I.J. Recueil 1975, p.56, par.39). Les participants à la présente procédure ont clairement fait

savoir que l’intention était précisément de se servir de l’avis en tant que moyen de pression.

Le juge Higgins est d’avis que, en principe , il n’est pas souhaitable qu’une question soit
posée à la Cour en empêchant en même temps celle-ci de se pencher sur le contexte dans lequel le
problème se pose. Elle indique ce que la Cour aurait dû faire, à la fois pour que l’avis soit équilibré

et impartial et pour mettre à profit les possibilités qu’offre un avis consultatif afin de rappeler tant à
la Palestine qu’à Israël les responsabilités que leur impose le droit international.

Le juge Higgins explique en outre que, tout en souscrivant à l’idée que les articles 46 et 52

du règlement de LaHaye et l’article53 de la quatrième convention de Genève ont été violés par
l’édification du mur dans le territoire occupé, elle ne partage pas la tota lité du raisonnement qui a
conduit la Cour à cette conclusion. Elle doute en particulier que le mur constitue un «obstacle

grave» à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, le véritable obstacle
se situant ailleurs, selon elle. Elle convient qu’Israël ne peut exclure l’illicéité en invoquant le droit
de légitime défense, mais les motifs qui l’amènent à tirer pareille conclusion sont différents de ceux
de la Cour, parce qu’elle ne partage pas les vues de celle-ci sur la légitime défense telles

qu’exposées au paragraphe 139 de l’avis.

S’agissant des conséquences juridiques qui découlent des conclusions de la Cour, le
juge Higgins indique que, tout en ayant voté pour, notamment, l’alinéa D du point 3, elle n’est pas

convaincue que les obligations qui incombent aux Membres des Nations Unies résultent du concept
juridique des obligations erga omnes, ni se fondent sur ce concept.

Opinion individuelle de M. le juge Kooijmans

Le juge Kooijmans commence par exposer brièvement les raisons pour lesquelles il a voté
contre l’alinéa D du paragraphe 3) du dispositif.

Il présente ensuite succinctement le cadre hi storique et le contexte de la demande de
l’Assemblée générale. Selon lui, la Cour aurait dû décrire ce contexte plus en détail; l’avis aurait
alors reflété de manière plus satisfaisante les in térêts légitimes et les responsabilités de tous les
groupes et individus concernés.

Le juge Kooijmans formule alors certaines ob servations sur les questions de compétence et
d’opportunité judiciaire. Il considère que la demande, qui postule l’illicéité de l’édification du mur,
est rédigée en termes plutôt ma ladroits. Or la responsabilité judiciaire incombait à la Cour

d’analyser la demande et, le cas échéant, d’en reformuler l’objet.

S’agissant du fond, le juge Kooijmans se désolidarise de la conclusion de la Cour selon
laquelle l’édification du mur constitu e une violation par Israël de son obligation de respecter le

droit du peuple palestinien à disposer de lui-mê me. L’exercice de ce droit entre dans le cadre
beaucoup plus large du processus politique, bien que le juge Kooijmans considère, comme la Cour,
que le mur fait obstacle à cet exercice. - 4 -

Le juge Kooijmans déplore par ailleurs que l es mesures prises par Israël n’aient pas été
assujetties au critère de proportionnalité, mais seulement à celui des exigences militaires et des

impératifs de sécurité nationale. En droit inte rnational humanitaire, les critères de nécessité
militaire et de proportionnalité sont étroitement liés.

S’agissant de l’argument d’Israël selon lequel il a agi au titre de la légitime défense, le juge

Kooijmans fait remarquer que si la Cour a om is de relever que les résolutions 1368 (2001)
et1373(2001) du Conseil de sécurité, sur lesque lles se fonde Israël, ne mentionnent pas une
agression armée par un autre Etat, elle souligne à juste titre que ces résolutions mentionnent des
actes de terrorisme international. En la présente instance, les actes terroristes trouvent leur origine

dans un territoire sur lequel Israël exerce son contrôle.

Enfin, le juge Kooijmans explique pourquoi il souscrit aux conclusions de la Cour sur les
conséquences en droit de l’édification du mur pour l’Organisation des Nations Unies et pour Israël,

mais pourquoi il se désolidarise de ses conclusions à l’égard des autres Et ats, à l’exception du
devoir de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation ainsi créée.

S’agissant du devoir de non-reconnaissance et de celui de faire respecter par Israël le droit

international humanitaire, le juge Kooijmans est d’avis que les conclusions de la Cour sont
insuffisamment fondées en droit in ternational positif et que, par a illeurs, ces obligations sont en
réalité dénuées de substance.

Opinion individuelle de M. le juge Al-Khasawneh

Le juge Al-Khasawneh, dans l’opinion individu elle qu’il joint à l’avis, déclare souscrire aux

conclusions et au raisonnement de la Cour, mais souhaite préciser trois points :

Premièrement, l’identification de la présence d’Israël en Cisjordanie, y compris à
Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza, à une occupation militaire repose sur une solide opinio
juris et trouve appui dans de nombreuses résolutions, dont certaines ont force obligatoire, ainsi que

dans la position, individuelle ou collective, des Etats. La Cour, tout en prenant acte de cette opinio
juris constante, est parvenue à des conclusions analogues indépendamment de ces résolutions et
autres éléments. Selon le juge Al-Khasawneh, la Cour a bien fait de ne pas s’interroger sur le statut

exact des territoires occupés avant1967, car nul n’est besoin de se reporter à leur statut antérieur
pour conclure qu’il s’agit de territoires occupé s auxquels s’applique le régime juridique
international de l’occupation. En outre, ce statut n’aurait de l’importance que si ces territoires
étaient terra nullius, ce qui est indéfendable. On ne saurait en effet sérieusement soutenir la notion

de terra nullius, qui est discréditée et ne trouve plus à s’appliquer dans le monde d’aujourd’hui. De
surcroît, les territoires faisaient pa rtie d’un territoire sous mandat, et le droit de leur population à
l’autodétermination n’est pas éteint et ne le sera pas tant que les Palestiniens ne l’auront pas réalisé.

Deuxièmement, le juge Al-Khasawneh examin e la question de la Ligne verte et rappelle
qu’avant 1967, d’éminents juristes israéliens ont cherché à prouver qu’elle était plus qu’une simple
ligne d’armistice. Aujourd’hui, c’est à partir d’e lle que l’occupation israélienne est mesurée. Nier
l’importance de cette ligne est une démarche à double tranchant, qui ouvre la voie aux contestations

du titre d’Israël et de l’expansion de son territoire au-delà de ce qui était prévu dans le plan de
partage de la Palestine de 1947.

Troisièmement, le juge Al-K hasawneh rappelle que, si rien n’empêche de parler de

négociations, celles-ci sont un moye n qui permet d’atteindre une fin, et non une fin en soi. Pour
que les négociations aboutissent à une solution conf orme à des principes, il faut qu’elles soient
fondées en droit. En gage de leur bonne foi, ceux qui y prennent part doivent s’abstenir de créer
des faits accomplis. - 5 -

Déclaration de M. le juge Buergenthal

Le jugeBuergenthal estime que la Cour aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire et
refuser de rendre l’avis consultatif qui lui était demandé, car elle ne disposait pas, selon lui,
d’informations et d’éléments de preuve suffisants pour le faire. Faute de reposer sur les éléments
de fait requis, les conclusions beau coup trop générales de la Cour sur le fond sont viciées; c’est ce

qui a conduit le juge Buergenthal à voter contre elles.

Le juge Buergenthal admet volontiers qu’une analyse approfondie de tous les faits pertinents
pourrait amener à conclure que certains tronçons, voire tous les tronçons, du mur qu’Israël est en

train de construire dans le te rritoire palestinien occupé sont érigés en violation du droit
international. Il estime cependant que rien ne justifie, en droit, que la Cour soit parvenue à cette
conclusion au sujet du mur tout entier sans avoir eu à sa disposition ni cherché à vérifier tous les
faits pertinents touchant directement au droit natu rel de légitime défense d’Israël, à ses impératifs

militaires et à ses besoins de s écurité, compte tenu des multiples attaques terroristes meurtrières
menées à partir du territoire palestinien occupé contre Israël même et sur son territoire, qu’Israël a
subies et continue de subir. A ce sujet, le juge Buergenthal fait valoir que le droit de légitime
défense n’existe pas seulement en cas d’attaque commise par des Etats et que les agressions armées

menées contre Israël même à partir du territoire palestinien occupé doivent être considérées, dans le
contexte de l’espèce, comme répondant aux critères de l’article 51 de la Charte des Nations Unies.

Le jugeBuergenthal ne peut davantage s’ associer à la Cour lorsque celle-ci conclut

globalement que l’édification du mur viole le dr oit international humanitaire et les instruments
relatifs aux droits de l’homme, parce que ces conc lusions ne s’appuient sur aucun fait ou élément
de preuve qui contredise précisément l’argument des impératifs militaires ou des raisons de sécurité
nationale avancé par Israël. Le jugeBuergentha l reconnaît, certes, que plusieurs dispositions du

droit international humanitaire citées par la Cour n’autorisent aucune exception fondée sur les
impératifs militaires : c’est le cas notamment de l’article 46 du règlement de La Haye et du sixième
alinéa de l’article49 de la quatrième convention de Genève. Si le juge Buergenthal pense que
l’analyse que fait la Cour de l’applicabilité de l’article 46 en l’espèce est mal fondée, il estime en

revanche que le sixième alinéa de l’article 49, qui dispose que «[la] puissance occupante ne pourra
procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le
territoire occupé par elle», s’a pplique effectivement aux colonies de peuplement israéliennes en

Cisjordanie, et que l’existence de ces colonies est donc une violation de cette disposition. Par
conséquent, l’édification des tronçons du mur construits par Israël pour protéger les colonies
constitue ipso facto une violation de cette disposition.

Enfin, le jugeBuergenthal note que l’on pou rrait faire valoir que, si nombre de faits
pertinents concernant la licéité de la construction du mur par Israël ont fait défaut à la Cour, c’est
parce qu’Israël ne les avait pas produits, et que la Cour était dès lors fondée à s’appuyer presque
exclusivement sur les rapports soumis par l’Organi sation des NationsUnies. Cet argument serait

valable si la Cour était saisie non pas d’une de mande d’avis consultatif mais d’une affaire
contentieuse, dans laquelle chaque partie doit prouver le bien-fondé de ses demandes. Telle n’est
pas la règle en matière consultative. Israël n’av ait nullement l’obligation ju ridique de participer à
cette procédure ni de produire des éléments te ndant à prouver la licéité de son mur. Par

conséquent, la Cour ne saurait c onclure que le mur est illicite simplement parce qu’Israël n’a pas
produit ces éléments, ni considérer, sans les vérifier elle-même de manière exhaustive, que les
informations qui lui ont été fournies suffisent à étayer des conclusions juridiques par trop
générales. - 6 -

Opinion individuelle de M. le juge Elaraby

Le juge Elaraby souscrit entièrement et sans ré serve aux constatations et conclusions de la
Cour. Il estime cependant nécessaire d’y joindre une opinion individuelle, afin de développer
certains des aspects historiques et juridiques abordés dans l’avis consultatif.

Le juge examine en premier lieu la nature et la portée de la responsabilité de l’Organisation
des Nations Unies à l’égard de la Palestine, qui tire son origine de la résolution 181 (II) adoptée le
29novembre1947 par l’Assemblée générale. Cette résolution, connue sous le nom de résolution
sur le partage, prévoyait la création de deux Et ats indépendants, l’un arabe et l’autre juif, et

affirmait que la période qui s’écoul erait avant la réalisation de cet objectif «sera[it] une période de
transition».

Le juge Elaraby aborde ensuite le statut, au regard du droit inte rnational, du territoire

palestinien occupé et les conséquences juridiques du mandat pour la Palestine et de sa terminaison
par l’Assemblée générale. Il rappelle en outre que la Cour, dans les affaires relatives au Sud-Ouest
africain et à la Namibie , avait jugé que les territoires anciennement sous mandat faisaient l’objet
d’une «mission sacrée de civilisation» et ne «devai ent pas être annexés». Il évoque également les

engagements répétés qu’a pris Israël de se retirer et de respecter l’intégrité territoriale du territoire
palestinien occupé.

Dans une troisième partie de son opinion individuelle, le juge Elaraby analyse brièvement les

effets de l’occupation israélienne prolongée et les limites qui sont prévues dans les règles du jus
bello afin de garantir la protection des non-combattant s. Il considère que les violations par Israël
du droit international humanitaire auraient dû être qualifiées de violations graves.

Le juge Elaraby présente également des observations sur la constata tion de la Cour selon
laquelle «[la] construction [du mur]…dresse…un obstacle grave à l’exercice par le peuple
palestinien de son droit à l’aut odétermination». A son avis, cette importante constatation aurait dû
être incluse dans le dispositif.

Opinion individuelle de M. le juge Owada

Dans son opinion indivi duelle, le juge Owada souscrit aux conclusions énoncées dans l’avis

consultatif de la Cour, tant sur les questions préliminaires relatives à la compétence et à
l’opportunité judiciaire d’exercer cette compétence que sur la plupart des points relevant du fond.
Il émet toutefois quelques réserves quant à la manière dont la Cour a exercé cette opportunité

judiciaire dans la présente procédure.

Plus précisément, le juge Owada est d’av is que la Cour aurait dû s’interroger sur
l’opportunité judiciaire non seulement pour déterm iner si elle devait donner suite à la demande

d’avis consultatif, mais également pour savoir comm ent exercer sa compétence, une fois qu’elle a
décidé de l’exercer, en vue d’assurer une bonne administration de la justice dans cette affaire qui
fait intervenir un différend bilatéral sous-jacent. En pareil cas, une bonne administration de la
justice impose également de traiter équitablement les positions des parties concernées quant à

l’évaluation des faits et des points de droit. Enfi n, le juge Owada regrette que la Cour n’ait pas
exprimé dans son avis un rejet ca tégorique du cycle tragique d’actes de violence aveugle perpétrés
de part et d’autre contre des populations ci viles innocentes, cycle qui constitue un élément
important de la toile de fond de la présente affaire.

___________

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Résumé de l'avis consultatif du 9 juillet 2004

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